Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Schneider Electric S.A. contre Sophie Dupont

Litige No. D2016-0760

1. Les parties

Le Requérant est Schneider Electric S.A. de Rueil-Malmaison, France, représenté par Nameshield, France.

Le Défendeur est Sophie Dupont de Bruxelles, Belgique.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> est enregistré auprès de Register.IT SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte en anglais a été déposée par Schneider Electric S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 18 avril 2016. En date du 18 avril 2016, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 19 avril 2016, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige, et révélant que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux était le français. Le 19 avril 2016, le Centre a envoyé un courrier électronique aux Parties, demandant le Requérant à fournir soit (1) la preuve suffisante d’un accord, entre le Requérant et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en anglais; ou (2) déposer une plainte traduite en français; ou (3) déposer une demande afin que l’anglais soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une plainte traduite en français le 20 avril 2016. Le Défendeur n’a déposé aucun commentaire à cet égard.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 26 avril 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 16 mai 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 17 mai 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 25 mai 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Christophe Imhoos. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant se présente comme une société fondée en 1871, est un industriel français ayant une activité internationale. Il fabrique et vend des produits de gestion de l’énergie, l’automatisation et des solutions connexes. Le site Internet officiel du Requérant se trouve à l’adresse “www.schneider-electric.com”.

Le Requérant est titulaire de nombreuses marques incluant le terme distinctif SCHNEIDER ELECTRIC (annexe 4 à la plainte):

Marque

Territoire

N° d’enregistrement

Date d’enregistrement

SCHNEIDER ELECTRIC

Union Européenne

001103803

9 septembre 2005

SCHNEIDER ELECTRIC

Internationale

715395

15 mars 1999

Le Requérant est également titulaire d’un grand nombre de noms de domaine, incluant les mots “Schneider Electric” (annexe 5 à la plainte) :

Nom de domaine

Date d’enregistrement

<schneider-electric.com>

3 octobre 1997

<schneider-electric.fr>

1er janvier 1995

<schneider-electric.co.uk>

18 septembre 1998

<schneider-electric.de>

16 février 2016

<schneider-electric.energy>

3 février 2015

<schneider-electric.ru>

9 février 2005

<schneider-electric.uk>

11 juin 2014

<schneider-electric.eu>

10 juillet 2006

Le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> a été enregistré le 19 février 2016 par le Défendeur. Le site au nom de domaine litigieux n’est pas actif depuis son enregistrement.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant allègue ce qui suit:

(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits.

Le Requérant énonce que le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> est semblable au point de prêter à confusion aux marques distinctives et notoirement connues SCHNEIDER ELECTRIC et aux noms de domaine associés. En effet, le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> est constitué de la marque SCHNEIDER ELECTRIC dans son intégralité.

Le Requérant fait en outre valoir que l’addition du mot “France”, ainsi que les tirets entre chaque mot du nom de domaine litigieux, et enfin l’extension de nom de domaine générique de premier niveau (“gTLD”) “.com” ne sont pas des éléments suffisants pour échapper à la conclusion que le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> ne permet pas de modifier l’impression d’ensemble selon laquelle le nom de domaine litigieux est lié à la marque du Requérant en se référant notamment à Gannet Co. c. Henry Chan, Litige OMPI No. D2004-0117..

Enfin le Requérant relève qu’il est une société exerçant son activité dans le monde entier, et ses marques sont notoirement connues, comme énoncés dans des affaires UDRP antérieures (voir Schneider Electric S.A. c. LLC “ALL-ENERGY”, Litige OMPI No. D2015-0388; Schneider Electric SA c. Ningbo Wecans Network Technology Co., Ltd., Ningbo Eurosin International Trade Co., Ltd., Litige OMPI No. D2004-0554).

(ii) Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.

Le Requérant affirme que le Défendeur n’a pas de droits ni d’intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux et qu’il n’est pas affilié à sa société, ni autorisé par lui-même de quelque sorte que ce soit. Le Requérant n’a jamais mené une quelconque activité avec le Défendeur. Ainsi, aucune licence ni autorisation n’a été accordée au Défendeur de faire une quelconque utilisation des marques SCHNEIDER ELECTRIC du Requérant, ou une demande d’enregistrement du nom de domaine litigieux.

En outre, le Requérant relève que le Défendeur n’utilise pas le nom de domaine litigieux dans le cadre d’une offre de bonne foi de produits ou services, et ne fait pas un usage légitime non commercial ou juste de la marque. En effet, le nom de domaine litigieux est inactif depuis son enregistrement.

Par conséquent, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en vue d’empêcher le titulaire de la marque de refléter la marque dans un nom de domaine correspondant.

(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Le Requérant est une société mondialement connue, et ses marques sont renommées. Étant donné le caractère distinctif de la marque et la réputation du Requérant, le Requérant affirme qu’il est raisonnable de conclure que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en pleine connaissance des marques du Requérant.

Le Requérant affirme que le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> est similaire au point de prêter à confusion avec les marques et noms de domaine Schneider Electric.

Il relève de plus que le nom de domaine litigieux pointe vers un site inactif depuis son enregistrement (annexe 6 à la plainte).

B. Défendeur

Le Défendeur n’a formulé aucune réponse à la plainte.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que la Commission administrative statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles d’application et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.

Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver contre le Défendeur cumulativement que:

(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le Requérant a des droits;

(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache; et

(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, il y a lieu de s’attacher à répondre à chacune des trois conditions prévues par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs.

La plainte sera ainsi considérée en se basant sur les déclarations et documents présentés conformément aux Règles d’application et à toute règle et principe juridique applicable, conformément au paragraphe 15(a) desdites Règles d’application.

En l’absence de réponse de la part du Défendeur, la Commission administrative décide, sauf circonstances exceptionnelles, sur la base de la plainte, conformément au paragraphe 14(a) des Règles d’application.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant a établi ses droits sur la marque SCHNEIDER ELECTRIC (annexe 4 à la plainte).

Le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> est manifestement semblable au point de prêter à confusion à la marque SCHNEIDER ELECTRIC du Requérant, l’élément “France” n’étant pas pertinent à cet égard comme le relève à juste titre le Requérant.

Partant, le nom de domaine litigieux prête à confusion à la marque du Requérant.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui, si la Commission administrative considère les faits comme établis au vu de tous les éléments de preuve présentés peuvent constituer, la preuve des droits du Défendeur sur le nom de domaine litigieux ou de son intérêt légitime qui s’y attache. Ces circonstances sont les suivantes:

“(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet; ou

(ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine litigieux sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.”

Le Défendeur, en ne répondant pas à la plainte, n’a pas fait valoir une des circonstances qui auraient pu établir, à teneur du paragraphe 4(c) des Principes directeurs ou autrement, ses droits sur le nom de domaine litigieux ou un intérêt légitime qui s’y attache.

Cela permet dès lors à la Commission administrative d’en tirer les conclusions qu’elle juge approprié selon le paragraphe 14(b) des Règles d’application (cf. Talk City, Inc. c. Michael Robertson, Litige OMPI No. D2000-0009; Isabelle Adjani c. Second Orbit Communications, Inc., Litige OMPI No. D2000-0867).

Il ressort des éléments du dossier – en l’absence de preuves contraires – et comme l’a relevé le Requérant que le Défendeur n’a aucun droit, antérieur ou non, ou autre intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, ni n’a obtenu une quelconque autorisation pour exploiter la marque SCHNEIDER ELECTRIC à titre de nom de domaine.

De plus et en l’absence de preuves contraires, le Défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine litigieux, ni ne fournit des services ou n’a de relations commerciales avec le Requérant.

La Commission administrative considère par conséquent que le Requérant a établi que le Défendeur n’a pas de droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui, pour autant que leur réalité soit constatée par la Commission administrative, établissent la preuve de ce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Une telle preuve est donnée par l’une des circonstances ci-après:

“(i) les faits montrent que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine; ou

(ii) le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique; ou

(iii) le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”

La Commission administrative ne voit aucune circonstance exceptionnelle au sens du paragraphe 14(a) des Règles d’application qui n’aura permis au Défendeur de respecter le délai de réponse fixé. Deux conclusions peuvent être tirées: Le Défendeur ne conteste pas les faits allégués par le Requérant ni ne s’oppose aux conclusions qu’il tire desdits faits.

La Commission administrative a néanmoins le devoir de déterminer lesquels des allégués sont établis en fait et si les conclusions soumises par le Requérant peuvent être tirées desdits faits (cf. Harvey Norman Retailing Pty Ltd c. Oxford-University, Litige OMPI No. D2000-0944).

La Commission administrative fait sien l’allégué du Requérant d’après lequel le Défendeur a procédé à l’enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.

Au regard des pièces communiquées par le Requérant, la Commission administrative constate que la marque SCHNEIDER ELECTRIC jouit d’une certaine renommée en France. Cela étant, il déduit que le Défendeur connaissait ou aurait dû connaître celle-ci au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

L’enregistrement d’un nom de domaine correspondant à une marque connue appartenant à un tiers sans motif légitime peut être considéré comme ayant été effectué de mauvaise foi (cf. NC Numericable c. SARL HTV, M. Hervé Claude Loza, Litige OMPI No. D2014-1363; Goyard St-Honoré c. Domain Admin, Litige OMPI No. D2013-1520; Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c. Ideas unboxed, Litige OMPI No. D2013-1129).

Absente une preuve du contraire, il est par ailleurs établi que le Défendeur fait un usage passif du nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> car il ne pointe vers aucun site actif (annexe 6 à la plainte).

La détention passive d’un nom de domaine ne fait pas obstacle à ce que son usage soit déclaré de mauvaise foi. Le fait que la marque soit connue, l’absence de preuve d’un usage actuel ou futur de bonne foi, et l’absence d’usage du nom de domaine par le défendeur qui ne serait pas illégitime sont des éléments permettant d’établir que l’usage passif d’un nom de domaine peut être constitutif de mauvaise foi (NC Numericable c. SARL HTV, M. Hervé Claude Loza, supra; Air Austral c. WWW Enterprise, Inc., Litige OMPI No. D2004-0765; Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003).

Partant, la Commission administrative considère que le comportement du Défendeur, tel que décrit par le Requérant, dans sa plainte et non contesté par le Défendeur, est constitutif de mauvaise foi au sens des Principes directeurs.

Au vu de ce qui précède, la Commission administrative conclut que le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

Les trois conditions cumulatives prévues au paragraphe 4(a) des Principes directeurs étant réalisées, le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> sera en conséquence transféré au Requérant.

7. Décision

En conséquence, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <schneider-electric-france.com> soit transféré au Requérant.

Christophe Imhoos
Expert Unique
Le 7 juin 2016