Les Requérantes sont Nomura International Plc, Londres, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (“Royaume-Uni”), et Nomura Holdings, Inc., Tokyo, Japon, représentées par Wildbore & Gibbons, Royaume-Uni.
Le Défendeur est Global Domain Privacy, Bergamo, Italie / Nicolas Decarli, La Tour-du-Pin, France.
Le nom de domaine litigieux <nomura-bank.com> est enregistré auprès de Register.IT SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte en anglais a été déposée par Nomura International Plc / Nomura Holdings, Inc. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 27 juillet 2016.
En date du 27 juillet 2016, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par les Requérantes. Le 28 juillet 2016, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte et notant que le français était la langue du contrat d’enregistrement des noms de domaine litigieux.
Le 16 août 2016, le Centre a envoyé un courrier électronique aux Requérantes avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant les Requérantes à soumettre un amendement à la plainte.
Ce même 16 août 2016, l’Unité d’enregistrement ayant indiqué que la langue du contrat d’enregistrement était le français, le Centre a également envoyé un avis aux parties, invitant les Requérantes soit à fournir la preuve d’un accord, entre les Requérantes et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en anglais, soit à déposer une plainte traduite en français, soit à déposer une demande afin que l’anglais soit la langue de la procédure.
Le 26 août 2016, les Requérantes ont déposé une plainte amendée en français et une demande afin que la procédure administrative se déroule en français. Le Défendeur ne s’est pas prononcé sur cette requête.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 29 août 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 18 septembre 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 19 septembre 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 22 septembre 2016, le Centre nommait Philippe Gilliéron comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Les Requérantes font partie du même groupe Nomura, lequel fournit des prestations dans le domaine des services bancaires et financiers. Les Requérantes sont titulaires de très nombreuses marques composées du terme “NOMURA”, que ce soit sous une forme verbale ou de manière stylisée, en de nombreux pays du globe.
Les Requérantes déploient leurs activités en ligne au travers de très nombreux noms de domaine, dont le principal est <nomura.com>.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <nomura-bank.com> le 16 février 2016.
Le site rattaché audit nom de domaine reprend la charte graphique officielle des Requérantes au point de faire apparaître le site en question comme le site officiel des Requérantes, allant jusqu’à reproduire la mention “Copyright 2008-2015 Nomura Bank. All Rights Reserved”.
La page d’accueil permet aux utilisateurs de créer un compte en ligne en fournissant leur adresse électronique, leur nom et leur numéro de téléphone, tandis qu’une autre page du même site permet aux visiteurs de se connecter à leur compte en ligne. Le site en question référence correctement l’adresse de l’un des établissements Nomura à Londres et mentionne une adresse “…@nomura-bank.com” dont il est avéré qu’elle a fréquemment été utilisée par des internautes ayant été induits en erreur et s’étant retrouvé en contact avec de prétendus employés des Requérantes.
Un rapport établi par un agence tierce a conclu à ce que (i) le domaine litigieux offrait des services semblables voire équivalents à ceux offerts par les Requérantes et ses sociétés affiliées, (ii) que le contenu du site démontre la volonté d’induire en erreur les utilisateurs, et que (iii) il existe une véritable possibilité que le site soit utilisé pour cibler des investisseurs susceptibles de se faire piéger sur des opérations d’entre EUR 500 à EUR 200.000.
Les Requérantes font tout d’abord valoir le fait que le nom de domaine <nomura-bank.com> prête à confusion avec les marques NOMURA dont elles sont l’une ou l’autre titulaire, l’adjonction du terme “bank” n’étant pas propre à exclure le risque de confusion résultant de la reprise de leurs marques, bien au contraire puisqu’elle renforce un tel risque en se référant à l’industrie bancaire au sein de laquelle les Requérantes sont actives.
Les Requérantes arguent le fait que le Défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine, dès lors qu’elles n’ont jamais autorisé le Défendeur à exploiter leurs marques et que le nom de domaine litigieux n’est pas utilisé en relation avec une offre de services de bonne foi, bien au contraire puisque le site est délibérément utilisé pour tromper les utilisateurs au travers d’un site web de hameçonnage.
Les Requérantes font enfin valoir le fait que l’enregistrement du nom de domaine <nomura-bank.com> pour le rattacher à un site web de hameçonnage constitue à l’évidence un enregistrement et une utilisation de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments des Requérantes.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir:
(i) si les noms de domaine sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la requérante a des droits; et
(ii) si le défendeur n’a aucun droit ou un intérêt légitime sur les noms de domaine; et
(iii) si le défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine de mauvaise foi.
Selon le paragraphe 4(a)(i), les Requérantes doivent démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle les Requérantes ont des droits.
En l’espèce, il est établi que les Requérantes sont titulaires de nombreuses marques résidant en le terme NOMURA.
Il est largement admis que le fait de reprendre à l’identique la marque d’un tiers dans un nom de domaine peut suffire à établir que ce nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle la partie requérante a des droits.
Cela vaut d’autant plus lorsque la marque constitue l’élément prédominant du nom de domaine litigieux, et que l’élément ajouté constitue un terme descriptif.
Ainsi en va-t-il en l’espèce. L’adjonction du terme “bank” est impropre à écarter le risque de confusion résultant de la reprise pure et simple par le Défendeur de la marque des Requérantes comme élément principal des noms de domaine litigieux ; l’adjonction de ce terme ne fait au contraire que renforcer ce risque auprès des internautes en se référant précisément à l’industrie dans laquelle les Requérantes sont actives.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), les Requérantes doivent démontrer que le Défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Dans la décision Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624, la commission administrative a considéré que, s’agissant d’un fait négatif presque impossible à démontrer, à partir du moment où le requérant a allégué que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime en relation avec le nom de domaine, c’est au défendeur qu’il incombe d’établir l’existence de ses droits. Partant, il suffit que le requérant établisse prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime pour renverser le fardeau de la preuve et laisser le défendeur le soin d’établir ses droits. A défaut, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs (voir le paragraphe 2.3 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, deuxième édition, “Synthèse, version 2.0”).
Tel est le cas en l’espèce. Les Requérantes ont allégué n’avoir jamais consenti de droit ni d’autorisation au Défendeur en relation avec l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine reprenant sa marque. Or, le Défendeur ne fournit aucune explication quant au choix du nom de domaine litigieux. En l’absence d’une quelconque explication, force est d’admettre que le Défendeur n’a apporté aucun élément à même de démontrer un droit ou à tout le moins un intérêt légitime sur ledit nom de domaine.
Partant, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(iii), les Requérantes doivent démontrer que le Défendeur a enregistré et qu’il utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
L’enregistrement de mauvaise foi présuppose que le Défendeur connaissait la marque des Requérantes. En l’espèce, il est manifeste que le Défendeur connaissait les marques des Requérantes, puisque le site rattaché au nom de domaine <nomura-bank.com> reproduit à l’identique la charte graphique des sites officiels des Requérantes, n’hésitant pas à en reprendre l’attribution du copyright et faisant mention de l’adresse correcte de l’une des sociétés affiliée aux Requérantes à Londres.
Les Requérantes ont clairement démontré, échanges d’emails et rapport à l’appui, que le site rattaché au nom de domaine litigieux était utilisé à des fins de hameçonnage. Il est évident qu’une telle utilisation, frauduleuse, ne peut être que qualifiée de mauvaise foi comme l’ont du reste retenu de nombreuses Commissions administratives (voir parmi d’autres: Aperam SA c. Patrice Dorélon, French Connexion Sàrl dba Domain.fr/Nadège Choplin, Litige OMPI No. D2014-1659).
Partant, la Commission administrative considère que le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est également réalisé.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <nomura-bank.com> soit transféré à Nomura International Plc.
Philippe Gilliéron
Expert Unique
Le 1er octobre 2016