Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

E-Liquide-Fr SARL contre Fabrice Cognet

Litige No. D2014-0085

1. Les parties

Le Requérant est la société E-Liquide-Fr SARL, de Gignac-la-Nerthe, France, représenté par le cabinet d’avocats Marchi, France.

Le Défendeur est Fabrice Cognet, de Cabestany, France, représenté par le cabinet d’avocats Bento, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <e-liquide.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux est enregistré est Gandi SAS (ci-après “l’unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 21 janvier 2014.

En date du 21 janvier 2014, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 22 janvier 2014, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 23 janvier 2014, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé une plainte amendée en date du 24 janvier 2014.

Le Centre a vérifié que la plainte amendée répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 29 janvier 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 18 février 2014. Une réponse (datée du 28 février 2014) est parvenue au Centre le 18 février 2014, au nom et pour le compte de la société E-Liquide.

En date du 1er avril 2014, le Centre nommait Louis-Bernard Buchman, Daniel Kraus et Isabelle Leroux comme experts dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

En ce qui concerne la langue de la procédure, le Requérant produit une copie du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux en langue française. La Commission administrative, faisant application des dispositions du paragraphe 11(a) des Règles d’application, décide que le français sera la langue de la procédure.

4. Les faits

Le Requérant, immatriculé au RCS d'Aix en Provence le 28 février 2011 sous le numéro 530 571 504, dont la gérante est Mademoiselle Christel Mary, vient aux droits de Mademoiselle Mary, qui, exerçant sous le nom commercial “dep-diffusion-electronics-product”, avait réservé le nom de domaine <e-liquide-fr.com> le 31 janvier 2009.

L'exploitation personnelle de Mademoiselle Mary sous ce nom commercial a cessé le 26 février 2011.

Le Requérant, dont l'activité est la vente en ligne et en boutiques de produits et d'accessoires pour cigarettes électroniques, a poursuivi l'utilisation du nom de domaine <e-liquide-fr.com> pour commercialiser lesdits produits et accessoires.

Le Requérant a déposé le 4 mai 2013 auprès de l'INPI la marque “e-liquide-fr” (ci-après désignée : “la Marque”), enregistrée sous le numéro 134 003 009. Mademoiselle Christel Mary est mentionnée comme mandataire du déposant.

Le nom de domaine litigieux, <e-liquide.com>, a été enregistré le 30 août 2010 par le Défendeur, qui a exploité en nom personnel une activité de vente à distance sur catalogue spécialisé de produits et accessoires pour cigarettes électroniques à compter du 1er septembre 2010.

Le Défendeur, agissant pour le compte de la société “E-liquide” en cours de formation, a déposé le 16 juin 2011 auprès de l'INPI la marque “E-liquide”, enregistrée sous le numéro 113 839 505.

Le Défendeur a ensuite créé la société E-Liquide SARL, immatriculée le 5 août 2011 au RCS de Perpignan sous le numéro 533 950 044, dont il est le gérant.

Il n’est pas contesté que la Marque est postérieure à la réservation du nom de domaine litigieux.

Il n’est pas contesté que les activités du Requérant et de la société dont le Défendeur est le gérant sont directement concurrentes et que le site internet auquel renvoie le nom de domaine litigieux commercialise des produits concurrents de ceux offerts à la vente par le Requérant.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

(i) Le Requérant dispose d’un droit de marque sur la marque “e-liquide-fr”.

(ii) Le nom de domaine litigieux porte atteinte au droit de marque dont est titulaire le Requérant, en ce qu’il imite la Marque, et est susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit du public en ce qu’il renvoie à un site internet proposant des produits et accessoires similaires à ceux désignés par le Requérant sous sa Marque.

(iii) Le nom de domaine litigieux est entièrement constitué de la partie distinctive de la Marque.

(iv) Le nom de domaine litigieux constitue une imitation de la Marque, engendrant un risque de confusion dans l’esprit du public concerné.

(v) Le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a jamais été autorisé par lui à utiliser et à enregistrer la Marque ni à procéder à l’enregistrement d'un nom de domaine incluant la Marque. Le Défendeur ne peut justifier d’aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

(vi) Le Défendeur a délibérément enregistré le nom de domaine litigieux dans l’intention manifeste de créer un risque de confusion avec son concurrent, et de profiter de l’exploitation ou de la renommée du nom de domaine d’un tiers. Le Défendeur ne peut donc se prévaloir d’un quelconque intérêt légitime.

(vii) Que le Défendeur ait volontairement choisi un nom de domaine similaire à celui que la gérante du Requérant exploitait, pour rediriger des internautes sur le site internet de sa société, en concurrence directe avec celui du Requérant, montre bien que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi par le Défendeur en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent, et est utilisé de mauvaise foi pour attirer, à des fins lucratives, les internautes sur son site internet en créant sciemment une probabilité de confusion.

(viii) Le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.

B. Défendeur

(i) Le Défendeur fait répondre, par la société dont il est le gérant, que le terme “e-liquide” est un terme générique, que l’INPI a accepté le dépôt de 35 marques comportant le signe "e-liquide" (dont la marque qu'il a déposée pour le compte de la société dont il est le gérant, ainsi que la Marque du Requérant), et que le Requérant ne peut se prévaloir d'une quelconque atteinte à son droit de marque et ne possède aucun droit privatif sur le signe “e-liquide”. Il fait observer que le Requérant n'établit pas la confusion introduite par la similitude des noms de domaine respectivement exploités.

(ii) Le Défendeur a un droit légitime à utiliser le nom de domaine litigieux, car le dépôt de la Marque du Requérant est postérieur à la date de réservation du nom de domaine litigieux, et le Requérant ne rapporte aucune preuve de la volonté du Défendeur de s'inscrire dans un schéma de déloyauté, ni d'une volonté expresse de détourner la clientèle du Requérant.

(iii) Le Défendeur fait un usage loyal du nom de domaine litigieux, la charte graphique du site internet auquel renvoie le nom de domaine litigieux étant différente de celle du site internet du Requérant, et il nie avoir eu l'intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion, puisque la Marque du Requérant n'a été déposée qu'en 2013. Le Requérant ne rapporte pas la preuve d'une volonté de parasitisme du Défendeur à son endroit.

(iv) Le nom de domaine litigieux n’a pas été réservé par le Défendeur aux fins de vendre son enregistrement au Requérant, et aucune négociation n'a été engagée sur ce point.

(v) Le Défendeur précise qu'il n'a jamais cessé d'exercer son activité commerciale et qu'il n'envisage pas de le faire.

6. Discussion et conclusions

6.1 Aspects procéduraux

La Commission administrative est tenue d’appliquer le paragraphe 15(a) des Règles d’application qui prévoit que: “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable”.

Le paragraphe 10(a) des Règles d’application donne à la Commission administrative un large pouvoir de conduire la procédure administrative de la manière qu’elle juge appropriée, conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application, et elle doit aussi veiller à ce que la procédure soit conduite avec célérité (paragraphe 10(c) des Règles d’application).

Dans ce contexte, la Commission administrative, afin de rendre une décision qui soit fondée sur des faits précis, a entrepris une recherche limitée portant sur des données publiquement accessibles et les ayant vérifiées, a pu en tirer les conclusions nécessaires à sa décision.

C’est ainsi que la Commission administrative a téléchargé les extraits K bis du Requérant et de la société E-Liquide SARL, dont le Défendeur est le gérant, et vérifié le nom du titulaire du nom de domaine <e-liquide-fr.com>, exploité par le Requérant, à savoir: “Registrant Name: Christel Mary, Registrant Organization: E-LIQUIDE-FR”.

Par ailleurs, la Commission administrative relève que la Réponse n'émane pas du Défendeur, mais du conseil de la société dont le Défendeur est le gérant. Néanmoins, compte tenu des circonstances de l'espèce, elle estime que son contenu peut être considéré comme présentant les arguments du Défendeur.

6.2 En ce qui concerne les conditions du paragraphe 4(a) des Principes directeurs

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

L’observation du Défendeur, arguant du fait que le droit de marque du Requérant est postérieur de près de 4 ans à la date de réservation du nom de domaine litigieux par le Défendeur, est inopérante dans le cadre de l’analyse de la première condition du paragraphe 4(a). La Commission administrative retient, conformément au point 1.4 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, deuxième édition (Synthèse, version 2.0), que le fait qu’une marque ait été déposée postérieurement à un nom de domaine litigieux n’empêche pas que ce nom de domaine soit considéré comme similaire à la marque postérieure en question, comme le rappelle le Requérant, les Principes directeurs ne faisant aucune référence à la date à laquelle les droits de marque opposés ont été acquis (Esquire Innovations, Inc. v. Iscrub.com c/o Whois Identity Shield; and Vertical Axis, Inc, Domain Adminstrator, Litige OMPI No. D2007-0856, et The State of Tennessee, USA contre (DOMAIN NAME 4 SALE) DOMAIN-NAME-4-SALE eMAIL baricci@attglobal.net, Litige OMPI No. D2008-0640).

L’existence du droit du Requérant sur l’élément objet de l’atteinte est un critère purement objectif ne s’inscrivant aucunement dans une logique de comparaison chronologique avec la date de réservation par le Défendeur du nom de domaine litigieux: la Commission administrative doit se contenter de constater si de un tel droit existe ou non.

Au vu des pièces versées au dossier, la Commission administrative considère que le Requérant justifie de droits exclusifs sur la dénomination “e-liquide-fr” à titre de marque.

Demeure alors la question de la comparaison entre les signes “e-liquide-fr” d'une part et <e-liquide.com> d'autre part: le nom de domaine litigieux reproduit intégralement l'élément distinctif “e-liquide” de la marque "e- liquide-fr", même si cette marque comporte aussi un suffixe de nature géographique “fr” qui en constitue l'élément le plus faible.

En ce qui concerne l’identité ou la similitude du signe “e-liquide-fr” par rapport au nom de domaine litigieux <e-liquide.com>, la seule différence consiste en la présence dans le nom de domaine litigieux du suffixe générique “.com” et de l’absence corrélative du suffixe “-fr”. Cette différence ne saurait aux yeux de la Commission administrative conférer un autre sens au nom de domaine litigieux, ni permettre de le distinguer de la Marque du Requérant.

Il est établi que l’extension du nom de domaine, suffixe nécessaire pour l’enregistrement du nom de domaine, est sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion, l’extension “.com” pouvant donc ne pas être prise en considération pour examiner la similarité entre la Marque du Requérant et le nom de domaine litigieux, conformément à nombre de décisions déjà rendues (Cf.Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Accor contre Accors, Litige OMPI No. D2004-0998).

La partie distinctive du nom de domaine litigieux est constituée de la Marque du Requérant, reproduisant au demeurant le nom de domaine antérieurement exploité à titre personnel par la gérante du Requérant.

La Commission administrative estime que le public en général et les internautes en particulier pourraient penser que le nom de domaine litigieux renvoie à un service du Requérant, ce nom de domaine étant similaire à la Marque sur lesquelles le Requérant a des droits, au point de prêter à confusion (Cf. Citibank Privatkunden AG & Co. KGaA contre PrivacyProtect.org / N/A, indishi india mr.ugala, Litige OMPI No. D2010-1147; Credit Industriel et Commercial S.A., BanqueFédérative du Crédit Mutuel contre Headwaters MB, Litige OMPI No. D2008-1892; Banque Saudi Fransi v. ABCIB, Litige OMPI No. D2003-0656; Islamic Bank of Britain Plc contre Ifena Consulting, Charles Shrimpton, Litige OMPI No. D2010-0509; BPCE contre PrivacyProtect.org / Maksym Pastukhov, Litige OMPI No. D2010-1666).

Dans ces conditions, la Commission administrative constate que l’exigence du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est satisfaite.

B. Droits ou intérêts légitimes

Selon le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant doit démontrer que le Défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitime sur le nom de domaine litigieux.

Il ressort du paragraphe 4(c) des Principes directeurs qu’il y a lieu de reconnaître comme intérêt légitime ou droit sur le nom de domaine litigieux, notamment lorsque le Défendeur apporte la preuve de ses droits sur le nom de domaine litigieux ou son intérêt légitime qui s’y attache, cette preuve pouvant être constituée par l’une des circonstances ci-après:

(i) Avant d’avoir eu connaissance du litige, le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet; ou

(ii) Le Défendeur est connu sous le nom de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

(iii) Le Défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine litigieux sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion, ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la Marque ou à procéder à l’enregistrement d’un nom de domaine incluant les éléments distinctifs de la Marque. Il n’est ni licencié, ni tiers autorisé à utiliser la Marque, y compris à titre de nom de domaine.

Toutefois, la Commission relève majoritairement que:

- le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux plus de deux ans avant le dépôt de la Marque par le Requérant;

- le Défendeur a déposé une marque verbale française “e-liquide” le 16 juin 2011, enregistrée sous le n° 11 3 839 505, soit deux ans avant la Marque du Requérant;

- le Défendeur a immatriculé sa société e-liquide le 5 août 2011, et exploite le nom de domaine litigieux – enregistré pour rappel le 30 août 2010 - depuis cette date, à savoir cinq mois après le Requérant, qui exerçait auparavant et jusqu’à cette date sous le nom commercial “Diffusion Electronics Product” et non “e-liquide-fr”, laquelle n’a été immatriculée qu’en février 2011 ;

- le nom de domaine litigieux est constitué d’un terme du langage courant, “e-liquide” étant communément utilisé par les consommateurs pour désigner le liquide remplaçant le tabac dans les recharges des cigarettes électroniques, avant même l’enregistrement du nom de domaine <e-liquide-fr.com> dont se prévaut le Requérant. La Commission administrative relève d’ailleurs que le Requérant, comme nombre d’autres sites marchands dans le même secteur d’activité, propose parmi les produits à vendre une catégorie “e-liquides”.

Le Défendeur est une personne physique, gérant de la société e-liquide qui est connue sous le nom de domaine litigieux depuis le milieu de l’année 2011, ayant notamment réalisé un chiffre d’affaires de EUR 516.200 pour l’année 2012.

La Commission administrative est majoritairement d’avis, dans ces conditions, que le Défendeur dispose de droits ou intérêts légitimes qui s’attachent au nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La mauvaise foi doit être prouvée dans l’enregistrement comme dans l’usage du nom de domaine litigieux.

Conformément au paragraphe 4(b) des Principes directeurs, la preuve de l’enregistrement et de l’utilisation de mauvaise foi visée au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs peut être constituée “en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la commission administrative, par les circonstances ci-après:

(i) les faits montrent que vous avez enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au Requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que vous pouvez prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

(ii) vous avez enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et vous êtes coutumier d’une telle pratique,

(iii) vous avez enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent, ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, vous avez sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne vous appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de votre site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”

En l’espèce, il appartient à la Commission administrative de déterminer si l’enregistrement du nom de domaine litigieux antérieurement à l’enregistrement de la Marque du Requérant peut néanmoins être considéré comme étant fait de mauvaise foi.

A ce titre, le point 3.1 de la Synthèse, version 2.0 précise que le fait que l’enregistrement des marques fondant la plainte soit postérieur à l’enregistrement du nom de domaine litigieux n’empêche pas, dans certains circonstances, de considérer que les noms de domaine ont été enregistrés de mauvaise foi.

La Commission administrative constate qu’au jour de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, le Requérant n’était titulaire d’aucune marque identique ou semblable au point de prêter à confusion avec le nom de domaine litigieux.

Le caractère faiblement distinctif de la Marque sur laquelle le Requérant revendique des droits, qui plus est postérieure à l’enregistrement de la Marque quasi-identique du Défendeur et à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, doit, selon l’avis majoritaire de la Commission administrative, être pris en compte dans l’appréciation de la mauvaise foi du Défendeur au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

En l’espèce, la Commission administrative relève toutefois qu’au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, le Défendeur reconnait lui-même qu’il avait connaissance de l’existence du Requérant et de l’activité exercée par ce dernier à partir du nom de domaine <e-liquide-fr.com>. Il reconnait lui-même avoir acheté le nom de domaine litigieux <e-liquide.com> dès que celui-ci s’est libéré, saisissant ainsi l’opportunité d’utiliser un nom de domaine très générique. La Commission administrative estime ainsi majoritairement, au regard, qui plus est, du caractère générique de la dénomination “e-liquide”, que l’enregistrement du nom de domaine litigieux, descriptif pour les produits vendus sous la dénomination e-liquide en France, n’a pas été réalisé de mauvaise foi.

S’agissant de l’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux, les Principes UDRP exigent que le Défendeur ait sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’internet sur un site Web ou autre espace en ligne, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation du site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

En l’espèce, la Marque du Requérant n’a été enregistrée que plus de deux ans après l’enregistrement du nom de domaine litigieux, et plus de deux ans après le début de l’exploitation de ce nom de domaine par le Défendeur. Il en résulte selon l’avis majoritaire de la Commission administrative que l’utilisation de ce nom de domaine n’a pas pour but de créer une confusion avec la Marque du Requérant, cette dernière n’étant que postérieure à l’utilisation du nom de domaine litigieux et ne possédant qu’un caractère distinctif faible, grâce à la présence d’un élément semi-figuratif non reproduit dans le nom de domaine litigieux.

Les sites internet exploités par le Requérant et le Défendeur présentent en outre des différences visuelles significatives de nature à écarter le risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et la Marque du Requérant.

Le Commission administrative conclut majoritairement que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux n’ont pas été réalisés de mauvaise foi.

A noter, pour terminer, et sans que la Commission administrative ait besoin de se prononcer sur la question d’une éventuelle prescription, qu’elle estime majoritairement qu'il est quelque peu surprenant que le Requérant ait attendu trois ans à compter de l’exploitation du nom de domaine litigieux, dont il avait pourtant connaissance, pour en requérir le transfert, la demande de transfert ayant été effectuée après l’enregistrement de la marque “e-liquide-fr” auprès de l’INPI.

7. Décision

En conséquence, en application des paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative rejette à la majorité la demande de transfert du nom de domaine litigieux <e-liquide.com>.

Louis-Bernard Buchman
Président de la Commission

Daniel Kraus
Expert

Isabelle Leroux
Expert

Le 15 avril 2014