Le Requérant est Foodservice and Intellectual Property de Senningerberg, Luxembourg, représenté par Inlex IP Expertise, France.
Le Défendeur est Fety Bakalem, Kar et Rez de Paris, France.
Le litige concerne le nom de domaine <lapatateriedu181.com>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est OVH.
Une plainte a été déposée par Foodservice and Intellectual Property auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 29 janvier 2016.
En date du 1er février 2016, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 1er février 2016, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige et des coordonnées désignés dans la plainte.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 8 février 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 février 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 29 février 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur. En date du 3 mars 2016, le Centre a renotifié la plainte au Défendeur, accordant sept jours additionnels au Défendeur pour indiquer par courriel s’il souhaitait participer à la procédure administrative. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 11 mars 2016, le Centre renotifiait le défaut du Défendeur.
En date du 21 mars 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Flip Jan Claude Petillion. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le 22 mars 2016, l’hébergeur du site web lié au nom de domaine litigieux a fait savoir au Centre qu’il était disposé à transférer le nom de domaine litigieux.
Le 25 mars 2016, le Requérant a demandé une suspension de la procédure administrative. Par son Ordonnance No. 1 transmise aux parties le 31 mars 2016, la Commission administrative a accordé une suspension de la procédure administrative pour 15 jours.
Le 15 avril 2016, le Requérant a transmis un formulaire d’accord au Centre. La Commission administrative a constaté que ce formulaire n’était signé que par le Requérant et l’hébergeur du site web lié au nom de domaine litigieux, et non par le Défendeur. Dès lors, la Commission administrative a estimé devoir procéder à l’élaboration de la présente décision.
Le Requérant, Foodservice and Intellectual Property, est une société exploitant notamment un réseau de restauration en France. Le Requérant est propriétaire de diverses marques nationales et internationales, dont les suivantes:
- marque française verbale LA PATATERIE du 19 mai 2005, enregistrée sous le No. 3359959 couvrant les classes 29, 30, 31, 35 et 43;
- marque internationale figurative du 18 novembre 2005, enregistrée sous le No. 873452 couvrant les classes 29, 31 et 43. Cette marque couvre notamment la Chine, le Benelux, le Luxembourg et la Suisse;
- marque de l’Union européenne figurative du 17 avril 2009, enregistrée sous le No. 006999841 et couvrant les classes 29, 30, 31, 35 et 43.
Le Requérant est également titulaire de plusieurs noms de domaine dont <lapataterie.com>.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 27 mars 2015 et renvoie au site web d’un restaurant situé à Paris en France.
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux est semblable, au point de prêter à confusion, à certaines marques de produits ou de services sur lesquelles le Requérant prétend avoir des droits. Le Requérant soutient également que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. Le Requérant soutient que le Défendeur n’utilise pas le nom de domaine litigieux d’une façon légitime ou équitable. Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.
Le paragraphe 15 des Règles d’application prévoit que la Commission administrative statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d’application et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.
La charge de la preuve se situe auprès du Requérant et il résulte aussi bien de la terminologie des Principes directeurs que de décisions préalables d’autres commissions administratives UDRP, que le Requérant doit prouver les trois éléments mentionnés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs pour pouvoir établir que le nom de domaine litigieux peut être transféré.
Dès lors, le Requérant, pour réussir, doit prouver conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs et selon la balance des probabilités que:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Par conséquent, la Commission administrative examinera ces critères séparément.
En premier lieu, le Requérant doit établir qu’il est titulaire de droits de marques. Le Requérant est titulaire de marques nationales et internationales portant sur le terme “la pataterie”. Il est notamment titulaire d’une marque verbale LA PATATERIE et d’une marque figurative, toutes deux protégées en France, pays de résidence du Défendeur. Par conséquent, le Requérant a établi qu’il existe des droits de marques dont il est titulaire. Ceci n’est pas contesté par le Défendeur. La Commission administrative constate, même si cela n’est pas décisif sous le premier élément de l’UDRP, que les droits de marque du Requérant sont antérieurs à l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
La Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est semblable aux marques antérieures du Requérant en ce que le nom de domaine reproduit l’élément distinctif et dominant des marques invoquées, à savoir LA PATATERIE, auquel sont simplement ajoutés les termes génériques “du” et “181” (voir Karen Millen Fashions Limited c. Akili Heidi, Litige OMPI No. D2012-1395). Selon la Commission administrative, les termes “du 181” ne sont pas distinctifs en ce qu’ils font référence à la localisation géographique du restaurant dont fait l’objet le site web lié au nom de domaine litigieux. En effet, la Commission administrative constate que ce restaurant est situé au numéro 181 de la rue de Vaugirard à Paris.
Puisque le nom de domaine litigieux est semblable aux marques dont le Requérant est le titulaire, la similitude entre le nom de domaine litigieux et les marques antérieures du Requérant peut prêter à confusion. Dès lors, le Requérant a établi que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est démontré.
Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant a la charge de la preuve pour établir que le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine litigieux.
Il est de jurisprudence constante qu’il suffit pour le Requérant de démontrer qu’à première vue (prima facie) le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine litigieux pour qu’il incombe au Défendeur de démontrer le contraire (voir Champion Innovations, Ltd. c. Udo Dussling (45FHH), Litige OMPI No. D2005-1094; Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; et Belupo d.d. c. WACHEM d.o.o., Litige OMPI No. D2004-0110).
Il ressort du paragraphe 4(c) des Principes directeurs qu’il y a lieu de reconnaître un droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, notamment lorsque le Défendeur apporte la preuve de ses droits sur le nom de domaine litigieux ou son intérêt légitime qui s’y attache, cette preuve pouvant être constituée par l’une des circonstances ci-après:
(i) Avant d’avoir eu connaissance du litige, le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;
(ii) Le Défendeur est connu sous le nom de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
(iii) Le Défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine litigieux sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.
Le Requérant apporte la preuve de l’enregistrement de marques comprenant le terme “la pataterie”, et déclare qu’il n’existe aucune relation d’affaire entre les parties. La Commission administrative relève que le Défendeur n’est pas titulaire de marques reprenant les termes composant le nom de domaine litigieux. De plus, la Commission administrative constate que le nom de domaine litigieux renvoie vers le site web d’un restaurant qui propose des produits et services identiques aux produits et services de restauration couverts par les diverses marques du Requérant. Selon la Commission administrative, ceci ne constitue pas un usage loyal du nom de domaine litigieux.
En outre, le Défendeur n’a pas soumis de réponse à la plainte et ne démontre pas avoir un quelconque droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Notamment le Défendeur n’explique pas pourquoi il utilise le terme “la pataterie” pour son restaurant.
Dès lors, la Commission administrative considère dans les circonstances spécifiques de cette affaire que le Requérant a démontré que le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine litigieux. Le critère repris au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est donc rempli.
Le Requérant doit apporter la preuve sur la balance des probabilités que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; et Control Techniques Limited c. Lektronix Ltd, Litige OMPI No. D2006-1052).
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui peuvent constituer la preuve que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Cette liste comprend le cas où en utilisant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a essayé intentionnellement d’attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d’Internet sur son site web ou toute autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque du Requérant quant à la source, au parrainage, à l’affiliation ou à l’approbation de son site web ou destination en ligne ou d’un produit ou service offert sur celui-ci.
Enregistrement de mauvaise foi
La Commission administrative remarque que le paragraphe 2 des Principes directeurs impose implicitement au futur titulaire d’un nom de domaine d’éviter d’enregistrer et d’utiliser des noms de domaine qui porteraient atteinte aux droits d’un tiers (voir Aspen Holdings Inc. c. Rick Natsch, Potrero Media Corporation, Litige OMPI No. D2009-0776).
La Commission administrative constate que les marques LA PATATERIE invoquées par le Requérant ont toutes été enregistrées avant l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
Par ailleurs, le Requérant apporte la preuve de la réputation de ses marques LA PATATERIE en France, pays de résidence du Défendeur.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le Défendeur devait connaître l’existence du Requérant ou à tout le moins son enseigne de restauration. Le Défendeur devait donc être au courant de l’existence des droits de marques du Requérant au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux(voir Spontin SA c. sig services, Com web Services, A Consumer Service MutuWeb, Litige OMPI No. D2009-1281).
Usage de mauvaise foi
Sans aucune autorisation de la part du Requérant, le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux afin de promouvoir un restaurant proposant des plats similaires à ceux proposés dans les restaurants du Requérant. La Commission administrative considère que ceci démontre sur la balance de probabilités que le nom de domaine litigieux a été réservé par le Défendeur dans le but d’attirer, à des fins lucratives, les internautes vers son site web, en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant quant à l’origine de ce site web.
En ne soumettant pas de réponse à la plainte, le Défendeur n’a pris aucune initiative pour contester ce qui précède. Conformément au paragraphe 14 des Règles d’application, la Commission administrative devra en tirer les conclusions qu’elle estime appropriées.
La Commission administrative déduit des faits et circonstances susmentionnés que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Par conséquent, la Commission administrative considère que le Requérant a satisfait le critère énoncé au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour toutes les raisons susmentionnées, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <lapatateriedu181.com> soit transféré au Requérant.
Flip Jan Claude Petillion
Expert Unique
Le 28 avril 2016