Le Requérant est Cl Eurofactor Services S.A d'Issy-Les-Moulineaux, France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Andre Dumaine de Paris, France.
Le litige concerne le nom de domaine <eu-eurofactor.com> (ci-après désigné le "nom de domaine litigieux").
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Register.IT SPA.
Une plainte a été déposée en français par Cl Eurofactor Services S.A. auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 16 octobre 2015.
En date du 16 octobre 2015, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, Register.IT SPA, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 19 octobre 2015, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige et informant que la langue du contrat d'enregistrement était l'anglais.
Le 20 octobre 2015, le Centre a envoyé un courrier électronique aux parties en expliquant que la plainte avait été déposée en français, mais que le contrat d'enregistrement était en anglais, invitant du même coup le Requérant à fournir soit la preuve suffisante d'un accord entre les parties pour que la procédure se déroule en français, soit une plainte traduite en anglais ou une demande motivée pour que le français soit la langue de la procédure.
Le Requérant a déposé le même jour une requête pour que le français soit la langue de la procédure, requête à laquelle le Défendeur n'a pas répondu.
En conséquence, le Centre a décidé :
1) d'accepter la plainte soumise en français;
2) d'accepter une réponse aussi bien en français qu'en anglais;
3) de nommer une Commission administrative qui soit familiarisée avec les deux langues mentionnées ci‑dessus, si disponible.
Le Centre a conclu que la Commission administrative peut choisir de rendre la décision dans l'une ou l'autre langue.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 27 octobre 2015, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 16 novembre 2015. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 17 novembre 2015, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 27 novembre 2015, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Christophe Caron. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Quant à la langue de la procédure, la Commission administrative choisit de rendre sa décision en français pour les raisons suivantes :
- La plainte a été déposée en français;
- Le Requérant est une société de droit français;
- L'adresse du Défendeur est située en France ("48, rue de la Faisanderie, 75016 PARIS");
- Le Défendeur n'a pas présenté d'objection.
Le Requérant est la société CL Eurofactor Services S.A. Créée en 2001, Eurofactor est la filiale d'affacturage du groupe Crédit Agricole. Elle est une filiale de Crédit Agricole Leasing & Factoring. Eurofactor prend en charge le financement et le recouvrement des créances de ses clients.
Le Requérant est notamment titulaire des marques suivantes :
- la marque internationale semi-figurative EUROFACTOR, sous priorité française du 26 avril 2000, enregistrée le 13 octobre 2000, sous le No. 746789, en classes 35 et 36;
- la marque communautaire semi-figurative EUROFACTOR, déposée le 13 juin 2006 et enregistrée le 6 septembre 2007, sous le No. 5133327, en classes 35 et 36.
Le Requérant est également titulaire des noms de domaine <eurofactor.com> enregistré le 9 février 2000 et <eurofactor.fr> enregistré le 11 juillet 2001.
Le 29 septembre 2015, le Défendeur, Andre Dumaine, a enregistré le nom de domaine litigieux <eu‑eurofactor.com>.
Le Requérant a décidé de s'adresser au Centre afin d'obtenir le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.
En premier lieu, le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux <eu-eurofactor.com> est fortement similaire à ses marques EUROFACTOR, en ce que le nom de domaine litigieux inclut dans son intégralité la dénomination "eurofactor". Selon le Requérant, l'ajout des lettres "eu" et du tiret " - " au début du nom de domaine litigieux, ainsi que la présence du gTLD ".com" ne seraient pas suffisants pour écarter cette forte similarité.
En second lieu, le Requérant soutient que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt qui s'y rattache. Il affirme qu'il n'a jamais autorisé le Défendeur à utiliser les marques EUROFACTOR et que le Défendeur n'est pas lié de quelque façon que ce soit à ses activités.
Par ailleurs, le Requérant fait valoir que le Défendeur n'est pas connu sous ce nom de domaine car les informations sur le titulaire du nom de domaine litigieux indiquées dans le Whois, soit "Andre Dumaine", ne sont pas similaires au nom de domaine litigieux <eu-eurofactor.com>.
De plus, le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux <eu-eurofactor.com> serait inactif depuis son enregistrement ce qui démontrerait son absence d'intérêt et une absence d'exploitation du nom de domaine litigieux en cause pour une offre de bonne foi de produits et de services.
Enfin, le Requérant souligne que le Défendeur n'aurait pas pu utiliser le nom de domaine litigieux <eu‑eurofactor.com> sans porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle du Requérant.
En troisième et dernier lieu, le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Selon le Requérant, les marques EUROFACTOR seraient connues en France, pays dans lequel résident les deux parties, de sorte que le Défendeur aurait eu nécessairement connaissance des marques du Requérant lors de l'enregistrement du nom de domaine litigieux.
Par ailleurs, le Requérant souligne que le site en relation avec le nom de domaine litigieux <eu‑eurofactor.com> serait inactif depuis son enregistrement et serait, en réalité, détenu passivement de mauvaise foi. En effet, selon le Requérant, l'incorporation d'une marque célèbre dans un nom de domaine, associé à un site inactif, peut-être la preuve d'un enregistrement et d'une utilisation de mauvaise foi.
Le Requérant sollicite, donc, au vu de ce qui précède, le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.
Le Défendeur n'a pas fait parvenir de réponse au Centre.
La Commission administrative constituée pour trancher le présent litige se cantonnera à l'application des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine. Il s'agit donc de vérifier, pour prononcer ou refuser un transfert de nom de domaine, que les conditions exprimées par les Principes directeurs sont cumulativement réunies.
En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la procédure administrative n'est applicable qu'en ce qui concerne un litige relatif à une accusation d'enregistrement abusif d'un nom de domaine sur la base des critères suivants :
(i) Le nom de domaine enregistré par le détenteur est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;
(ii) Le détenteur du nom de domaine n'a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache;
(iii) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi, dont le paragraphe 4(b) des Principes directeurs donne quelques exemples non limitatifs.
Le Requérant prouve qu'il est propriétaire des marques suivantes :
- la marque internationale semi-figurative "EUROFACTOR", sous priorité française du 26 avril 2000, enregistrée le 13 octobre 2000, sous le No. 746789, en classes 35 et 36;
- la marque communautaire semi-figurative "EUROFACTOR", déposée le 13 juin 2006 et enregistrée le 6 septembre 2007, sous le No. 5133327, en classes 35 et 36.
Il existe une forte similarité entre le nom de domaine litigieux <eu-eurofactor.com> et les marques EUROFACTOR du Requérant. En effet, l'adjonction des lettres " eu ", qui peut être considérée comme une simple reprise de la référence à l'Union Européenne, et du tiret " - " ne saurait conférer la moindre distinctivité au nom de domaine litigieux, au regard des marques antérieures du Requérant. L'internaute d'attention moyenne aura le sentiment d'accéder au site officiel du Requérant par le biais d'un nom de domaine autorisé.
En outre, il est constant que l'utilisation du suffixe ".com " n'est pas de nature à écarter le risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et les droits dont disposent le Requérant.
Le nom de domaine litigieux est donc similaire au point de prêter à confusion avec les marques EUROFACTOR sur lesquelles le Requérant a des droits.
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
La Commission administrative n'a connaissance d'aucun droit ou intérêt légitime du Défendeur sur le nom de domaine litigieux, étant précisé que le Défendeur n'a pas répondu à la plainte et n'a présenté aucune défense.
Selon le WhoIs, le titulaire du nom de domaine litigieux <eu-eurofactor.com> est "Andre Dumaine". Aucun élément à la connaissance de la Commission administrative ne permet de rattacher le Défendeur à la dénomination "Eurofactor".
Ainsi, il n'est pas démontré que la dénomination "Eurofactor" correspond à l'un des titres de propriété intellectuelle du Défendeur, ni à un signe sous lequel il exerce une activité commerciale.
En outre, il n'a jamais été autorisé par le Requérant à utiliser la dénomination "Eurofactor".
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la seconde condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Concernant l'enregistrement du nom de domaine litigieux, le choix de ce nom de domaine ne peut être le fruit du hasard, étant donné que le Requérant fournit des éléments permettant de démontrer que ses marques EUROFACTOR sont largement utilisées en France, pays dans lequel réside également le Défendeur.
En outre, le Requérant démontre qu'une recherche sur le moteur de recherche Google fournit différents résultats en français, lesquels sont tous en relation avec le Requérant, soit la société CL Eurofactor Services S.A. Or, il appartenait au Défendeur de vérifier que l'enregistrement du nom de domaine litigieux, qui comporte essentiellement la dénomination "Eurofactor", ne portait pas atteinte aux droits de marque que des tiers pouvaient avoir sur cette dénomination, cette recherche sur un moteur de recherche étant de surcroît particulièrement simple à réaliser. Le Défendeur ne saurait dès lors arguer de sa bonne foi lorsqu'il a enregistré le nom de domaine litigieux.
Par ailleurs, il peut être déduit des circonstances d'espèce que le nom de domaine est utilisé de mauvaise foi.
En effet, le site en relation avec le nom de domaine litigieux <eu-eurofactor.com> est inactif depuis son enregistrement. Or, comme l'ont reconnu, à plusieurs reprises, différentes commissions administratives, une utilisation de mauvaise foi d'un nom de domaine peut être démontrée, même en l'absence d'une exploitation du site Internet auquel le nom de domaine litigieux renvoie ou d'une quelconque action positive de la part du défendeur. Ainsi, l'inactivité d'un nom de domaine peut, dans certaines circonstances, constituer un usage passif de mauvaise foi (voir par exemple Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003).
En l'espèce, la Commission administrative a relevé plusieurs éléments permettant d'établir un usage passif de mauvaise foi du nom de domaine litigieux, bien que le site auquel celui-ci renvoie soit inactif (i); la marque du Requérant est reproduite, dans son intégralité, au sein du nom de domaine litigieux (ii); le Défendeur s'est abstenu, malgré la possibilité qui lui était offerte, de justifier d'une utilisation de bonne foi, réelle ou envisagée par lui, du nom de domaine litigieux (iii); en tout état de cause, il ressort de ce qui précède qu'une telle utilisation aurait très certainement porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle antérieurs du Requérant.
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la troisième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Vu les paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission administrative constate que :
Il existe une similitude prêtant à confusion entre le nom de domaine litigieux et la marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits;
Le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache;
Le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
La Commission administrative constate que les trois conditions requises par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunies et décide en conséquence, le transfert au profit Requérant du nom de domaine <eu-eurofactor.com>.
Christophe Caron
Expert Unique
Le 5 décembre 2015