Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

NC Numericable contre Registration private, Domains By Proxy, LLC / Annette Barbier, ncnumericable

Litige No. D2015-0186

1. Les parties

Le Requérant est NC Numericable, de Champs-sur-Marne, France, représenté par Cabinet Vidon, France.

Le Défendeur est Registration private, Domains By Proxy, LLC d'Arizona, les Etats-Unis d'Amérique / Annette Barbier, ncnumericable, de Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d'enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <ncnumericable-fr.com>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est GoDaddy.com, LLC.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par NC Numericable auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le « Centre ») en date du 4 février 2015.

En date du 5 février 2015, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, GoDaddy.com, LLC, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 6 février 2015, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l'identité du titulaire du nom de domaine concerné et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 16 février 2015, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine concerné telles que communiquées par l'unité d'enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 18 février 2015 et a demandé que le français soit la langue de la procédure.

Le Centre a vérifié que la plainte amendée répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés « Principes directeurs »), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les « Règles d'application »), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les « Règles supplémentaires ») pour l'application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 24 février 2015, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 16 mars 2015. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 17 mars 2015, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 30 mars 2015, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Michel Vivant.

La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

4. Les faits

Le Requérant est la société de droit français NC Numericable, opérateur de télécommunications et télévision bien connu en France. Il est membre du groupe Numericable – SFR. Ledit groupe dispose d'un important portefeuille de marques construites sur le terme "numericable" et la société NC Numericable est titulaire elle-même d'une marque française NCNUMERICABLE déposée le 12 avril 2005 et d'une marque internationale NCNUMERICABLE enregistrée le 12 octobre 2005. Le Requérant est par ailleurs titulaire de divers noms de domaine, tels que <numericable.com> ou <numericable.fr>.

Le nom de domaine <ncnumericable-fr.com> a été enregistré le 10 septembre 2014.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Pour le Requérant, le signe « Numericable » bénéficie d'un caractère distinctif fort, et d'une renommée auprès des consommateurs que le Défendeur ne pouvait ignorer. Le Requérant note que le nom de domaine litigieux doit être tenu pour identique à ses marques, dénomination sociale et noms de domaine, ledit nom de domaine reprenant intégralement le terme « NCNumericable », objet même de certaines de ses marques, et que « l'ajout de « -fr » au sein du nom de domaine contesté [devant passer] inaperçu aux yeux du consommateur d'attention moyenne ». En toutes hypothèses, le nom de domaine litigieux devrait être au moins tenu pour une imitation de ses marques, susceptible de créer une confusion dans l'esprit des consommateurs.

Le Requérant fait ensuite valoir que le Défendeur ne peut prétendre avoir un droit sur le nom de domaine ni un intérêt légitime qui s'attacherait à son usage dès lors qu'aucune autorisation ne lui a été consentie et qu'il utilise ce nom pour opérer une redirection non autorisée vers des sites exploités par les sociétés NUMERICABLE et SFR.

Enfin, le Requérant fait valoir que le Défendeur ne pouvait ignorer l'existence des marques, dénomination sociale et noms de domaine antérieurs en raison de leur renommée, ce qui démontre, dit-il, sa mauvaise foi initiale. Il fait encore valoir que les pratiques de redirection, déjà relevées, établissent également un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux. Il ajoute, s'appuyant sur des échanges intervenus entre le Défendeur et une société tierce, que, de fait, le Défendeur a mis sur pied une fraude consistant à se faire passer pour le Requérant.

Il demande en conséquence le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur est défaillant.

6. Discussion et conclusions

A titre préliminaire, bien que l'unité d'enregistrement ait confirmé que la langue d'enregistrement du nom de domaine litigieux était l'anglais, le Requérant a formé expressément une demande tendant à ce que le français soit la langue de la procédure comme il est celle de la plainte. Il appartient donc à la Commission administrative de se prononcer « compte tenu des circonstances » selon les dispositions du paragraphe 11 des Règles d'application. Or, le Requérant est une entreprise française, le Défendeur qui apparaît sous le nom d'Annette Barbier est désigné comme étant de Paris, dans divers échanges qui ont précédé l'ouverture de la procédure le Défendeur employait la langue française (ce qui démontre qu'il comprend bien le français), le nom de domaine litigieux renvoie à des sites rédigés en français, il comporte une "simili extension" <fr>. Enfin, le Défendeur qui a choisi de faire défaut n'a rien objecté à la demande du Requérant (sur ce point voir Sopra Group contre David Jordan, Litige OMPI No. D2014-0277). Il sera donc fait droit à celle-ci quant à l'usage du français qui est en conséquence utilisé dans la présente décision.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant établit ses droits sur des marques NCNUMERICABLE, par ailleurs analogues à sa dénomination sociale.

Le nom de domaine litigieux <ncnumericable-fr.com> reprend intégralement la marque du Requérant, pratique qui a toujours été relevée dans les décisions des commissions administratives en vertu des Principes directeurs comme un fort indice de cybersquatting. Qui plus est, l'extension laissée de côté comme il est de règle, la seule différence entre les marques en cause et le nom de domaine litigieux réside dans l'adjonction d'un « -fr » qui ne crée aucune distance entre les deux signes et, bien plus, risque fort d'être ignorée, qu'elle soit perçue (à tort) comme une extension ou qu'elle le soit comme une simple précision ou restriction géographique.

La Commission administrative est donc d'avis que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec la marque détenue par le Requérant au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le Défendeur, qui a choisi de faire défaut, par hypothèse ne saurait faire état d'autres marques ou dénominations sous lesquelles il serait connu.Mais, en toutes hypothèses, le fait est que les diverses marques NUMERICABLE connues appartiennent toutes aux sociétés du groupe Numericable et jouissent d'une renommée certaine déjà reconnue par d'autres commissions administratives (voir NC Numericable and Société Française du Radiotéléphone - SFR v. Andre Schneider / Domcollect AG, Litige OMPI No. D2014-1378 ou encore NC Numericable contre SARL HTV, M. Herve Claude Loza, Litige OMPI No. D2014-1363). N'ayantobtenu aucune licence du Requérant l'autorisant à utiliser ces marques ou dénominations qui y sont liées et, qui plus est, utilisant le nom de domaine litigieux dans une fin que tout porte à juger illégitime (voir ci-après), le Défendeur ne peut donc faire valoir aucun droit sur ce nom domaine ni aucun intérêt légitime à son usage.

La Commission administrative considère en conséquence que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

L'appellation "Numericable" étant indiscutablement une appellation renommée, et reconnue comme telle (voir ci-dessus) surtout en France où les deux parties résident, le Défendeur ne pouvait ignorer l'existence des marques sur lesquelles s'appuie aujourd'hui le Requérant. Il n'est donc pas crédible qu'il ait adopté le nom de domaine litigieux de manière fortuite.

Bien plus, des éléments versés au dossier par le Requérant, il ressort que le Défendeur utilise ledit nom de domaine dans un contexte qu'il y a tout lieu de juger frauduleux. Des échanges pour une prétendue passation de commande, ont, en effet, été initiés avec une société tierce via un mail <ncnumericable-fr.com> et sous le nom, frauduleusement utilisé, d'« E. Klipfel », le véritable « E. Klipfel » appartenant au groupe Numericable et disposant d'une adresse <ncnumericable.com>. A quoi peut être ajoutée l'observation d'une curieuse pratique de redirection du site ouvert sous le nom <ncnumericable-fr.com> vers les sites du groupe Numericable. L'utilisation du nom de domaine de mauvaise foi est établie au regard du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs.

Pour la Commission administrative, l'enregistrement et l'usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs sont ainsi indubitablement établis.

7. Décision

Pour les raisons précédemment développées, sur la base des paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <ncnumericable-fr.com> soit transféré au Requérant.

Michel Vivant
Expert Unique
Le 11 avril 2015