Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société Anonyme d'Exploitation du Palais Omnisports de Paris-Bercy contre Corentin Mauguy

Litige n° D2012-1636

1. Les parties

La Requérante est Société Anonyme d'Exploitation du Palais Omnisports de Paris-Bercy de Paris, France, représenté par le Cabinet Wagret, France.

Le Défendeur est Corentin Mauguy de Bagnols sur Ceze, France.

2. Noms de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne les noms de domaine <arena-bercy.com> et <bercy-arena.com>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est Gandi SARL.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Société Anonyme d'Exploitation du Palais Omnisports de Paris-Bercy auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 14 août 2012. En date du 16 août 2012, le Centre a adressé une requête à Gandi SARL aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 16 août 2012, Gandi SARL a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs" ou "UDRP"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 23 août 2012, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 septembre 2012. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 17 septembre 2012, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 5 octobre 2012, le Centre nommait dans le présent litige comme Expert-unique Nathalie Dreyfus. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante est la Société Anonyme d’Exploitation du Palais Omnisports de Paris Bercy, localisée en France et pour les services en matière de divertissement, organisation de spectacles et tous les produits qui y sont liés.

Elle est notamment titulaire des enregistrements de la marque BERCY ARENA suivants :

- Marque française No. 3745185 BERCY ARENA déposée le 10 juin 2010 et enregistrée le 29 octobre 2010 en classes 9, 16, 35, 38 et 41;

- Marque internationale No. 1053677 BERCY ARENA désignant l’Union Européenne, enregistrée le 20 septembre 2010 en classes 9, 16 et 41.

La Requérante a eu connaissance des noms de domaine <arena-bercy.com> et <bercy-arena.com> réservés le 18 octobre 2011.

Le Défendeur est Corentin Mauguy. Il est localisé à Bagnols sur Ceze, en France.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

La Requérante déclare être une société d’économie mixte détenue à 51% par la ville de Paris ayant reçu concession exclusive de l’exploitation du Palais Omnisport de Paris-Bercy (ci-après POPB) en vertu d’un contrat de délégation de service public conclu avec la ville de Paris. Elle indique être titulaire des enregistrements de la marque BERCY ARENA No. 3745185 et No. 1053677.

Elle considère tout d’abord que les deux noms de domaine litigieux sont identiques à sa marque BERCY ARENA.

En ce qui concerne l’absence de droits et d’intérêts légitimes, elle relève notamment que le Défendeur n’a jamais été autorisé à utiliser cette marque par la Requérante, que les noms de domaine litigieux sont à ce jour toujours inactifs et que l’usage par le Défendeur constitue une tromperie pour le public sur l’origine des produits et services qui pourraient être proposés, le nom “Bercy Arena” faisant référence à la salle parisienne connue sous le nom de “Bercy”.

En matière de mauvaise foi, la Requérante relève en particulier que les noms de domaine litigieux ont été réservés pour l’empêcher de refléter sa marque dans un ou plusieurs noms de domaine correspondants et ce après l’annonce par la ville de Paris du projet intitulé “Bercy Arena 2015”. En outre, le Défendeur n’a jamais donné suite à la lettre de mise en demeure de la Requérante et les noms de domaine litigieux ne sont toujours pas reliés à un site actif.

Elle a en conséquence initié la présente procédure administrative afin de demander le transfert des noms de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre et est en conséquence défaillant.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative statue sur la requête au regard de la plainte soumise par la Requérante, de l’absence de réponse du Défendeur, des Principes directeurs, des Règles d’application, des Règles supplémentaires en application du paragraphe 15(a) des Règles.

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs prévoit que “vous êtes tenu de vous soumettre à une procédure administrative obligatoire au cas où un tiers (le requérant) fait valoir auprès de l’institution de règlement compétente que

i) votre nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;

ii) vous n’avez aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et

iii) votre nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.”

En conséquence, la Commission administrative s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par la Requérante, que ces trois conditions étaient remplies.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Commission administrative que le nom de domaine litigieux <bercy-arena.com> est la reproduction à l’identique de la marque BERCY ARENA et le nom en litigieux <arena-bercy.com> est similaire á de cette marque et que la Requérante a justifié détenir des enregistrements de marques en France.

L’adjonction du suffixe “.com” non appropriable en tant que tel, est inopérante à faire disparaître l’identité ou la similitude prêtant a confusion avec la marque (voir LouisVuitton v. Net-Promotion, Litige OMPI No. D2000-0430; Bang & Olufsen a/s v. Unasi Inc., Litige OMPI No. D2005-0728).

Il a été clairement établi que le Défendeur a été informé des droits de marques de la Requérante au mois de décembre 2011, notamment suite à une lettre de mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception et par courrier électronique. Cette lettre de mise en demeure n’a pas été suivie d’un transfert des noms de domaine litigieux par le Défendeur qui avait pourtant indiqué dans un email de janvier 2012 qu’il souhaitait connaitre la marche à suivre et les éléments nécessaires au transfert.

En conséquence, il est clairement établi que le Défendeur a réservé les deux noms de domaine litigieux, l’un identique et l’autre fortement similaire à la marque de la Requérante conformément au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.

B. Droits ou intérêts légitimes

La Requérante soutient que le Défendeur n’est pas connu et n’exerce pas d’activité commerciale par le biais des noms de domaine litigieux, les noms de domaine étant inactifs. Rien dans les éléments du dossier ne permet de contredire la Requérante sur ce point.

La Commission administrative relève en outre que le Défendeur n’est pas un licencié de la Requérante et n’a pas reçu d’autorisation d’utiliser la marque de la Requérante pour la réservation des noms de domaine objets de la plainte.

Le Défendeur avait tout à fait la possibilité d’indiquer à la Requérante dans son email de janvier 2012 qu’il avait un droit ou intérêt légitime justifiant la réservation des noms de domaine litigieux en apportant des détails qui auraient permis à la Requérante de comprendre les raisons de la réservation. Au lieu et place d’explications, le Défendeur s’est contenté de déclarer qu’il souhaitait connaitre la marche à suivre et les éléments nécessaires au transfert sans jamais donner suite aux emails postérieurs de la Requérante.

Par voie de conséquence, la Commission administrative considère comme improbable la possibilité pour le Défendeur d’avoir un droit ou un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux dont l’un est identique à la marque antérieure de la Requérante et l’autre fortement similaire à cette même marque.

Au vu de ce qui précède, il a été établi que le Défendeur n’a pas de droit ou intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux et ce en application du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit que “Aux fins du paragraphe 4(a)iii), la preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la commission administrative, par les circonstances ci-après:

i) les faits montrent que vous avez enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au Requérante qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que vous pouvez prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

ii) vous avez enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et vous êtes coutumier d'une telle pratique,

iii) vous avez enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent ou

iv) en utilisant ce nom de domaine, vous avez sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne vous appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérante en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de votre site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”

C.A. Enregistrement de mauvaise foi

La Commission administrative constate tout d’abord que le Défendeur a aussi réservé les noms de domaine <bercyarena.fr>, <arena-bercy.fr> et <bercy-arena.fr> ce qui porte à cinq le nombre de noms de domaine reproduisant ou imitant la marque BERCY ARENA de la Requérante sans aucune explication de la part du Défendeur, comme cela a déjà été évoqué précédemment.

La Commission administrative constate en outre qu’à la lecture des pièces fournies par la Requérante une annonce de travaux au POPB a été rendue publique en octobre 2011 et que les noms de domaine objets du présent litige ont été réservés quelques jours après cette annonce, ce qui ne semble pas être le fruit du hasard. Aucune contradiction n’a été apportée par le Défendeur qui n’a pas répondu à la plainte initiée par la Requérante.

En l’espèce, le Défendeur, en réservant les noms de domaine litigieux correspondant à la marque de la Requérante enregistrée, n’a pas satisfait aux exigences édictées au paragraphe 2(b) des Principes directeurs à savoir: “En demandant l'enregistrement d'un nom de domaine, ou le maintien en vigueur ou le renouvellement d'un enregistrement de nom de domaine, vous affirmez et nous garantissez que (…) b) à votre connaissance, l’enregistrement du nom de domaine ne portera en aucune manière atteinte aux droits d’une quelconque tierce partie, (…) Il vous incombe de déterminer si votre enregistrement de nom de domaine porte en quelque manière que ce soit atteinte aux droits d’autrui.”

En conséquence, il est établi que le Défendeur a réservé les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.

C.B. Utilisation de mauvaise foi

Aucune preuve n’a été rapportée d’un quelconque usage des noms de domaine litigieux par le Défendeur en relation avec une offre de bonne foi de produits et services.

En conséquence, le Défendeur n’a pas pratiqué une des activités énumérées au paragraphe 4(b) des Principes directeurs en tant qu’exemples de la réservation et de l’usage de mauvaise foi. La Commission administrative déplore le manque d’arguments de la Requérante au sujet de l’usage de mauvaise foi.

Toutefois, de nombreuses décisions UDRP ont indiqué que la détention passive d’un nom de domaine pouvait constituer un usage de mauvaise foi lorsque le Défendeur avait réservé et utilisé le nom de domaine de mauvaise foi et que l’ensemble des éléments de fait convergeait dans ce sens (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003). Les éléments suivants sont des indices de réservation et d’usage de mauvaise foi malgré la détention passive du nom de domaine (Teachers Insurance and Annuity Association of America v. Wreaks Communications Group, Litige OMPI No. D2006-0483):

(i) Les deux parties résident dans le même pays;

(ii) Le Défendeur n’a pas rapporté la preuve d’un usage de bonne foi actuel ou envisagé des noms de domaine alors même qu’il avait la possibilité de le faire;

(iii) La marque de la Requérante est constituée du terme “Bercy” qui fait référence au POPB.

En conséquence, en application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs et au vu de ce qui précède, le Défendeur a réservé et utilisé les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.

7. Décision

Au vu de ce qui précède et en application des paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert des noms de domaine litigieux <arena-bercy.com> et <bercy-arena.com> à la Requérante.

Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 16 octobre 2012