Le Requérant est la société Camping La Sardane de Argelès-Sur-Mer, France, représenté par Cabinet Brev&Sud, France.
Le Défendeur est Luc Bonsaint de Grande-Synthe, France.
Le nom de domaine litigieux <campinglasardane.com> est enregistré auprès de ELB Group Inc (ci-après désigné “l’unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Camping La Sardane auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 24 mai 2016. En date du 24 mai 2016, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 25 mai 2016, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant les informations relatives au titulaire du nom de domaine litigieux. Le 27 mai 2016, le Requérant a déposé une plainte amendée.
Le Centre a vérifié que la plainte ensemble avec la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 6 juin 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 26 juin 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 28 juin 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 4 juillet 2016, le Centre nommait Martine Dehaut comme experte dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est une société française, immatriculée le 22 août 1990, ayant pour activité l’exploitation de terrains de camping haut de gamme. Il résulte des informations et pièces communiquées par le Requérant, que ce dernier investit dans des hébergements et équipements de qualité et offre à sa clientèle une variété étendue de services parmi lesquels on compte un espace aquatique, des terrains de sport et des restaurants.
Le Requérant, Camping La Sardane, situé sur la côte roussillonnaise, est bien connu dans le sud de la France.
Le Requérant est titulaire de la marque française nominale CAMPING LA SARDANE n° 4105021 déposée le 11 juillet 2014 et enregistrée le 31 octobre 2014 pour désigner en classe 43 les services en rapport avec son activité. Suivant les données du Requérant, le nom Camping La Sardane est exploitée depuis 1990.
Le Requérant a également réservé le nom de domaine <campinglasardane.fr> le 16 décembre 2009 qui dirige l’internaute vers le site du Requérant où ce dernier présente son offre commerciale.
Le Défendeur est une personne physique qui selon les informations mentionnées dans la fiche WhoIs relative au nom de domaine litigieux, apparaît domicilié dans le nord de la France à Grande-Synthe.
Suite à la réservation du nom de domaine litigieux le 15 janvier 2016, le Requérant a adressé un lettre de mise en demeure au Défendeur le 14 avril 2016. Ce courrier adressé en recommandé avec accusé de réception a été retourné au Requérant avec la mention “Défaut d’accès ou d’adressage.”
Le Défendeur n’a pas répondu à la présente plainte.
Cela étant, il résulte des documents fournis par le Requérant que le nom de domaine litigieux dirige vers un site rédigé en français en relation avec des activités de tourisme, de camping et d’hébergement. Ce site qui ne présente pas d’offres de services propres, comporte néanmoins des bandeaux et encarts publicitaires dirigeants vers des sites concurrents de celui du Requérant.
Selon les copies d’écran communiquées par le Requérant, le site du Défendeur affiche la mention de Copyright suivante “Copyright © 2016 Campinglasardane.com | Flux RSS Camping La Sardane - Avenue du Grau - 66702 Argelès-sur-Mer.”
Le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux est identique ou à tout le moins similaire à la marque CAMPING LA SARDANE, ci-dessus mentionnée, l’extension “.com” n’étant pas un facteur à prendre en compte dans cette appréciation.
Le Requérant affirme que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni intérêt légitime qui s’y attache. Le Requérant s’appuie à cet égard sur les recherches que celui-ci a conduites dans les bases de données de marques, les bases de données répertoriant les noms de domaine, ainsi qu’au registre des sociétés et sur l’Internet, de telles recherches n’ayant révélé aucun droit de propriété intellectuelle ni aucun usage légitime du nom de domaine litigieux au nom du / ou par le Défendeur.
Par ailleurs, selon le Requérant, le nom de domaine litigieux a été réservé et utilisé de mauvaise foi. Le Requérant illustre ici son propos en soumettant des copies d’écran montrant la revendication par le Défendeur sur son site Internet d’un “Copyright” mentionnant l’adresse du Requérant alors même que le Défendeur n’est pas à l’origine de ce site et reproduisant le contenu du site web du Requérant.
Le Requérant estime que de tels agissements démontrent une volonté d’usurper son identité et de créer une confusion dans l’esprit des internautes en se faisant passer pour lui. Selon ce dernier, la mauvaise foi est d’autant plus manifeste que le site Internet accédé par le nom de domaine litigieux comporte des bannières publicitaires renvoyant à des sites concurrents situés géographiquement à proximité du Camping La Sardane du Requérant étant précisé que ces redirections sont sources de gains pour le Défendeur.
Selon les recherches effectuées par le Requérant, le Défendeur est coutumier de ce type d’agissements. Le Requérant relève ainsi la réservation par le Défendeur de plusieurs noms de domaine exploités de manière à créer une confusion avec les marques et/ou sites Internet de tiers.
Le Requérant précise enfin avoir détenu le nom de domaine litigieux dans le passé mais avoir oublié de le renouveler permettant ainsi sa reprise de mauvaise foi par le Défendeur, ce nom bénéficiant d’un degré de connaissance élevé auprès du public dans le domaine du camping.
Compte-tenu des arguments ci-dessus évoqués, le Requérant requiert le transfert à son profit du nom de domaine litigieux.
Le Défendeur n’a pas soumis d’arguments en réponse.
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement:
(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) Le Défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) Le nom de domaine litigieux est enregistré et utilisé de mauvaise foi.
En vertu des Principes directeurs et du paragraphe 11(a) des Règles d’application, la langue de procédure est la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux.
Le Requérant affirme dans sa plainte que la langue du contrat d’enregistrement, à sa connaissance, est l’anglais. Il requiert néanmoins que la procédure se déroule en français et motive à cette fin sa demande.
Toutefois, la Commission administrative n’examinera pas le bien-fondé de cette demande, dans la mesure où l’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux a été réservé, a confirmé que la langue du contrat d’enregistrement était le français justifiant ainsi que la présente procédure se déroule en français.
Le Requérant a justifié de ses droits sur la marque CAMPING LA SARDANE en soumettant la copie de la publication de l’enregistrement de ladite marque en France au Bulletin officiel de la propriété industrielle.
Le nom de domaine litigieux <campinglasardane.com> reprend à l’identique dans sa partie distinctive le signe constituant la marque du Requérant. Cette reprise est de nature à générer un risque de confusion, les internautes étant susceptible d’associer le nom de domaine litigieux à l’entreprise du Requérant.
Le fait que les différents éléments verbaux constituant le nom de domaine litigieux ne soient pas séparés par des espaces est sans incidence sur l’appréciation de l’identité ou similitude prêtant à confusion. De même l’extension générique “.com” ne peut avoir aucune incidence sur l’appréciation de l’identité ou similitude prêtant à confusion. Cette position est conforme à une jurisprudence UDRP bien établie (voir Synthèse des avis de Commissions administrative de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, deuxième édition, “Synthèse, version 2.0”, paragraphes 1.2 et 1.9). On se référera notamment aux décisions Busy Body, Inc. v. Fitness Outlet Inc., Litige OMPI No. D2000-0127 et TPI Holdings, INC v. Carmen Armengol, Litige OMPI No. D2009-0361.
La Commission administrative estime en conséquence que la première condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
La Commission administrative rappelle qu’il appartient au Requérant d’apporter la preuve que le Défendeur ne dispose d’aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
En l’espèce la Commission administrative a pu constater, au vu des pièces communiquées, que le Requérant avait conduit des recherches approfondies dans des bases de données pertinentes qui n’ont pas révélé de marque, de nom de domaine autre que le nom de domaine litigieux, et/ou de nom commercial de nature à démontrer un quelconque droit ou intérêt légitime du Défendeur sur le nom de domaine litigieux.
Tant les affirmations du Requérant que ses recherches constituent des preuves prima facie imposant alors au Défendeur de démontrer les droits ou intérêts légitimes dont il disposerait le cas échéant.
Aucune réponse n’ayant été déposée par celui-ci en vue de contester les allégations du Requérant, la Commission administrative tient la seconde condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs comme remplie.
Cette position est conforme à une jurisprudence bien établie prise en application des Principes directeurs (voir Synthèse, version 2.0, paragraphe 2.1).
En application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, le Requérant est tenu de prouver que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi. Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs donne des exemples non exhaustifs de comportements susceptibles de constituer une telle preuve, tels que:
(i) les faits montrent que le Défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine litigieux essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au Requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine litigieux;
(ii) le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique;
(iii) le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou
(iv) en utilisant ce nom de domaine litigieux, le Défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.
En l’espèce, un faisceau d’éléments concordants permet de conclure à un comportement de mauvaise foi du Défendeur et en particulier les éléments suivants :
- La reproduction au sein du nom de domaine litigieux <campinglasardane.com> de la marque CAMPING LA SARDANE du Requérant et ce afin de diriger l’internaute vers un site Internet dont le contenu reproduit les textes et photographies du site web du Requérant comme en atteste les copies d’écran annexées à la plainte. La Commission administrative a pu également constater que le Défendeur avait porté sur les pages de son site web une mention de “copyright ” reprenant l’adresse du Requérant manifestant ainsi une volonté d’induire l’internaute en erreur en usurpant l’identité de celui-ci.
- La mise en place de liens sur le site Internet accédé par le nom de domaine litigieux dirigeant l’internaute vers des sites concurrents alors même que sont reproduites les photos du Camping de la Sardane du Requérant; de tels agissements manifestent la volonté du Défendeur de tirer profit de la réputation du Requérant afin de détourner les internautes vers d’autres sites Internet de camping et ce à des fins lucratives, grâce à la rémunération que génère chaque clic.
- La communication d’une fausse adresse comme en attestent les mentions portées sur l’enveloppe du courrier de mise en demeure retourné au Requérant : “Défaut d’accès ou d’adressage.”
- La réitération du comportement litigieux du Défendeur démontrée par le Requérant au travers de la réservation par le Défendeur de plusieurs noms de domaine qui reproduisent des marques des tiers et leur exploitation en relation avec des sites Internet très voisins des sites légitimes des tiers.
- L’absence de réponse du Défendeur à la présente plainte afin de contester les allégations du Requérant.
Ce faisceau d’éléments concordants est suffisant à la Commission administrative, pour considérer que le nom de domaine litigieux <campinglasardane.com> a été réservé et exploité de mauvaise foi en vue de générer un risque de confusion avec la marque du Requérant et ce à des fins lucratives.
Cette appréciation est conforme à une jurisprudence UDRP bien établie (Synthèse, version 2.0, paragraphe 3.2). On se référera ici à la décision Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003.
En conséquence, la Commission administrative est d’avis qu’il est satisfait à la troisième condition posée au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les motifs ci-dessus exposés et conformément au paragraphe 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine litigieux <campinglasardane.com> au Requérant.
Martine Dehaut
Expert Unique
Le 18 juillet 2016