Le Requérant est Societe Nouvelle d'Etudes, d'Editions et de Publicité Sneep de Paris, France, représenté par Cabinet Strato-IP, France.
Le Défendeur est Braham Ahmed Karim de Sousse, Tunisie.
Le litige concerne les noms de domaine <auto-argus.com> et <auto-argus.net>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est ELB Group Inc.
Une plainte a été déposée par Societe Nouvelle d'Etudes, d'Editions et de Publicité Sneep auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 13 août 2014.
En date du 13 août 2014, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement des noms de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant.
Le 14 août 2014, le Centre a reçu une communication de la part du Défendeur, expliquant qu'il n'est qu'un intermédiaire et qu'il a réservé les noms de domaine litigieux pour le compte d'un client.
Le Requérant a déposé une plainte amendée le 25 août 2014. Le 12 septembre 2014, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 15 septembre 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 5 octobre 2014. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 7 octobre 2014.
En date du 14 octobre 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Flip Jan Claude Petillion. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Le Requérant édite et publie depuis 1927 la revue "L'Argus de l'automobile et des locomotions", aujourd'hui intitulée "L'Argus", et est spécialisé dans le domaine des transactions de véhicules d'occasion.
Le Requérant est notamment titulaire des marques françaises et communautaires suivantes :
- L'ARGUS DU CONTROLE TECHNIQUE (semi-figurative), marque française n° 1474012 déposée le 30 juin 1988, dûment renouvelée en 1998 et 2008, en classes 16, 35, 38, 39 et 41 ;
- L'ARGUS DE L'AUTOMOBILE ET DES LOCOMOTIONS (semi-figurative), marque française n° 1474013 déposée le 30 juin 1988, dûment renouvelée en 1998 et 2008, en classes 16, 35, 38, 39 et 41;
- ARGUS, marque communautaire n° 011713633 déposée le 4 avril 2013 en classes 12, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 41 et 42.
Les noms de domaine litigieux <auto-argus.com> et <auto-argus.net> ont été enregistrés par le Défendeur le 29 août 2013. Le nom de domaine litigieux <auto-argus.com> dirige l'Internaute vers un site web d'annonces de véhicules d'occasion.
Le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux sont semblables, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant prétend avoir des droits. Le Requérant soutient également que le Défendeur n'a aucun droit sur les noms de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime. Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilisé les noms de domaine litigieux de mauvaise foi, puisque le Défendeur ne pouvait raisonnablement ignorer que la réservation des noms de domaine litigieux induirait nécessairement l'Internaute en erreur et, par la même, porterait atteinte aux droits antérieurs du Requérant.
Malgré le non-respect du délai de réponse, la Commission administrative a examiné la réponse déposée par le Défendeur le 7 octobre 2014.
Le Défendeur considère premièrement qu'il n'y a aucune ressemblance entre la marque commerciale du Requérant et les noms de domaines contestés dans sa plainte. Le Défendeur estime ne pas avoir commis d'actes fautifs contraires aux usages loyaux du commerce de nature à créer une confusion avec le site web du Requérant. Deuxièmement, le Défendeur estime qu'en exerçant une activité principalement basée sur les noms de domaines litigieux depuis le mois d'août 2014, il a des droits économiques réels et légitimes sur les noms de domaine litigieux. Enfin, le Défendeur conteste avoir enregistré et utiliser les noms de domaines litigieux de mauvaise foi. Malgré ces contestations, le Défendeur confirme accepter la mesure de réparation demandée par le Requérant et accepte de transférer les noms de domaine conformément à un accord des parties, sans qu'une décision de la Commission administrative soit rendue.
Le paragraphe 15 des Règles d'application prévoit que la Commission administrative statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d'application et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable.
La charge de la preuve se situe auprès du Requérant et il résulte aussi bien de la terminologie des Principes directeurs que de décisions préalables de commissions administratives UDRP, que le Requérant doit prouver chacun des trois éléments mentionnés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs afin d'établir que les noms de domaine litigieux peuvent être transférés.
Dès lors, le Requérant doit prouver conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs et selon la balance des probabilités que:
(i) les noms de domaine litigieux sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) le Défendeur n'a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et
(iii) les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.
La Commission administrative note que le Défendeur accepte de transférer les noms de domaine conformément à un accord des parties. Néanmoins, aucune des parties démontre l'existence d'un tel accord.
Par conséquent, la Commission administrative examinera ces critères séparément.
En premier lieu, le Requérant doit établir qu'il a des droits de marques de fabrique ou de service dont il est titulaire. Comme le Requérant est le titulaire de marques nationales et communautaires comportant les mots "argus" et "automobile", le Requérant a établi qu'il existe des droits de marques de fabrique ou de service dont il est titulaire. Ces marques du Requérant sont en partie antérieures à l'enregistrement des noms de domaine litigieux.
La Commission administrative considère que les noms de domaine litigieux <auto-argus.com> et <auto-argus.net> sont semblables aux marques du Requérant en ce que les noms de domaine reproduisent l'élément distinctif et dominant des marques invoquées, à savoir le mot "argus", en y ajoutant le mot générique "auto" et en insérant un tiret entre les deux termes. En effet, le Requérant étant actif dans le domaine de l'automobile, la Commission administrative considère que la présence du mot "auto" dans les noms de domaine litigieux est susceptible de créer une confusion avec les marques du Requérant.
Dès lors, le Requérant a établi que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est démontré.
Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant a la charge de la preuve pour établir que le Défendeur n'a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine.
Il est de jurisprudence constante qu'il suffit pour le Requérant de démontrer qu'à première vue (prima facie) le Défendeur n'a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine pour renverser la charge de la preuve au détriment du Défendeur (Voir: Champion Innovations, Ltd. c. Udo Dussling (45FHH), Litige OMPI No. D2005-1094; Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; Belupo d.d. c. WACHEM d.o.o., Litige OMPI No. D2004-0110).
Il ressort du paragraphe 4(c) des Principes directeurs qu'il y a lieu de reconnaître un intérêt légitime ou droit sur le nom de domaine litigieux, notamment lorsque le Défendeur apporte la preuve de ses droits sur les noms de domaine litigieux ou son intérêt légitime qui s'y attache, cette preuve pouvant être constituée par l'une des circonstances ci-après:
(i) Avant d'avoir eu connaissance du litige, le Défendeur a utilisé les noms de domaine litigieux ou un nom correspondant aux noms de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;
(ii) Le Défendeur est connu sous les noms de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
(iii) Le Défendeur fait un usage noncommercial légitime ou un usage loyal des noms de domaine litigieux sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.
Le Requérant apporte la preuve de l'enregistrement de marques comprenant le mot "argus", et déclare que le Défendeur n'est pas connu sous les noms de domaine litigieux. La Commission administrative relève que le Défendeur n'est pas titulaire de marques reprenant les termes composant les noms de domaine litigieux et n'est pas connu sous ces noms de domaine. De plus, le nom de domaine <auto-argus.com> renvoie vers un site web offrant des services similaires à ceux du Requérant. Quant au nom de domaine <auto-argus.net>, la Commission administrative constate qu'il renvoie vers une page vide comportant un message d'erreur, et ne paraît donc pas utilisé. Les noms de domaine litigieux ne sont donc manifestement pas utilisés d'une manière qui justifierait d'un intérêt légitime sur ceux-ci.
En outre, le Défendeur ne démontre pas avoir un quelconque droit ou un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux. La Commission administrative considère qu'en l'espèce, le fait une activité principalement basée sur les noms de domaines litigieux depuis le mois d'août 2014 n'est pas pertinent. Comme énoncé précédemment, cette activité est similaire à celle du Requérant et ne peut donc en aucun cas être considérée comme légitime.
Dès lors, la Commission considère que le Requérant a démontré que le Défendeur n'a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine. Le critère repris au paragraphe 4 (a)(ii) des Principes directeurs est donc rempli.
Le Requérant doit apporter la preuve sur la balance des probabilités que les noms de domaine ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi (Voir Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallow, Litige OMPI No. D2000-0003; Control Techniques Limited v. Lektronix Ltd, Litige OMPI No. D2006-1052).
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui peuvent constituer la preuve que les noms de domaine ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi. Cette liste comprend le cas où en utilisant les noms de domaine, le défendeur a essayé intentionnellement d'attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d'Internet sur son site web ou toute autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque du requérant quant à la source, au parrainage, à l'affiliation ou à l'approbation de son site web ou destination en ligne ou d'un produit ou service offert sur celui-ci.
La Commission administrative remarque que le paragraphe 2 des Principes directeurs impose implicitement au futur titulaire d'un nom de domaine litigieux d'éviter d'enregistrer et d'utiliser des noms de domaine qui porteraient atteinte aux droits d'un tiers (Voir Aspen Holdings Inc. c. Rick Natsch, Potrero Media Corporation, Litige OMPI No. D2009-0776)
En l'espèce, la Commission administrative constate que le site web auquel renvoie le nom de domaine <auto-argus.com> offre des services similaires à ceux du Requérant et ressemble au site principal du Requérant, accessible par le nom de domaine <largus.fr>. La Commission administrative constate également que le nom de domaine <auto-argus.com> a été enregistré au même jour.
Le Requérant invoque deux décisions de commissions administratives précédentes, qui confirment que les marques du Requérant jouissent d'une réputation et d'une reconnaissance certaine auprès des professionnels et particuliers (Société nouvelle d'études, d'éditions et de publicité SNEEP contre F.M., Litige OMPI No. DFR2009-0041; Société Nouvelle d'Etudes, d'Editions et de Publicité SNEEP contre Muse Média, Litige OMPI No. D2011-1881).
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le Défendeur devait être au courant de l'existence de droits de marques du Requérant au moment de l'enregistrement (Voir Spontin SA c. sig services, Com web services, A Consumer Service MutuWeb, Litige OMPI No. D2009-1281).
Selon la Commission administrative, le fait que le Défendeur utilise le nom de domaine pour offrir des services similaires à ceux offerts par le Requérant démontre sur la balance de probabilités que le nom de domaine litigieux a été réservé par le Défendeur dans le but d'attirer, à des fins lucratives, les Internautes sur son site web, en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant en ce qui concerne l'origine des produits.
De plus, la Commission administrative constate que dans sa réponse, le Défendeur ne développe pas d'arguments convaincants pouvant démontrer sa bonne foi en l'espèce.
Dans sa plainte, le Requérant déclare que le nom de domaine <auto-argus.net> renvoie vers le même site web que <auto-argus.com>. La Commission administrative constate toutefois que le nom de domaine <auto-argus.net> renvoie vers une page vide comportant un message d'erreur, et ne paraît donc pas utilisé. Il ne lui est pas possible de vérifier la véracité des propos du Requérant sur ce point. Néanmoins, la Commission administrative considère que l'utilisation passive d'un nom de domaine peut constituer un indice de mauvaise foi dans certaines circonstances. Compte tenu de la similarité entre les deux noms de domaine litigieux et de l'apparente mauvaise foi dans l'utilisation du nom de domaine <auto-argus.com>, la Commission administrative considère qu'en l'espèce, les indices de mauvaise foi peuvent effectivement s'étendre aux deux noms de domaine litigieux.
La Commission administrative déduit des faits et circonstances susmentionnés que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi. Par conséquent, la Commission administrative considère que le Requérant a satisfait le critère énoncé au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour toutes les raisons susmentionnées, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative décide que les noms de domaine <auto-argus.com> et <auto-argus.net> doivent être transférés au Requérant.
Flip Jan Claude Petillion
Expert Unique
Le 28 octobre 2014