Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Petroleo Brasileiro S.A - Petrobras contre Benoit Menetrieux

Litige n° D2014-1673

1. Les parties

Le Requérant est Petroleo Brasileiro S.A - Petrobras de Rio de Janeiro, Brésil, représenté par Ouro Preto Advogados, Brésil.

Le Défendeur est Benoit Menetrieux de Paris, France.

2. Noms de domaine et Unités d’enregistrement

Le litige concerne les noms de domaine <petrobras.center>, <petrobras.international> et <petrobras.training> (les “Noms de Domaine”).

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle les Noms de Domaine sont enregistrés est Key-Systems GmbH dba domaindiscount24.com (“l’unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

La plainte a été déposée en anglais par la Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 25 septembre 2014.

En date du 26 septembre 2014, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 29 septembre 2014, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le 6 octobre 2014, le Requérant a déposé une Plainte en français, après avoir été notifié par le Centre que la langue du contrat d’enregistrement des Noms de Domaine est le français.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 10 octobre 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 octobre 2014. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. Par conséquent, en date du 31 octobre 2014, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 6 novembre 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Jacques de Werra. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est une société brésilienne présente dans 28 pays qui est l’une des plus importantes sociétés pétrolières et gazières du monde.

Le Requérant est titulaire de nombreuses marques incluant le terme PETROBRAS enregistrées dès 1974 dans différents Etats du monde (la “Marque”), à commencer par le Brésil, pour différents produits et services liés à ses activités (notamment pour des services en classe 37).

Le Requérant est titulaire de différents noms de domaine correspondant à la Marque parmi lesquels figurent <petrobras.com>, <petrobras.net>, <petrobras.org>, <petrobras.us> et <petrobras.fr>.

Les Noms de Domaine ont été enregistrés le 16 avril 2014. Ils ne sont pas utilisés activement.

Le 30 mai 2014, le Requérant a mis en demeure le Défendeur de cesser l’usage des Noms de Domaine et de les radier ou de les transférer jusqu’au 13 juin 2014. Aucune suite n’a été donnée à cette mise en demeure.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant estime que les Noms de Domaine sont identiques à la Marque. En effet, les Noms de Domaine contiennent dans son intégralité la Marque.

Le Requérant expose ensuite que le Défendeur n’a pas utilisé la Marque pour identifier ses produits ou ses services et que, pour autant que le Requérant le sache, le Défendeur ne possède pas de demande de marque ou d’enregistrement de marque pour le terme PETROBRAS . Le Requérant expose ensuite qu’il n’a jamais autorisé le Défendeur à utiliser la Marque ni à enregistrer les Noms de Domaine et qu’aucune des circonstances pouvant établir un droit ou un intérêt légitime du Défendeur n’est établie.

Le Requérant considère enfin que l’absence d’utilisation des Noms de Domaine n’empêche pas de retenir la mauvaise foi et que, compte tenu de la réputation du Requérant, acquise bien avant l’enregistrement des Noms de Domaine, il est difficile de croire que le Défendeur n’avait pas connaissance de l’activité du Requérant et de la Marque au moment de l’enregistrement des Noms de Domaine.

B. Défendeur

Le Défendeur a fait défaut dans la présente procédure administrative.

6. Discussion et conclusions

A. Langue de la procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d’application prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d’enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.

En l’espèce, l’unité d’enregistrement a informé le Centre le 29 septembre 2014 que la langue du contrat d’enregistrement des Noms de Domaine est le français. La plainte ayant été initialement déposée en anglais par le Requérant, ce dernier a par la suite déposé une Plainte en français, après avoir été notifié par le Centre et avoir choisi l’option de déposer la Plainte en français.

La Commission administrative considère qu’il n’y a pas lieu de déroger à la règle prévue au paragraphe 11(a) des Règles d’application qui prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d’enregistrement, soit le français, la Plainte ayant été déposée dans cette langue par le Requérant, étant noté de plus que le Défendeur a une adresse en France (celui-ci n’ayant pas participé à la procédure).

B. Sur le fond

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir:

(i) si les Noms de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;

(ii) si le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et

(iii) si le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine de mauvaise foi.

1. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Commission administrative constate que le Requérant a établi être titulaire de la Marque qui comporte le terme PETROBRAS que la Commission administrative considère comme distinctive. La Commission administrative relève que les Noms de Domaine sont composés de ce seul terme et des suffixes “.training”, “.centre” et “.international”, lesquels peuvent être écartés aux fins de la présente analyse. Dans ces circonstances, la Commission administrative considère qu’il existe une similitude prêtant à confusion entre les Noms de Domaine et la Marque et que la première condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

2. Droits ou intérêts légitimes

Si la charge de la preuve de l’absence de droits ou intérêts légitimes du défendeur incombe au requérant, les commissions administratives considèrent qu’il est difficile de prouver un fait négatif. Il est donc généralement admis que le requérant doit établir prima facie que le défendeur n’a pas de droit ni d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Il incombe ensuite au défendeur d’établir le contraire. S’il n’y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes. Voir Denios Sarl c. Telemediatique France, Litige OMPI No. D2007-0698.

En l’espèce, la Commission administrative constate que le Requérant a établi prima facie que le Défendeur n’a pas de droit ni d’intérêt légitime sur les Noms de Domaine, notamment parce que le Requérant n’a pas autorisé le Défendeur à utiliser la Marque ni à enregistrer les Noms de Domaine.

Sur cette base, la Commission administrative estime qu’il appartenait au Défendeur d’établir qu’il a un droit ou un intérêt légitime sur les Noms de Domaine.

La Commission administrative constate à cet égard que le Défendeur n’a pas participé à la procédure et n’a dès lors aucunement établi être titulaire d’une quelconque marque correspondant aux Noms de Domaine ou être connu sous ce nom ni avoir établi un motif justificatif permettant de constater l’existence d’un droit ou d’un intérêt légitime sur les Noms de Domaine.

La Commission administrative relève en outre que le terme “Petrobras” qui correspond à la Marque et au nom du Requérant est distinctif de sorte que l’enregistrement par le Défendeur des Noms de Domaine qui comportent ce terme ne peut être le fruit du hasard.

Force est de constater que le Défendeur n’a pas établi qu’il utilise les Noms de Domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services pas plus qu’il ne fait un usage non commercial légitime ou loyal des Noms de Domaine.

La Commission administrative estime sur cette base que le Défendeur n’a pas de droit ni d’intérêt légitime sur les Noms de Domaine et que, partant, la seconde condition figurant au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est également remplie.

3. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Aux fins du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, la preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la commission administrative, par les circonstances ci-après:

(i) les faits montrent que le titulaire du nom de domaine a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que vous pouvez prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine;

(ii) le titulaire du nom de domaine a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et il est coutumier d’une telle pratique;

(iii) le titulaire du nom de domaine a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, le titulaire du nom de domaine a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

La Commission administrative constate que le Requérant a établi – ce qui n’a pas été contesté par le Défendeur qui n’a pas participé à la procédure – que le Défendeur ne pouvait pas ignorer l’existence de la Marque du Requérant au moment de l’enregistrement des Noms de Domaine.

La Commission administrative constate par ailleurs que le fait que les Noms de Domaine ne soient pas activement utilisés par le Défendeur n’exclut aucunement l’admission de la mauvaise foi du Défendeur. Voir eBay Inc. c. Sunho Hong, Litige OMPI No. D2000-1633.

La Commission administrative considère dès lors sur la base des circonstances du cas d’espèce que les Noms de Domaine ont été enregistrés de mauvaise foi par le Défendeur dès lors qu’aucun motif légitime ne permet d’expliquer un tel enregistrement, de sorte qu’on doit ainsi admettre qu’il a été opéré dans le but de profiter de la reconnaissance de la Marque du Requérant. L’absence d’usage actif des Noms de Domaine n’empêche pas la Commission administrative d’estimer en l’espèce que le Défendeur fait un usage de mauvaise foi des Noms de Domaine.

La Commission administrative en conclut ainsi que le Défendeur a enregistré et utilise de mauvaise foi les Noms de Domaine et que la troisième condition figurant au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est ainsi remplie.

7. Décision

Pour les raisons précédentes, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que les Noms de Domaine litigieux <petrobras.center>, <petrobras.international> et <petrobras.training> soient transférés au Requérant.

Jacques de Werra
Expert Unique
Le 16 novembre 2014