Le Requérant est la société Visa Europe ltd. de Paris, France, représentée par ARAMIS Société d’Avocats, France.
Le Défendeur est Sophie Dupont de Paris, France.
Le litige concerne le nom de domaine litigieux <service-ecartbleue.net>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Gandi SAS.
Une plainte a été déposée par Visa Europe Ltd. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 24 janvier 2014.
Le 27 janvier 2014, le Centre a adressé une requête à Gandi SAS aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le même jour, Gandi SAS a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 4 février 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était fixé au 24 février 2014. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 25 février 2014, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
Le 5 mars 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Nathalie Dreyfus. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est la société de droit anglais Visa Europe Ltd., agissant au travers de sa succursale française Visa Europe Ltd., qui a une activité de services de cartes de paiement. Le Requérant propose un service de paiement virtuel dénommé “le Service e-Carte Bleue” à ses banques clientes. Ce service de paiement permet aux abonnés de régler des achats en ligne de manière fiable et sécurisée.
Le Requérant est présent dans de nombreux pays à travers le monde.
Le Requérant est titulaire de plusieurs enregistrements de marques françaises et communautaires E CARTE BLEUE:
- Marque française verbale E CARTE BLEUE No. 3099336 désignant les classes 9, 16, 35, 36, 38 et 42, enregistrée le 9 mai 2001 (renouvelée);
- Marque communautaire verbale E CARTE BLEUE No. 2387736 désignant les classes 9, 16, 35, 36, 38 et 42, déposée le 25 septembre 2001 (renouvelée);
- Marque communautaire semi figurative E CARTE BLEUE No. 4753241 désignant les classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42, déposée le 22 novembre 2005;
- Marque française semi figurative E CARTE BLEUE No. 3393121 désignant les classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42, enregistrée le 22 novembre 2005;
- Marque française semi figurative E CARTE BLEUE No. 3393127 -désignant les classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42, enregistrée le 22 novembre 2005.
Le Requérant est également notamment titulaire du nom de domaine <e-cartebleue.com> qui n’est pas actif.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 12 décembre 2013.
Le Requérant fait valoir qu’il est titulaire de droits sur la marque E CARTE BLEUE en France et dans la Communauté Européenne. Il précise que celle-ci jouit d’une grande notoriété en France. Il fait valoir sa titularité sur plusieurs noms de domaine comprenant sa marque.
Le Requérant ajoute que le nom de domaine litigieux est similaire à sa marque. Il expose que le nom de domaine litigieux prête à confusion avec ses marques puisqu’il est similaire tant visuellement, phonétiquement qu’intellectuellement à ses marques.
Par ailleurs, le Requérant invoque des décisions UDRP antérieures qui précisent que le retrait de lettres ou l’ajout de termes génériques sont sans conséquence eu égard à la similitude des signes et au risque de confusion.
Le Défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom litigieux dans la mesure où il ne dispose pas de droit antérieur ni d’autorisation du Requérant d’utiliser les marques.
Le Requérant soulève que le nom de domaine litigieux est contraire au paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs puisqu’il a été utilisé pour des opérations de phishing ou d’hameçonnage qui font l’objet d’une procédure judiciaire.
Le Requérant conclut que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur constitue une atteinte à ses droits.
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre et est donc défaillant.
Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs aux présentes Règles et à tout Principe ou Règle de droit qu’elle juge applicable”.
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver que:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le Requérant a des droits ;
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache ;
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
En conséquence, il y a lieu de vérifier l’existence de chacune des trois conditions prévues par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs.
En cas de procédures judiciaires commencées avant ou pendant une procédure administrative concernant un litige sur le nom de domaine litigieux, la Commission administrative doit décider à sa discrétion s'il faut suspendre ou clore la procédure administrative, ou bien s’il faut prendre une décision.
En cas de procédures judiciaires initiées avant ou pendant une procédure administrative concernant un litige sur un nom de domaine, la Commission administrative doit décider à sa discrétion s’il faut suspendre ou clore la procédure administrative, ou bien s’il convient de rendre une décision. Dans le cas d’espèce, la Commission administrative relève que la procédure judiciaire vise des pratiques de phishing qui étaient commises par le biais du site internet “www.service-ecartbleue.net” désactivé au moment où la présente Décision est prise. Un transfert du nom de domaine litigieux ne semble donc pas s’effectuer au détriment des parties dans la procédure judiciaire en cours.
La charge de la preuve de droits sur la marque reproduite dans le nom de domaine incombe au Requérant.
La Commission administrative constate que le Requérant justifie être titulaire de plusieurs enregistrements de marque tant en France qu’au niveau communautaire E CARTE BLEUE et que la marque E CARTE BLEUE est connue.
La Commission administrative retient que le nom de domaine litigieux constitue l’imitation de la marque E CARTE BLEUE sur lequel le Requérant a justifié détenir des droits de marque en France et aussi dans la Communauté Européenne. L’omission de la lettre “e” dans le mot “carte”, l’ajout du terme “service” ainsi que l’adjonction du domaine générique de premier niveaux “.net” sont inopérants à faire disparaître l’imitation et le risque de confusion (Louis Vuitton v. Nett-Promotion, Litige OMPI No. D2000-0430; Bang & Olufsen a/s v. Unasi Inc., Litige OMPI No. D2005-0728).
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire aux marques dont le Requérant est titulaire et qu’il exploite, au point de prêter à confusion avec celles-ci. Ceci n’est pas contredit par le Défendeur.
Dans ces circonstances, la Commission administrative conclut que la première condition est remplie en application du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
La Commission administrative estime que le Requérant a démontré qu’il n’y a pas eu d’activité légitime et loyale en lien avec le nom de domaine litigieux de la part du Défendeur et qu’il y a eu au contraire l’intention de détourner les consommateurs Internet à des fins lucratives en les induisant en erreur.
En effet, il a été confirmé que le Requérant a déposé plainte pénale contre le Défendeur pour des opérations de phishing (escroquerie) qui auraient permis le détournement de pas moins de 200,000 euros au profit du Défendeur.
La Commission administrative ne relève donc pas de droit ou intérêt légitime du Défendeur à utiliser le signe E CARTE BLEUE dans la mesure où il n’est pas démontré qu’il soit généralement connu sous ce nom en tant que personne, société ou organisation ou qu’il ne lui a pas été consenti de licence par le Requérant.
En conséquence, la Commission administrative considère que le Requérant a établi que le Défendeur n’avait pas de droit ou intérêt légitime à enregistrer le nom litigieux en application du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
La Commission administrative ne peut que constater que les documents fournis par le Requérant sont suffisants pour conclure que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé à des fins frauduleuses qui ont pour effet de perturber les opérations commerciales et la réputation du Requérant.
En effet, le Défendeur a intentionnellement créé une confusion avec le service, la marque et les noms de domaine du Requérant pour attirer à des fins lucratives les internautes sur le site Internet “www. service-ecartbleue.net”.
En effet, conformément aux pièces fournies par le Requérant, le Défendeur a intentionnellement enregistré un nom de domaine entrainant un risque de confusion avec le signe distinctif sur lequel le Requérant a justifié détenir des enregistrements de marque.
Au regard des preuves fournies par le Requérant, la Commission administrative relève en outre que le Défendeur a tout mis en œuvre pour que la présentation du site Internet “www.service-ecartbleue.net” se rapproche le plus possible du site Internet officiel du Requérant notamment par les liens sponsorisés achetés auprès de Bing et Yahoo, l’interface du site Internet et la reproduction de plusieurs logos officiels ainsi que la redirection automatique vers le site Internet officiel de la banque des utilisateurs et l’imitation quasi-identique des URL induisant les utilisateurs en erreur. Il s’agit donc bien d’un usage de mauvaise foi du nom de domaine.
Dans ces circonstances, la Commission administrative considère que le Défendeur a bien enregistré et utilisé le nom de domaine en cause de mauvaise foi, la troisième condition posée par les principes directeurs est donc remplie en application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Les conditions posées au paragraphe 4(a) des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine étant réunies, la Commission administrative ordonne en conséquence le transfert du nom de domaine litigieux <service-ecartbleue.net> au profit du Requérant.
Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 17 mars 2014