Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Saunier Duval Eau Chaude Chauffage contre Dupont Thierry

Litige n° D2014-1234

1. Les parties

La Requérante est Saunier Duval Eau Chaude Chauffage de Fontenay-sous-bois, France, représentée par le Cabinet Santarelli, France.

Le Défendeur est Dupont Thierry de Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <saunier-duval-assistances.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Saunier Duval Eau Chaude Chauffage auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 17 juillet 2014. Le même jour, le Centre a adressé une requête à OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Par retour, OVH a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 23 juillet 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 août 2014. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 13 août 2014, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 29 août 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Alexandre Nappey. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante est la société française Saunier Duval Eau Chaude Chauffage, créée en 1907, et spécialisée depuis son origine dans la conception, la fabrication et la vente de solutions de chauffage. Elle est depuis 2001 une filiale du Groupe allemand Vaillant qui est le second fabricant européen dans le segment du chauffage et de la climatisation.

Dans le cadre de son activité, la Requérante exploite la dénomination sociale SAUNIER DUVAL depuis son immatriculation en date du 21 avril 1978.

La Requérante exploite également notamment les marques suivantes dont elle est titulaire:

- la marque nominale française SAUNIER DUVAL déposée le 8 juillet 1982 et enregistrée sous le numéro 1208651 en classes 6, 7, 9, 11 et 35 et dûment renouvelée;

- la marque nominale française SAUNIER DUVAL déposée le 8 juillet 1982 et enregistrée sous le numéro 1208652 en classe 42 et dûment renouvelée;

- la marque nominale internationale SAUNIER DUVAL déposée le 26 mai 1972 et enregistrée sous le numéro 389072A en classes 11 et 35 et dûment renouvelée;

- la marque nominale internationale SAUNIER DUVAL déposée le 15 mai 1995 sous le numéro 638332 en classes 9, 11 et 35 et dûment renouvelée.

La Requérante est également titulaire de plusieurs noms de domaine consistant ou comprenant la dénomination SAUNIER DUVAL tels que, notamment:

- <saunierduval.fr>, enregistré le 5 février 1998 et dûment renouvelé;

- <saunier-duval.fr>, enregistré le 7 avril 2006 et dûment renouvelé.

Le Défendeur est Monsieur Thierry Dupont.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com> en date du 8 mai 2014.

A la date de le présente décision, le nom de domaine litigieux renvoie vers le site Internet actif “www.saunier-duval-assistances.com” proposant des services d’entretien, de réparation, de vérification, de nettoyage de chaudières, chauffe-eaux, ballons d’eau chaude ou radiateurs..

5. Argumentation des parties

A. Requérante

En premier lieu, la Requérante soutient que le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances> est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec les droits antérieurs qu’elle détient à titre de dénomination sociale, de marque, et de nom de domaine sur la dénomination distinctive SAUNIER DUVAL:

- la Requérante soutient ainsi que le nom de domaine du Défendeur reproduit à l’identique la dénomination SAUNIER DUVAL de ses marques et noms de domaine antérieurs et qu’elle en est l’élément distinctif dans la mesure où le terme “assistances” s’y réfère directement.

Selon la Requérante, ce terme “assistances” n’est pas de nature à différencier le nom de domaine litigieux de ses marques antérieures, au contraire, la présence de ce terme “assistances” ne ferait que renforcer l’identité ou à tout le moins la forte similitude avec ses marques antérieures;

- la Requérante estime que l’extension “com” n’a pas à être prise en considération puisqu’elle est nécessaire pour l’enregistrement du nom de domaine lui-même;

- la Requérante ajoute que le risque de confusion est aggravé par la notoriété de ses marques en France.

En deuxième lieu, la Requérante soutient que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache puisque:

- le Défendeur n’a aucun droit de propriété intellectuelle ou autre sur la marque SAUNIER DUVAL;

- le Défendeur exploite le nom de domaine litigieux à des fins lucratives pour proposer des services directement concurrents de ceux du Requérant;

- le Défendeur n’a obtenu aucune autorisation pour exploiter la dénomination SAUNIER DUVAL à titre de nom de domaine puisque la Requérante ne lui a consenti aucun droit d’utilisation.

En troisième lieu, la Requérante soutient que le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com> a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur:

- la Requérante soutient que compte tenu de la renommée en France de la dénomination SAUNIER DUVAL, le Défendeur, qui est domicilié en France, avait nécessairement connaissance de l’existence des marques antérieures de la Requérante au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux et a dès lors nécessairement agi de mauvaise foi;

- la Requérante soutient que l’usage du nom de domaine litigieux par le Défendeur est fait de mauvaise foi dans la mesure il renvoie à un site proposant, à des fins lucratives, des services identiques à ceux proposés par la Requérante, et qu’au surplus il a repris au sein même de son site Internet la marque semi-figurative internationale SAUNIER DUVAL n°1095449 appartenant à la société Vaillant GmbH dont la Requérante est une filiale et qui est constituée d’un logo rouge représentant un oiseau stylisé.

La Requérante soutient que le consommateur est ainsi amené à penser que les services proposés par le Défendeur sont proposés par la Requérante ou encore que le Défendeur a un lien économique avec la Requérante ou est autorisé par ce dernier.

Sur la base de l’ensemble de ces éléments, la Requérante sollicite le transfert de propriété du nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com> à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a produit aucune réponse à l’argumentation de la Requérante.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative constituée pour trancher le présent litige se cantonnera strictement à l’application des Principes directeurs et des Règles d’application.

En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la procédure administrative n’est applicable qu’en ce qui concerne un litige relatif à un nom de domaine sur la base des critères suivants:

i) le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;

ii) le détenteur du nom de domaine n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

iii) le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Requérante revendique des droits antérieurs (marques, dénomination sociale et noms de domaine) sur la dénomination SAUNIER DUVAL, reprise à l’identique dans le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com>.

À titre liminaire, la Commission administrative constate qu’un certain nombre de droits invoqués par la Requérante ne sont pas expressément visés dans les Principes directeurs au titre des droits susceptibles de justifier de l’intérêt à agir d’un requérant: les Principes directeurs exigent en effet que soit démontrée l’existence d’un droit sur une marque de commerce ou de service, définition qui ne saurait être étendue à un nom de domaine ou à une dénomination sociale.

La Commission administrative constate que la marque SAUNIER DUVAL, qui jouit en France d’une réelle notoriété, est intégralement reproduite dans le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com>.

Ce nom de domaine litigieux est constitué d’une partie dominante qui est l’élément distinctif “saunier-duval” auquel est adjoint le terme secondaire “assistances” et de l’extension “.com”.

La Commission administrative rappelle tout d’abord qu’il est établi que l’extension d’un nom de domaine est sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion puisqu’elle est un suffixe nécessaire pour l’enregistrement du nom de domaine, de sorte que l’extension “.com” pourra en l’espèce ne pas être prise en considération pour examiner la similarité entre les marques antérieures de la Requérante et le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com>.

La Commission administrative estime par ailleurs que l’ajout du terme “assistances” par le Défendeur ne vient en pas diminuer le risque de confusion avec les marques antérieures de la Requérante.

Au contraire, la Commission administrative estime que, ce terme aisément compréhensible du public français décrivant une catégorie de services, amènera immédiatement ce public à penser qu’il s’agit de services spécifiques proposés par la société Saunier Duval.

Voir par exemple :

Société Française du Radiotéléphone SFR c. Jean Goudin, Litige OMPI No. D2011-1280 à propos du nom de domaine <assistance-sfr.com>:

The addition of the term “assistance” in the disputed domain name, which is descriptive, may lead the public to believe that the Complainant is the owner of the disputed domain name.

Moreover, it is relevant to indicate that adding a descriptive term to a registered trademark in order to create a domain name is not sufficient to avoid any confusing similarity between the prior trademark and the domain name.”

Au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com> est indiscutablement similaire au point de prêter à confusion avec les marques antérieures SAUNIER DUVAL dont la Requérante est titulaire.

B. Droits ou légitimes intérêts

Il apparaît que le nom du Défendeur, Thierry Dupont,, ne présente aucune ressemblance avec le terme

SAUNIER DUVAL.

Par ailleurs, il ressort de la plainte que la Requérante n’entretient aucun lien avec le Défendeur et n’a pas autorisé ce dernier à utiliser les marques SAUNIER DUVAL sur lesquelles elle détient des droits.

Enfin, il est avéré qu’à la date de la présente décision le Défendeur ne fait pas un usage noncommercial légitime du nom de domaine litigieux.

Dans ces conditions, la Commission administrative estime que la Requérante a établi une présomption d’absence de droit et d’intérêt légitime du Défendeur sur le nom de domaine, que celui-ci n’a pas renversé, en ne prenant pas part à la procédure.

Par conséquent, la Commission administrative estime que le Défendeur n’a pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La Requérante soutient que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

Concernant l’enregistrement du nom de domaine <saunier-duval-assistances.com>, la Commission administrative considère que la dénomination choisie par le Défendeur n’a rien d’usuel ou de générique puisqu’elle est protégée à titre de marque en France et au niveau international au bénéfice de la Requérante.

Au surplus, la Commission administrative considère que ces marques bénéficient d’une notoriété en France, pays dans lequel le Défendeur est également domicilié.

Dans ce contexte, la Commission administrative considère que le Défendeur ne pouvait pas ignorer l’existence des droits de la Requérante au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com>.

Cet enregistrement a donc été fait de mauvaise foi par le Défendeur.

Concernant l’usage du nom de domaine litigieux, la Commission administrative considère également qu’il est effectué de mauvaise foi par le Défendeur puisque, comme le prouve la Requérante, ce nom de domaine renvoie à un site Internet présentant une offre de services directement concurrente des services proposés par la Requérante qui sont des services d’entretien, de réparation, de vérification, de nettoyage de chaudières, chauffe-eaux, ballons d’eau chaude ou radiateurs.

Au surplus, la Commission administrative constate que le Défendeur fait apparaître, en haut à gauche de la page d’accueil du site Internet auquel renvoie le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com> la dénomination SAUNIER DUVAL en caractères gras ainsi que le logo de couleur rouge représentant un oiseau stylisé, exploité par la Requérante dans le cadre de son activité, ce qui conduira inévitablement le consommateur à penser que les services d’assistances proposés par le Défendeur sont en fait des services proposés par la Requérante lui-même ou à tout le moins que le Défendeur a un lien économique avec la Requérante ou que les services du Défendeur sont autorisés par lui. Alors qu’il est établi par la Requérante que ce n’est absolument pas le cas.

Dans ces conditions, la Commission administrative estime que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux <saunier-duval-assistances.com> de mauvaise foi.

7. Décision

Au regard des éléments développés ci-dessus et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine <saunier-duval-assistances.com> au profit de la Requérante.

Alexandre Nappey
Expert Unique
Le 12 septembre 2014