Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Groupe Auchan contre A. Marnissi

Litige No. D2016-0085

1. Les parties

Le requérant est Groupe Auchan de Croix, France, représenté par Dreyfus & associés, France.

Le défendeur est A. Marnissi de Cergy, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <auchan.paris>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux est enregistré est OVH (ci-après “l’unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Groupe Auchan auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 15 janvier 2016.

En date du 15 janvier 2016, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le requérant. Le 15 janvier 2016, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 21 janvier 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 10 février 2016. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 11 février 2016, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 19 février 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Christian-André Le Stanc. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le requérant, la société Groupe Auchan, est une société très importante dans le domaine de la grande distribution qui bénéficie d’une grande notoriété (330.000 employés, dont 72.000 en France, présente dans 16 pays); notoriété qui a déjà été constatée par plusieurs décisions UDRP (par exemple Groupe Auchan c. Gilles Rocuet, Auchangroup, Litige OMPI No. D2015-0182).

Le requérant est titulaire des marques suivantes (Annexe 7 de la plainte) :

La marque française AUCHAN N° 3484631 du 27 février 2007 pour désigner des produits et services des classes 9, 35 et 38.

La marque française AUCHAN, N° 1381268 du 24 novembre 1986 pour désigner des produits et services de toutes classes.

Les marques sont en vigueur.

Le requérant a réservé des noms de domaines, notamment :

- <auchan.com> enregistré le 1er avril 1996 ;

- <auchan.fr> enregistré le 11 février 1997.

Relevant l’enregistrement par le défendeur du nom de domaine litigieux <auchan.paris> en date du 2 octobre 2015, le requérant lui a adressé une mise en demeure, sollicitant le transfert du nom de domaine litigieux, le 25 novembre 2015, par email et par lettre recommandée (Annexe 6 de la plainte). Malgré rappels du requérant, le défendeur n’a pas répondu (Annexe 6 de la plainte).

Le requérant a dès lors engagé auprès du Centre une procédure administrative en vue du transfert à son profit du nom de domaine litigieux <auchan.paris>.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Avançant le caractère notoire de sa marque, le requérant soutient que l’extension “.paris” n’est pas suffisante pour différencier le nom de domaine litigieux de la marque du requérant et qu’au contraire cette extension renforce la confusion avec la marque qui est exploitée essentiellement en France où se situe le siège social du requérant. Pour ce dernier, le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle le requérant a des droits.

Le requérant soutient que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux <auchan.paris> en ce que ce défendeur ne s’est vu accorder aucune licence ni autorisation sur la marque en cause, déposée bien avant l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Il ajoute qu’aucun usage du nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services n’a pu être identifié et que ce nom de domaine ne dirige vers aucun site actif qui pourrait révéler une offre commerciale effective et légitime. Le requérant observe, par ailleurs, que l’absence de réponse à ses lettres permet de conclure que le défendeur ne détient aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni ne peut se prévaloir à son égard d’un quelconque intérêt légitime.

Le requérant prétend que la notoriété de la marque et son caractère fortement arbitraire permet de penser qu’au moment de la réservation du nom de domaine litigieux le défendeur, à qui il appartenait de vérifier qu’il ne portait pas atteinte à des droits de tiers, ne pouvait sérieusement ignorer l’existence de la marque et que dès lors l’enregistrement du nom domaine litigieux a été effectué de mauvaise foi, pour créer une confusion avec la marque du requérant, ce que révèlerait le fait que le défendeur n’ait pas répondu aux courriers de mise en demeure. Mauvaise foi encore traduite dans le fait que le nom de domaine litigieux dirige vers une page inactive.

Le requérant indique enfin que le nom de domaine litigieux est utilisé de mauvaise foi en ce que la marque du requérant est notoire, que le requérant n’en a pas autorisé l’exploitation par le défendeur et en ce que le nom de domaine dirige vers une page inactive, situation qui prive le requérant de la possibilité d’enregistrer à son profit ce nom de domaine qui comporte sa marque.

B. Défendeur

Le défendeur, sollicité de répondre à la plainte à lui adressée par le Centre le 15 janvier 2016, n’a pas jugé utile de s’exprimer.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit: “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant désireux d’obtenir le transfert à son profit du nom de domaine enregistré par le défendeur de prouver contre ledit défendeur, cumulativement, que :

i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur “est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou services sur laquelle le requérant a des droits”;

ii) Le défendeur “n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache” et

iii) Le nom de domaine “a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi”.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le requérant justifie de ses droits de marque sur le signe notoire AUCHAN (Annexe 4 et 7 de la plainte), notoriété reconnue par plusieurs décisions UDRP (Annexe 9 de la plainte). La Commission administrative relève que le nom de domaine litigieux, abstraction faite de l’extension “.paris”, reproduit à l’identique la marque du requérant. L’ajout de l’extension “.paris” dans le nom de domaine litigieux <auchan.paris> qui n’exclut pas la confusion, ne peut au contraire qu’engendrer une confusion avec la marque du requérant dont le siège social est en France.

Le défendeur, taisant, ne conteste pas ce point.

La Commission administrative estime dès lors que le nom de domaine litigieux est identique ou à tout le moins semblable au point de prêter à confusion avec la marque dont le requérant est titulaire.

B. Droits ou intérêts légitimes

La Commission administrative prend acte de ce que le requérant indique n’avoir pas accordé d’autorisation quelconque au défendeur d’utiliser la marque du requérant et constate que la marque, notoire, est largement antérieure à la réservation du nom de domaine litigieux. Le dossier ne révèle pas d’usage commercial de ce nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de biens ou de services et il est établi que ce nom de domaine litigieux ne dirige vers aucun site actif, cette absence d’exploitation, ni de réponse aux courriers du requérant, suggérant que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux (Voir, par exemple, Compagnie Générale des Etablissements Michelin c. Mohammed Miah, Litige OMPI No. D2015-1538 et AREVA c. St. James Robyn Limoges, Litige OMPI No. D2010-1017).

Le défendeur s’abstenant de répondre à la plainte, n’établit pas le contraire.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le requérant (Annexe 9, 4 et 5 de la plainte) établit la notoriété de la marque AUCHAN. En enregistrant le nom de domaine litigieux <auchan.paris>, le défendeur, résidant en France, ne pouvait pas sérieusement ignorer l’existence de la marque, en sorte la Commission estime que l’enregistrement a été fait de mauvaise foi (Voir,LEGO Juris A/S c. Reiner Stotte, Litige OMPI No. D2010-0494 et ALSTOM c. Domain Investments LLC, Litige OMPI No. D2008-0287). Le défendeur, taisant, ne contredit pas ce point.

La Commission administrative a noté que le nom de domaine litigieux renvoyait à une page inactive, ce qui, s’agissant d’un nom incluant une marque notoire, laisse à penser que cette détention passive traduit un usage de mauvaise foi (Voir, Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003) et que cette détention prive, ce faisant, le requérant de la possibilité de déposer un tel nom de domaine reprenant sa marque (L'Oreal c. Chenxiansheng, Litige OMPI No. D2009-0242).

Le défendeur, taisant, ne conteste pas davantage cette opinion.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, conformément aux paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative estime que le requérant a établi que le nom de domaine litigieux est identique ou à tout le moins semblable au point de prêter à confusion à des marques sur lesquelles le requérant a des droits; que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime au regard dudit nom de domaine et que ce nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

La Commission en conséquence ordonne que le nom de domaine litigieux <auchan.paris> soit transféré au requérant Groupe Auchan.

Christian-André Le Stanc
Expert Unique
Le 25 février 2016