La requérante est Boursorama S.A. de Boulogne Billancourt, France, représentée par Nameshield, France.
Le défendeur est Osaki Kyle de Honolulu, Etats-Unis d’Amérique (“Etats-Unis”).
Le litige concerne les noms de domaine <boursorama-msg.com> et <service-boursorama.com>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est OVH.
Une plainte a été déposée par Boursorama S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 4 septembre 2014.
En date du 4 septembre 2014, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement des noms de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la requérante. Le 5 septembre 2014, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 9 septembre 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 29 septembre 2014. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 30 septembre 2014, le Centre notifiait le défaut du défendeur.
En date du 2 octobre 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Philippe Gilliéron. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
La requérante a été fondée en 1995. Elle est active dans le domaine du courtage en ligne, l’information financière sur Internet et la banque en ligne. A la fin de l’année 2013, elle comptait plus de 505’000 clients.
La requérante est titulaire de la marque verbale communautaire BOURSORAMA n° 001758614, enregistrée en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42 avec une date de priorité remontant au 19 octobre 2001.
La requérante déploie ses activités sur Internet sous les noms de domaine <boursorama.com> (depuis le 1er mars 1998), <boursorama.eu> (depuis le 24 juillet 2006), <boursorama.info> (depuis le 20 février 2007), <boursorama.mobi> (depuis le 20 septembre 2006) et <boursorama.net> (depuis le 24 septembre 1998).
Le 16 août 2014, le défendeur a enregistré les noms de domaine <service-boursorama.com> et <boursorama-msg.com>, qui ne sont rattachés à aucun site actif mais conduisent à de simples messages d’erreur ainsi libellés :
“ERROR
The requested URL could not be retrieved
The following error was encountered while trying to retrieve the URL : http://boursorama-msg.com/ [respectively : http://service-boursorama.com/]
Unable to determine IP address from host name “boursorama.com” [respectively : Error! Hyperlink reference not valid.]
The DNS server returned :
Server failure : The name server was unable to proceed this query.
This means that the cache was not able to resolve the hostname presented in the URL. Check if the address is correct.
Your cache administrator is root.”
La requérante allègue tout d’abord que les noms de domaine litigieux sont similaires à sa marque BOURSORAMA, les éléments “msg” et “service”, purement génériques, étant impropres à permettre de distinguer ces noms de domaine suffisamment de sa marque.
La requérante fait ensuite valoir le fait que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur ces noms de domaine, dès lors qu’il n’est pas affilié à la requérante ni n’a reçu d’autorisation pour exploiter ces noms de domaine.
La requérante conclut enfin que le défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi, dès lors que, compte tenu de la réputation de la requérante en France, il est raisonnable de penser que le défendeur a enregistré les noms de domaine en pleine connaissance de cause dans un but de phishing (hameçonnage).
Le défendeur n’a pas déposé de réponse.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir:
(i) si les noms de domaine sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la requérante a des droits; et
(ii) si le défendeur n’a aucun droit ou un intérêt légitime sur les noms de domaine; et
(iii) si le défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine de mauvaise foi.
Selon le paragraphe 4(a)(i), la requérante doit démontrer que les noms de domaine litigieux sont identique ou semblables au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la requérante a des droits.
En l’espèce, il est établi que la requérante est titulaire de la marque verbale communautaire BOURSORAMA.
Il est largement admis que le fait de reprendre à l’identique la marque d’un tiers dans un nom de domaine peut suffire à établir que ce nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle la partie requérante a des droits.
Cela vaut d’autant plus lorsque la marque constitue l’élément prédominant du nom de domaine litigieux, et que l’élément ajouté constitue un terme descriptif.
Ainsi en va-t-il en l’espèce. L’adjonction des termes “msg” et “service”, comprise respectivement comme une abréviation du terme “message” et une simple description des activités proposées, est impropre à écarter le risque de confusion résultant de la reprise pure et simple par le défendeur de la marque de la requérante comme élément principal des noms de domaine litigieux.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), la requérante doit démontrer que le défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux.
Dans la décision Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624, la commission administrative a considéré que, s’agissant d’un fait négatif presque impossible à démontrer, à partir du moment où le requérant a allégué que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime en relation avec le nom de domaine, c’est au défendeur qu’il incombe d’établir l’existence de ses droits. Partant, il suffit que le requérant établisse prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime pour renverser le fardeau de la preuve et laisser le défendeur le soin d’établir ses droits. A défaut, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs (voir le paragraphe 2.3 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, deuxième édition, “Synthèse, version 2.0”).
Tel est le cas en l’espèce. La requérante a allégué n’avoir jamais consenti de droit ni d’autorisation au défendeur en relation avec l’enregistrement et l’exploitation de noms de domaine reprenant sa marque. Or, le défendeur ne fournit aucune explication quant au choix des noms de domaine litigieux. En l’absence d’une quelconque explication, force est d’admettre que le défendeur n’a apporté aucun élément à même de démontrer un droit ou à tout le moins un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux.
Partant, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(iii), la requérante doit démontrer que le défendeur a enregistré et qu’il utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.
L’enregistrement de mauvaise foi présuppose que le défendeur connaissait la marque de la requérante. En l’espèce, la Commission administrative peine à croire que le défendeur n’aurait pas eu connaissance de la marque de la requérante. Rien ne permet d’expliquer le choix de noms de domaine qui correspondent en tous points à la marque de cette dernière. Une telle connaissance est d’autant plus plausible que, nonobstant le fait que le défendeur réside aux Etats-Unis, situation dans laquelle on peut d’ores et déjà s’interroger sur le choix de noms de domaine n’ayant aucune signification en anglais, le défendeur a indiqué comme adresse de contact technique une adresse en France, et enregistré les noms de domaine auprès d’une unité d’enregistrement française. Difficile dès lors d’imaginer que le défendeur n’ait pas eu connaissance de la marque de la requérante qui a acquis une certaine réputation en France, notamment dans le secteur de service financiers.
Il ne fait bien au contraire aucun doute dans l’esprit de la Commission administrative que le défendeur connaissait pertinemment la marque de la requérante lorsqu’il a procédé à l’enregistrement des noms de domaine litigieux et que, comme l’allègue du reste la requérante elle-même, il entendait tirer profit du rapport d’affiliation ainsi créé dans l’esprit des utilisateurs, que ce soit dans l’optique de promouvoir ses propres activités, de chercher à revendre d’une manière ou d’une autre les noms de domaine litigieux ou, plus vraisemblablement encore, à des fins de phishing.
En l’absence d’explications plausibles soulevées par le défendeur, ce dernier, qui a fait défaut, doit ici supporter les conséquences de sa négligence.
De plus, la Commission administrative note que les noms de domaine ne résolvent à aucune site actif, et que conformément à une jurisprudence établie la détention passive de noms de domaine peut conduire sous certaines conditions à une utilisation de mauvaise foi des noms de domaine.
Partant, la Commission administrative considère que le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est également réalisé.
Pour les raisons précédentes, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine litigieux <boursorama-msg.com> et <service-boursorama.com> soient transférés à la requérante.
Phillipe Gilliéron
Expert Unique
Le 21 octobre 2014