Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Cl Eurofactor Services S.A. contre Laurent Philipot

Litige No. D2015-1459

1. Les parties

Le Requérant est Cl Eurofactor Services S.A. d’Issy-Les-Moulineaux, France, représenté par Nameshield, France.

Le Défendeur est Laurent Philipot de Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <eurofactor-eu.com> enregistré le 24 juillet 2015.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux est enregistré est Register.IT SPA.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée en français par Cl Eurofactor Services S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 18 août 2015.

En date du 18 août 2015, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Register.IT SPA, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 19 août 2015, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige et confirmant que la langue du contrat d’enregistrement était l’anglais.

Le 24 août 2015, le Centre a envoyé un courrier électronique aux parties expliquant que la plainte avait été déposée en français, mais que le contrat d’enregistrement était en anglais, invitant du même coup le Requérant à fournir soit la preuve suffisante d’un accord entre les parties pour que la procédure se déroule en français, soit une plainte traduite en anglais ou une demande motivée pour que le français soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé le même jour une requête en anglais pour que le français soit la langue de la procédure, requête à laquelle le Défendeur n’a pas répondu.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 3 septembre 2015, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 23 septembre 2015. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 24 septembre 2015, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 5 octobre 2015, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Jean-Claude Combaldieu. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

La plainte a été déposée en français par une société de droit français. Le Défendeur qui habite à Paris n’a pas présenté d’objections. Dans ces conditions, et en application du paragraphe 11(a) des Règles d’application, la Commission administrative décide que la langue de la procédure est le français.

4. Les faits

Le Requérant est la société CL Eurofactor Services SA ci-après désignée par “Eurofactor”, qui offre des produits et services dans le domaine de l’affacturage.

Le Défendeur, Monsieur Philipot, a enregistré le nom de domaine <eurofactor-eu.com> le 24 juillet 2015.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

La plainte expose qu’Eurofactor, société créée en 2001, est la filiale d’affacturage du groupe Crédit Agricole et est une des filiale de Crédit Agricole Leasing & Factoring. Sa vocation est de prendre en charge le recouvrement des créances de ses clients et de soulager ainsi la trésorerie de ces derniers.

Le Requérant fait valoir qu’il détient plusieurs marques et notamment :

- Marque internationale semi-figurative EUROFACTOR, sous priorité française du 20 avril 2000, et enregistrée le 13 octobre 2000 sous le numéro 746789. Classes 35 et 36.

- Marque communautaire semi-figurative EUROFACTOR déposée le 13 juin 2006 et enregistrée le 6 septembre 2007. Classes 35 et 36.

Le Requérant expose aussi qu’il est titulaire de plusieurs noms de domaine, notamment <eurofactor.com> et <eurofactor.fr>.

Le Requérant présente les arguments de fait et de droit en 3 parties :

En premier lieu il soutient que le nom de domaine litigieux <eurofactor-eu.com> est fortement similaire à ses marques EUROFACTOR. L’ajout de “.eu” après un tiret (acronyme de European union) et le gTLD “.com” ne suffisent pas pour échapper à la similarité. Ceci a déjà été décidé dans CL Eurofactor Services S.A. v. Serge Turquin, Litige OMPI No. D2015-0949.

En second lieu il expose que le Défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux <eurofactor-eu.com>. Le Requérant fait valoir qu’il n’a aucun lien avec le Défendeur et qu’il ne l’a jamais autorisé à utiliser la marque EUROFACTOR. De plus Monsieur Philipot est totalement inconnu du Requérant et n’a pas répondu dans la présente procédure. Les informations du WhoIs ne sont pas similaires au nom de domaine litigieux et ainsi le Défendeur n’est pas connu comme “Eurofactor”.

Le site litigieux auquel renvoie le nom de domaine litigieux <eurofactor-eu.com> est inactif depuis son enregistrement et est donc détenu passivement.

Le Requérant expose que ce nom de domaine a été déposé uniquement pour créer une adresse e-mail frauduleuse “[…]@eurofactor-eu.com” et provoquer des versements d’argent en Pologne en usurpant l’identité du Requérant et celle d’un de ses clients.

En troisième lieu il est affirmé que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Les activités frauduleuses auxquelles s’est livré le Défendeur en utilisant l’adresse e-mail dérivé du nom de domaine litigieux et en usurpant l’identité du Requérant et de son client est une utilisation de mauvaise foi.

Enfin l’inactivité du site correspondant au nom de domaine litigieux est en soi considérée comme de mauvaise foi dans la mesure où ce site crée une confusion avec une marque connue comme EUROFACTOR.

En conclusion le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.

B. Défendeur

Le Défendeur n’ayant pas répondu au Centre dans le délai requis est défaillant.

6. Discussion et conclusions

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le nom de domaine litigieux reprend à l’identique l’élément caractéristique principal des marques appartenant au Requérant, à savoir le mot ”eurofactor”, séparé par un tiret de l’acronyme “eu” de “European Union”. Si par ailleurs on considère qu’il est constant que le gTLD ( en l’espèce “.com”) ne doit pas généralement être pris en compte pour l’appréciation de la similitude, il est évident pour la Commission administrative qu’il y a similitude au point de prêter à confusion entre le nom de domaine litigieux et les marques du Requérant.

B. Droits ou intérêts légitimes

Il n’y a aucun lien entre le Défendeur et le Requérant. Ce dernier n’a concédé aucun droit d’utilisation du mot “eurofactor” au Défendeur. Celui-ci, qui n’a pas répondu à la plainte formée contre lui, est inconnu en tant que possesseur de droits ou intérêts légitimes notamment lors de ses déclarations à l’unité d’enregistrement et donc au WhoIs. La Commission administrative estime donc que l’absence de droits ou intérêts légitimes est établie dans cette affaire.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Ce n’est pas un hasard si le Défendeur a repris la marque EUROFACTOR dans le nom de domaine litigieux <eurofactor-eu.com>. Il en connaissait l’existence puisqu’il a utilisé frauduleusement une marque du Requérant sur un relevé bancaire pour tenter de faire virer de l’argent en Pologne. L’enregistrement du nom de domaine litigieux a donc été fait de mauvaise foi.

L’utilisation frauduleuse ci-dessus, accompagnée de l’adresse mail “[…]@eurofactor-eu.com” est aussi un usage de mauvaise foi.

Enfin la non utilisation constante du site Internet correspondant au nom de domaine litigieux peut être aussi considérée comme constitutive de mauvaise foi.

Par conséquent, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

7. Décision

En conséquence, et en application des paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative décide que le nom de domaine litigieux <eurofactor-eu.com>

- est similaire aux marques détenues par le Requérant au point de prêter à confusion,

- que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime à utiliser ce nom de domaine,

- que l’enregistrement et l’usage de ce nom de domaine ont été fait de mauvaise foi.

Il est enfin ordonné que le nom de domaine litigieux <eurofactor-eu.com> soit transféré au Requérant la société Cl Eurofactor Services S.A.

Jean-Claude Combaldieu
Expert Unique
Le 13 octobre 2015