Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société Air France et American Express Marketing & Development Corp. contre C. N.

Litige N° D2011-2218

1. Les parties

Les Requérantes sont Société Air France de Roissy CDG Cedex, France et American Express Marketing & Development Corp. de New York, Etats-Unis d’Amérique, représentés par MEYER & Partenaires, France.

Le Défendeur est C. N. de Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <airfrance-american-express.com>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux est enregistré est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Société Air France (“Air France”) et la Société American Express Marketing & Development Corp. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 16 décembre 2011.

En date du 16 décembre 2011, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par les Requérantes. Le 16 et le 20 décembre 2011, l’unité d’enregistrement OVH a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige. En date du 21 décembre 2011, le Centre a envoyé un courrier électronique aux Requérantes en demandant un amendement à la plainte afin de motiver la requête de consolidation. Les Requérantes ont déposé un amendement le 22 décembre 2011.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 23 décembre 2011, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 16 janvier 2012. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse formelle, mais il a envoyé deux communications par courrier électronique en date du 9 et 10 janvier 2012. En date du 17 janvier 2012, le Centre notifiait aux parties le commencement de la procédure de nomination d'une commission administrative.

En date du 26 janvier 2012, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Emmanuelle Ragot. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La procédure est initiée par deux Requérantes, Air France et American Express Marketing & Development Corp.

La Requérante Air France est historiquement une société majeure dans le transport aérien et ce depuis sa création en 1933.

Considérée comme l’une des plus importantes compagnies aériennes au monde basée en France, Air France est devenue le premier groupe européen de transport suite au rapprochement avec la compagnie KLM en 2004.

Leader dans son secteur sur une échelle européenne, Air France effectue 1700 vols à destination de 244 villes dans 98 pays par jour. En 2008, Air France emploie 63,000 salariés et transporte sur une période de référence 2008-2009 plus de 74 millions de passagers pour un chiffre d’affaires de 23,9 milliards d’Euros.

La Requérante Air France est titulaire de marques enregistrées en France et au plan communautaire, notamment les marques suivantes:

- Marque française nominale AIR FRANCE n° 1703113 enregistrée le 31 octobre 1991 dans 42 classes de l’Arrangement de Nice de 1957, en vigueur;

- Marque française AIRFRANCE, écriture distinctive n° 08 ou 3575442 enregistrée le 15 mai 2008 dans 15 classes de l’Arrangement de Nice de 1957, en vigueur;

- Marque communautaire nominale AIR FRANCE n° 2528461 déposée le 9 janvier 2002 dans 29 classes de l’Arrangement de Nice de 1957, en vigueur;

- Marque nominale communautaire AF n° 2914372 enregistrée le 4 janvier 2006 dans 15 classes de l’Arrangement de Nice de 1957, en vigueur.

En outre, la Requérante Air France est titulaire de différents noms de domaine, tous enregistrés et exploités dans le cadre de sa marque institutionnelle:

- <airfrance.com> enregistré le 1 décembre 1994;

-<airfrance.org> enregistré le 23 mai 2002; et

- <airfrance.net> enregistré le 24 mars 1998.

La Requérante Air France exerce une présence forte sur le réseau Internet depuis 1997 par l'intermédiaire de son portail web international “www.airfrance.com” lequel génère un trafic mensuel de plus de 12 millions de visiteurs uniques.

Air France est titulaire du nom de domaine <airfranceamericanexpress.com> qu’elle exploite pour activer une page officielle dédiée à son programme de cartes de paiement en partenariat avec la société American Express.

La Requérante American Express Marketing et Development Corp. est une société de droit américain. La date du premier usage de la marque AMERICAN EXPRESS et de son nom en 1850 en fait une multinationale présente dans le monde avec 91 millions de personnes détentrices d’une carte American Express.

American Express a généré en 2010 27,8 milliards de dollars de chiffre d’affaire et a consacré plus de 8,6 milliards de dollars des Etats Unis d’Amérique à ses budgets marketing, promotionnels et ses programmes de fidélité dans le monde entier.

Le site web de American Express Marketing et Development Corp. accessible depuis le nom de domaine <americanexpress.com> permet l’exploitation de la marque AMERICAN EXPRESS sur Internet afin de communiquer avec sa clientèle mondiale.

Le nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com> a été enregistré en date du 20 juin 2011.

Actuellement, le nom de domaine est actif.

5. Argumentation des parties

A. Requérantes

Ayant constaté l’enregistrement du nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com> à une date non précisée, mais au plus tard à la date certaine de la première lettre recommandée adressée en date du 19 juillet 2011, avec accusé de réception et par email, les Requérantes ont notifié au Défendeur l’atteinte portée à leurs droits et ont tenté d’obtenir le transfert du nom de domaine litigieux à l’amiable.

Les Requérantes soutiennent que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion à leurs marques, que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache et que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

B. Défendeur

Les coordonnées du Défendeur faisant l’objet d’une mesure d’anonymat sur la fiche WhoIs du nom de domaine litigieux, les Requérantes ont adressé une lettre de mise en demeure en utilisant l’alias d’adresse email proposé par le service d’anonymat de l’unité d’enregistrement OVH.

Le Défendeur s’est manifesté sans se soumettre aux injonctions des Requérantes. Le Défendeur a indiqué qu’il avait modifié le contenu du site afin de respecter la volonté des Requérantes et a indiqué que le site était désormais un blog sur l’actualité des Requérantes afin de proposer un partage d’expérience.

6. Discussion et conclusions

Question procédurale préliminaire: consolidation de la plainte.

La Commission administrative note que la plainte est déposée par deux Requérantes, Air France et American Express Marketing & Development Corp. Conformément à la jurisprudence UDRP, les Requérantes ont prouvé qu’elles avaient un grief commun à l’encontre du Défendeur et le caractère équitable et l’efficacité procédurale de la dite consolidation. Par conséquent, au vu de ces éléments, la Commission administrative décide d’accepter la consolidation de la plainte.

La Commission administrative doit déterminer si les trois conditions posées par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont réunies, à savoir:

(i) le nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion à des marques de produits ou de services sur lesquelles les Requérantes ont des droits,

(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache et,

(iii) le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le nom de domaine litigieux est <airfrance-american-express.com>.

Les Requérantes justifient des droits privatifs qu’elles détiennent pour AIR FRANCE et AMERICAN EXPRESS au titre des enregistrements de marques antérieurs au nom de domaine litigieux – dont elles sont titulaires, notamment en France, au plan communautaire et aux Etats-Unis d’Amérique.

Les Requérantes sont aussi titulaires du nom de domaine <airfranceamericanexpress.com>, enregistré le 26 novembre 2003 et donc antérieur au nom de domaine litigieux.

D’une part, le nom de domaine litigieux reproduit intégralement les deux marques des Requérantes en se distinguant uniquement par l’adjonction d’un trait d’union entre les termes “airfrance”, “american” et “express”. La présence ou l’absence de trait d’union dans un nom de domaine litigieux doit être ignorée dans l’analyse de l’identité ou la similitude du nom de domaine avec la marque en question; British Airways Plc contre Cadmos LLC and Francis R Grenier, Litige OMPI No. D2002-0612 concernant <britishairways.info> (en anglais uniquement); Société Air France contre The World of Travel, Litige OMPI No. D2002-0485 concernant <lastminute-air-france.com> and <lastminute-air-france.net> (en anglais uniquement).

D’autre part, le nom de domaine litigieux en combinant ces deux marques notoires entretient l’idée selon laquelle il serait opéré par ou pour le compte de l’un, de l’autre ou des deux Requérantes.

Le Défendeur a créé un risque de confusion avec la marque des Requérantes en enregistrant le nom de domaine litigieux; les internautes pouvant légitimement croire que le nom de domaine litigieux appartient aux Requérantes ou qu’il existe un lien entre les Requérantes et le Défendeur.

Par conséquent, la Commission administrative conclut que les conditions posées au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs sont satisfaites.

B. Droits ou intérêts légitimes

Les nombreuses marques et noms de domaine des Requérantes sont antérieurs au nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com>.

Le Défendeur n’est en aucune manière affiliée aux Requérantes et n’a pas été autorisé par ces dernières à enregistrer ou à utiliser les marques AIR FRANCE ou AMERICAN EXPRESS ou encore à procéder à l’enregistrement de noms de domaine incluant les marques en question.

Le Défendeur n’est donc ni licencié, ni tiers autorisé à utiliser les marques, y compris à titre de nom de domaine.

Au vu de cette situation, le Défendeur n’a donc aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

Par ailleurs, le Défendeur ne fait pas non plus un usage légitime et non commercial du nom de domaine litigieux comme en atteste le fait qu’il s’en serve pour promouvoir les services de sa société.

Le nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com> est activé de diverses manières.

L’activation de l’adresse “http://airfrance-american-express.com” consiste en une page web temporaire du prestataire d’hébergement “OVH”.

Cet usage du nom de domaine litigieux ne traduit aucun droit ou intérêt légitime du Défendeur:

- il n’établit pas clairement l’absence de relation avec les Requérantes,

- il laisse sous-entendre que les Requérantes recommandent les services de l’unité d’enregistrement OVH,

- il présente un contenu graphique et textuel inadapté aux exigences de qualité des Requérantes,

- il perturbe par conséquent les activités en ligne des Requérantes et en particulier l’exploitation de leurs marques notoires respectives AIR FRANCE et AMERICAN EXPRESS.

L’activation de l’adresse “www.airfrance-american-express.com” consiste en un site Internet dans lequel sont reproduites à l’identique les marques des Requérantes ainsi que de nombreux contenus textuels initialement publiés sur les sites institutionnels des Requérantes. Il n’y est fait aucune mention explicite de l’absence de relation d’affaires entre les Requérantes et les exploitants du site Internet.

Contrairement aux arguments du Défendeur, le site Internet activé par le nom de domaine litigieux n’est pas un simple site de “fan” à vocation non commerciale, mais bien un site destiné à procurer de réels avantages commerciaux au Défendeur: d’une part sous la forme de points “Miles”, d’autre part grâce à la promotion de son activité commerciale.

La recherche d’avantages commerciaux sous forme de points “Miles” est réalisée au détriment des Requérantes dans la mesure où:

- L’édition d’une plateforme de parrainage non officielle a vocation à recueillir passivement et anonymement les candidatures de filleuls déjà avertis dénature les objectifs de communication des Requérantes.

- Le bénéfice retiré abusivement par le Défendeur de cette édition est réalisé au détriment des Requérantes.

Le Défendeur affiche d’ailleurs publiquement son intérêt sur son site Internet :

logo

Le Défendeur exploite également le nom de domaine litigieux afin de promouvoir l’activité commerciale d’une société dont il est manifestement le gérant.

Le bas de chaque page web du site Internet accessible depuis l’adresse “www.airfrance-american-express.com” présente un lien hypertexte mentionnant l’expression “WedoWeb”. Cet hyperlien active le site Internet d’une “agence de communication interactive”. La page de contact de ce site Internet indique les coordonnées:

“Wedoweb

10 rue Clément

75006 Paris

Tel: [ ]

Fax: [ ]”

Une recherche concernant cette adresse postale renvoi à l’entreprise unipersonnelle “C. N.”. Le Défendeur exerce donc manifestement une activité commerciale dans le domaine de la communication sur Internet dont il fait la promotion sous le nom “WedoWeb” en utilisant les marques des Requérantes.

L’usage commercial du nom de domaine litigieux est difficilement contestable, compte tenu de la multiplicité des messages promotionnels édité par le Défendeur, qui associe le nom de domaine litigieux à sa propre activité commerciale sur plusieurs réseaux sociaux: Google Plus, Facebook, Twitter, ainsi que sur le blog de “WedoWeb”.

L’ensemble de ces messages laisse supposer que les Requérantes auraient sollicité le Défendeur pour réaliser le site Internet activé par le nom de domaine litigieux.

L’usage du nom de domaine litigieux et des marques des Requérants pour faire la promotion de l’activité commerciale du Défendeur ne saurait constituer un intérêt légitime.

La Commission administrative se réfère à plusieurs décisions conformément aux Principes UDRP, dont:

- Crédit Agricole S.A. contre Samir Laroussi, s l, ID:ovh4d05999cmkxv, Litige OMPI N° D2011-0423: concernant <crédit-agricole.org>: “Or, en l’espèce, étant démontré qu’il n’existe aucun lien entre les parties, quel pourrait être l’intérêt du Défendeur à exploiter le nom de domaine litigieux au profit du Requérant sans contrepartie ? La Commission administrative est d’avis au contraire que le nom de domaine est utilisé pour promouvoir les activités de la société Web Communication Consulting, qui semble être liée au Défendeur.

Selon la Commission administrative, cet usage du nom de domaine <crédit-agricole.org> n’est pas susceptible de faire naître un quelconque intérêt légitime au bénéfice du Défendeur.”

L’illégitimité de ce but est également aggravée par la recherche et l’entretien d’une confusion (par la reproduction illégitime des marques et contenus protégés des Requérantes) dans l’esprit des utilisateurs qui peuvent légitimement penser que le site web accessible à l’adresse “www.airfrance-american-express.com” est un service proposé et/ou approuvé par les Requérantes. Cette démarche visant manifestement à détourner une partie du trafic des sites officiels des Requérantes.

La Commission administrative se réfère également à la décision:

- American Express Marketing & Development Corp. contre alexanderwechsler, Litige NAF N° 1399523 (en anglais uniquement) concernant <thecenturioncard.com>: “According to Complainant, the Disputed Domain Name resolves to a website that offers information about Complainant’s products. A review of the site proves this to be the case. The evidence submitted by both sides indicates the web site is a fan site, prominently including Complainant’s CENTURION name and logo throughout the site. The web site creates a false association with American Express and its Centurion Card. The Panel finds that the operation of a fan site like this one is not a bona fide offering of goods or services or a legitimate noncommercial or fair use of the Disputed Domain Names under Policy ¶ 4(c)(i) and Policy ¶ 4(c)(iii), respectively.”

Par conséquent, les activations du nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com> ne constituent ni l’une ni l’autre une offre de bonne foi de produits ou services (Principes directeurs 4(c)(i)), ni un usage non commercial ou loyal (Principes directeurs 4(c)(iii)).

La Commission administrative est d’avis, dans ces conditions, que le Défendeur n’a pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache en vertu du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit que “aux fins du paragraphe 4(a)(iii), la preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut-être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la commission administrative, par les circonstances ci-après:

(i) les faits montrent que vous avez enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que vous pouvez prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

(ii) vous avez enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et vous êtes coutumier d’une telle pratique,

(iii) vous avez enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, vous avez sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne vous appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de votre site ou l’espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”

La Commission administrative examine si l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux ont été effectués de mauvaise foi.

Les Requérantes font valoir qu’en raison de la notoriété de leurs marques AIR FRANCE et AMERICAN EXPRESS, le Défendeur avait nécessairement à l’esprit ces dernières lorsqu’il a enregistré le nom de domaine litigieux, dans le but de détourner et tirer un profit indu de la réputation attachée aux marques.

Au vu des éléments du dossier et des décisions des commissions administratives précédentes dans le cadre des Principes directeurs (cf. par exemple Arthur Guinness Son & Co. (Dublin) Ltd contre Steel Vertigogo, Litige OMPI N° D2001-0020 selon lequel la notoriété de la marque du requérant crée une présomption de mauvaise foi (“prima facie”) à la charge du Défendeur: “the notoriety of Complainant’s trademark is such that a prima facie presumption is raised that Respondent registered the [domain name] “for the purpose of selling it to Complainant or to a competitor of Complainant or that it was intended to be used in some way to attract for commercial gain users to the website by creating a likelihood of confusion with Complainant’s mark”; Société Air France contre Arnaud Gautier, *Litige OMPI N° D2003-0830 concernant <airfrance-klm.biz>, <airfrance-klm.net> et <airfrance-klm.org>: “On peut s’interroger sur les motivations d’un tel geste surprenant, même pour un juriste moyennement averti, tellement il est évident que ces noms de domaine seraient inutilisables tant ils se heurtent aux marques notoires, mais aussi aux intérêts, de la première compagnie d’aviation française.”), la Commission administrative estime que les Requérantes ont démontré la renommée de la marque AIR FRANCE et AMERICAN EXPRESS.

Dès lors, il n’est pas crédible au vu des pièces versées en annexe de la plainte que le Défendeur ait pu ignorer l’existence des marques AIR FRANCE et AMERICAN EXPRESS lorsqu’il a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. A l’inverse, la connaissance des marques et du programme commercial de carte de paiement proposé conjointement par les deux Requérantes par le Défendeur est rapportée par sa réponse du 20 juillet 2011 aux injonctions des Requérantes.

Cet élément est aggravé par le fait que le Défendeur est domicilié en France, pays dans lequel la Société Air France est la compagnie aérienne nationale et pays dans lequel le siège social de la Requérante Air France est établi et où elle exerce ses activités principales.

Des nombreuses décisions des commissions administratives ont par le passé considéré que la connaissance par le défendeur des droits de propriété intellectuelle du requérant au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, ou tout du moins du fait que le défendeur aurait pu avoir connaissance de ces droits, constitue un indice de la mauvaise foi au moment de l’enregistrement (LEGO Juris A/S v. Reiner Stotte, Litige OMPI No. D2010-0494).

La Commission administrative estime par conséquent que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi.

Il résulte également du dossier que le nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com> a fait l’objet d’une exploitation depuis son enregistrement par le Défendeur dans le but de promouvoir son entreprise.

Un tel usage peut détourner la clientèle des Requérantes et à tout le moins, induire un risque de confusion dans l’esprit des internautes quant à l’origine ou quant à l’approbation des contenus activés par le nom de domaine litigieux. La promotion d’un site professionnel édité par le Défendeur ne saurait être considérée comme un usage de bonne foi.

Voir en ce sens Spontin SA contre sig services, Com web Services, A Consumer Service MutuWeb, Litige OMPI N° D2009-1281 concernant <spontin.com>: “Les noms de domaine litigieux sont actuellement utilisés afin de dévier le trafic internet relatif à la marque SPONTIN vers une autre entreprise, à savoir “le chemin de fer du Bocq” […]. Ainsi, le Défendeur n'a pas uniquement fait preuve de son intention d'enregistrer les noms de domaine afin d'en tirer un profit illégitime […]. Ces circonstances supportent la conclusion que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi”.

Cet usage perturbe les activités en ligne des Requérantes et tout particulièrement l’efficacité de leur programme de parrainage commercial.

Le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux en méconnaissance de plusieurs dispositions impératives du droit français auxquelles il est manifestement soumis ainsi en est-il par exemple de la collecte illégitime des données personnelles des utilisateurs d’Internet, et en particulier de la clientèle du programme de fidélité “Flying Blue” des Requérantes.

Or, le Défendeur a réceptionné et réagi aux cinq injonctions des Requérantes qui lui ont été adressées par courrier électronique et par la Notification de la plainte par le Centre, valant ouverture de la présente procédure.

En l’espèce, le Défendeur a été informé par les Requérantes de l’atteinte portée à leurs droits.

Les divers éléments factuels rapportés par les Requérantes sont autant de faits assimilables à des manœuvres frauduleuses confirmant la mauvaise foi du Défendeur.

La Commission administrative en déduit que le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com> de mauvaise foi.

En conséquence, en application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs et au vu de ce qui précède, le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

7. Décision

Au regard des éléments développés ci-dessus et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <airfrance-american-express.com> soit transféré à la Requérante Air France.

Emmanuelle Ragot
Expert Unique
Le 10 Février 2012