Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Saunier Duval Eau Chaude Chauffage contre Michel Artoir

Litige No. D2014-0568

1. Les parties

Le Requérant est Saunier Duval Eau Chaude Chauffage, Fontenay-Sous-Bois, France, représenté par Cabinet Santarelli, France.

Le Défendeur est Michel Artoir, Roubaix, France.

2. Nom de domaine et unité d'enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <saunier-duval-sav.com>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par le Requérant auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 8 avril 2014.

En date du 8 avril 2014, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 9 avril 2014, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 16 avril 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur.

Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 6 mai 2014. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 7 mai 2014, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 13 mai 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Louis-Bernard Buchman. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

En ce qui concerne la langue de la procédure, la Requérante produit une copie du contrat d'enregistrement du nom de domaine litigieux en langue française. La Commission administrative, faisant application des dispositions du paragraphe 11(a) des Règles d'application, décide que le français sera la langue de la procédure.

4. Les faits

Le Requérant, fondé en 1907, a déposé la marque française SAUNIER DUVAL numéro 126415 le 28 janvier 1972, qui est régulièrement enregistrée et renouvelée.

Le Requérant est également titulaire de plusieurs noms de domaine contenant l'élément "saunier duval" tels que <saunierduval.fr> et <saunier-duval.fr>, lesquels renvoient à un site internet actif.

Le nom de domaine litigieux <saunier-duval-sav.com> a été réservé par le Défendeur le 19 février 2014.

Le Défendeur n'a pas tenté de justifier détenir quelque droit ou intérêt légitime que ce soit sur le nom de domaine litigieux.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

(i) Le Requérant énonce tout d'abord que le nom de domaine litigieux porte atteinte à ses droits sur sa marque, en ce qu'il contient en attaque l'élément "saunier duval" qui constitue son élément distinctif. Il précise aussi que sa marque a acquis une indiscutable notoriété sur le territoire français. Il estime que le nom de domaine litigieux associe le terme générique "sav" à une marque connue de telle sorte qu'une confusion sera créée dans l'esprit du public qui pensera pouvoir rattacher le nom de domaine litigieux au service après-vente du Requérant.

(ii) Il fait valoir que le Défendeur n'a reçu aucune autorisation pour exploiter le nom de domaine litigieux et que celui-ci renvoie à un site proposant des services d'entretien, réparation de chaudières, chauffe-eaux, ballons d'eau chaude ou radiateurs, qui sont également proposés par le Requérant, ce qui témoigne de l'absence d'un intérêt légitime du Défendeur.

(iii) Le Requérant trouve la preuve de la mauvaise foi du Défendeur au stade de l'enregistrement dans le fait que l'enregistrement du nom de domaine litigieux aurait été fait en présence d'une marque notoire et dont la connaissance par le Défendeur était d'autant plus certaine que le Défendeur est domicilié en France et que le site auquel renvoie le nom de domaine litigieux est en français. Quant à l'usage de mauvaise foi, il se manifeste dans le fait que le nom de domaine litigieux est exploité à des fins lucratives, le Requérant soulignant qu'une mise en demeure adressée au Défendeur est restée sans réponse.

(iv) Le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.

B. Défendeur

Aucun document n'ayant été reçu par la Commission administrative émanant du Défendeur, celle-ci n'a pas connaissance d'une quelconque argumentation de sa part.

6. Discussion et conclusions

6.1. Aspects procéduraux

Le Défendeur fait défaut au sens des paragraphes 5(e) et 14(a) des Règles d'application et du paragraphe 8(c) des Règles supplémentaires, dans la mesure où aucune réponse n'a été reçue par le Centre dans le délai prévu par les Principes directeurs et les Règles d'application.

Conformément aux paragraphes 5(e) et 14(a) des Règles d'application, un défaut du Défendeur a pour conséquence que la Commission administrative statue en se fondant sur la plainte.

Le paragraphe 10(a) des Règles d'application donne à la Commission administrative un large pouvoir de conduire la procédure administrative de la manière qu'elle juge appropriée et elle doit aussi veiller à ce que la procédure soit conduite avec célérité (paragraphe 10(c) des Règles d'application).

La Commission administrative est tenue d'appliquer le paragraphe 15(a) des Règles d'application qui prévoit que: "La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable".

Par ailleurs, conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le Requérant a la charge d'établir cumulativement contre le Défendeur que:

(i) le nom de domaine du Défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits ;

(ii) le Défendeur n'a aucun droit sur les noms de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache;

(iii) se nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Selon le paragraphe 14(b) des Règles d'application, la Commission administrative a le pouvoir de tirer du défaut du Défendeur toutes conclusions qu'elle juge appropriées.

Au cas présent, la Commission administrative constate que le Défendeur n'a réfuté aucun des faits allégués par le Requérant.

En particulier, le Défendeur, par son défaut, n'a fourni à la Commission administrative aucun des éléments prévus par le paragraphe 4(c) des Principes directeurs qui lui aurait permis de conclure que le Défendeur jouit de droits ou justifie d'intérêts légitimes concernant les noms de domaine litigieux, par exemple en faisant un usage légitime à des fins non commerciales du nom de domaine litigieux, ou qu'il a agi de bonne foi.

En conséquence, la Commission administrative s'est attachée à vérifier, au vu des seuls arguments et pièces disponibles, si l'enregistrement et l'utilisation du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et si le Défendeur pouvait justifier de droits sur ce nom de domaine.

6.2. En ce qui concerne les conditions du paragraphe 4(a) des Principes directeurs

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Tout d'abord, conformément à nombre de décisions UDRP déjà rendues (Cf.,Telstra Corporation Limited contre Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Accor contre Accors, Litige OMPI No. D2004-0998), il est établi que l'extension du nom de domaine, suffixe nécessaire pour l'enregistrement du nom de domaine, est sans incidence sur l'appréciation du risque de confusion, l'extension des domaines génériques de premier niveau (gTLD) ".com" pouvant donc ne pas être prise en considération pour examiner la similarité entre la marque du Requérant et le nom de domaine litigieux.

En second lieu, le Requérant justifie avoir enregistré la marque SAUNIER DUVAL. Les Principes directeurs se bornent à exiger qu'une marque existe. La seule question que doit donc se poser la Commission administrative est de savoir si le nom de domaine litigieux est bien semblable à la marque en cause au point de prêter à confusion avec celles-ci au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.

La partie dominante et non générique du nom de domaine litigieux est l'élément distinctif "saunier-duval".

La marque SAUNIER DUVAL qui jouit, en France notamment, d'une réelle notoriété, est totalement reproduite dans l'expression "saunier-duval".

Reste la question de savoir si le trait d'union entre "saunier" et "duval" et l'ajout du suffixe générique "sav" dans le nom de domaine litigieux sont de nature à créer une distance suffisante avec la marque du Requérant pour que le nom de domaine litigieux ne prête pas à confusion avec ladite marque.

Ces différences ne sauraient aux yeux de la Commission administrative conférer un autre sens au nom de domaine litigieux ni permettre de le distinguer de la marque du Requérant.

La Commission administrative estime que le public en général et les internautes en particulier pourraient penser que le nom de domaine litigieux, qui allie "saunier-duval" et "sav", est une offre spécifique du Requérant, renvoyant au service après-vente du Requérant, ce nom de domaine litigieux étant similaire aux marques sur lesquelles le Requérant a des droits, au point de prêter à confusion (Cf., Citibank Privatkunden AG & Co. KGaA contre PrivacyProtect.org / N/A, indish india mr.ugala, Litige OMPI No. D2010-1147; Credit Industriel et Commercial S.A., Banque Fédérative du Crédit Mutuel contre Headwaters MB, Litige OMPI No. D2008-1892; Banque Saudi Fransi contre ABCIB, Litige OMPI No. D2003-0656; Islamic Bank of Britain Plc contre Ifena Consulting, Charles Shrimpton, Litige OMPI No. D2010-0509; BPCE contre PrivacyProtect.org / Maksym Pastukhov, Litige OMPI No. D2010-1666).

Dans ces conditions, la Commission administrative constate que l'exigence du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est satisfaite.

B. Droits ou intérêts légitimes

Aucun élément du dossier ne révèle qu'avant le dépôt de la marque SAUNIER DUVAL du Requérant en 1972, le Défendeur avait utilisé le nom de domaine litigieux, ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux, en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou fait des préparatifs sérieux à cet effet.

Le Défendeur n'est en aucune manière affilié au Requérant et n'a pas été autorisé par ce dernier à utiliser sa marque ou à procéder à l'enregistrement d'un nom de domaine incluant l'élément distinctif "saunier duval". Il n'est ni licencié, ni tiers autorisé à utiliser ladite marque, y compris à titre de nom de domaine.

L'enregistrement de noms de domaine par le Requérant incluant l'élément distinctif "saunier-duval" est antérieur à l'enregistrement du nom de domaine litigieux.

Le Défendeur étant une personne physique qui n'est pas connue sous le nom de domaine litigieux, la légitimité des intérêts du Défendeur sur le nom de domaine litigieux n'est pas établie (Cf., Owens Corning Fiberglas Technology, Inc. contre Hammerstone, Litige OMPI No. D2003-0903).

Enfin, la Commission administrative note que le Défendeur ne fait pas actuellement un usage non commercial légitime du nom de domaine litigieux.

La Commission administrative est d'avis, dans ces conditions, que le Défendeur n'a pas de droits ou d'intérêts légitimes qui s'attachent au nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La mauvaise foi doit être prouvée dans l'enregistrement comme dans l'usage.

En ce qui concerne l'enregistrement de mauvaise foi, il est peu douteux que le Défendeur, résidant en France, avait connaissance de la marque notoire SAUNIER DUVAL du Requérant.

La Commission administrative estime que le choix comme nom de domaine d'une marque notoire, en lui adjoignant précisément le terme générique "sav", ne peut être le fruit d'une simple coïncidence, et qu'au moment où il a réservé le nom de domaine litigieux, le Défendeur, non seulement connaissait comme tout un chacun en France la marque du Requérant, mais aussi ne pouvait ignorer les investissements et le succès commercial du Requérant.

En effet, le Requérant et le Défendeur exercent une activité directement concurrente, puisqu'ils proposent les mêmes services d'installation, d'entretien et de réparation de chaudières à une clientèle identique.

En outre, l'usage de mauvaise foi des noms de domaine litigieux par le Défendeur peut aussi résulter du fait que leur usage de bonne foi ne soit d'aucune façon plausible (Cf. Audi AG contre Hans Wolf, Litige OMPI No. D2001-0148), compte tenu dans la présente espèce de la spécificité de son activité commerciale.

Par ailleurs, la Commission administrative relève que le Défendeur fait apparaître sur le site Internet auquel renvoie le nom de domaine litigieux les mots "saunier-duval" en caractères gras ainsi que le logo utilisé par le Requérant, amenant ainsi le consommateur à penser que les services d'installation, d'entretien et de réparation proposés concernent les produits du Requérant, ou à tout le moins que le Défendeur a un lien économique avec le Requérant ou est autorisé par lui.

Enfin, l'usage de mauvaise foi est également prouvé par le défaut de réponse par le Défendeur à la mise en demeure du conseil du Requérant dans le délai imparti et par l'absence de toute manifestation du Défendeur dans la présente procédure administrative.

En conséquence, la Commission administrative conclut que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

7. Décision

Conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine <saunier-duval-sav.com> soit transféré au Requérant.

Louis-Bernard Buchman
Expert Unique
Le 27 mai 2014