Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG contre Sophien Douga

Litige No. D2016-1719

1. Les parties

Le Requérant est Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG de Stuttgart, Allemagne, représenté par Lichtenstein, Körner & Partners, Allemagne.

Le Défendeur est Sophien Douga de Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <porsche.paris> est enregistré auprès de Gandi SAS (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte en anglais a été déposée par Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 24 août 2016. En date du 24 août 2016, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 25 août 2016, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige et notant que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est le français. Le 26 août 2016, le Centre a envoyé un avis aux parties, invitant le Requérant à fournir soit la preuve d’un accord, entre le Requérant et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en anglais; soit déposer une plainte traduite en français; soit déposer une demande afin que l’anglais soit la langue de la procédure. Le Défendeur a également été invité à fournir des arguments à cet égard. Le 31 août 2016, le Défendeur a soumis une communication demandant que la procédure administrative se déroule en français. Le 6 septembre 2016, le Requérant a déposé la plainte traduite en français.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 7 septembre 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 27 septembre 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse.

En date du 3 octobre 2016, le Centre nommait J. Nelson Landry comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est, depuis plus de 70 ans, un fabricant de voitures automobiles commercialisées sous la marque de commerce PORSCHE, laquelle est enregistrée sous deux enregistrements au niveau international respectivement en 1954 et 1982 en, inter alia, Italie et en France et également un enregistrement communautaire en 2000 en liaison avec divers biens et services. De plus, la même marque PORSCHE est enregistrée en Allemagne depuis 1953, aux États-Unis depuis 1956 et au Canada depuis 1960 (ci-après la Marque PORSCHE).

Le Défendeur est propriétaire d’une agence de relations publiques de communication sous le nom “EX.COMMUNICATION” et possède deux entreprises de dépannage à Paris et à Montpellier, proposant sur ses sites Internet des services de réparation dans les secteurs de la plomberie, du chauffage, des fenêtres et de l’électricité. Avec un numéro de téléphone unique associé à ses activités, il fait une grande promotion sur le web à travers une quarantaine de sites Internet associés à des dizaines de noms de domaine différents dont <artisanurgence.com>, <serrurierparisneufpascher.com>, <plombierparis2eme.com>, <depannage-electrique-urgence.com> et <conseilenbricolage.com> ainsi que plusieurs noms de domaine semblables à ceux ci-dessus se distinguant par l’incorporation d’un nom de quartier différent à Paris, tel <plombierparis2eme.com>.

Le Défendeur se sert abondamment de ses sites web et ainsi que Facebook et Twitter pour faire ses publicités sous forme de dizaines de messages identiques, tous diffusant le numéro de téléphone unique de sa société de services de réparation.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 2 décembre 2014. Au début du mois de février 2015, le Requérant qui désirait enregistrer le nom de domaine litigieux a constaté qu’il n’était plus disponible à l’enregistrement et a constaté que le site Internet associé au nom de domaine litigieux redirigeait, à cette période, les visiteurs vers la page d’un prestataire de services de parking.

Donnant suite à son intérêt de vérifier la détention passive du nom de domaine litigieux, le Requérant constate, le 13 août 2015, que le statut du nom de domaine litigieux et du site Internet avec le prestataire du service de parking n’avait pas changé.

Afin d’avoir davantage d’informations, le Requérant a localisé les données d’enregistrement du nom de domaine litigieux sur l’annuaire Whois et il a essayé de communiquer avec le Défendeur en utilisant le numéro de téléphone qui y était noté. Cette tentative d’appel le 31 août 2016 a échoué, le numéro n’étant plus attribué. Ayant localisé le numéro du Défendeur sur un site à cet effet, <artisandurgence.com>, le Requérant a réussi à parler au Défendeur qui a admis avoir enregistré le nom de domaine litigieux et sans expliquer ses intentions, a mentionné simplement le “blog” lié aux voitures Porsche. Sur la demande du Requérant quant à sa disposition à transférer le nom de domaine litigieux à ce dernier, le Défendeur a simplement déclaré qu’il allait s’adresser à un avocat et communiquer avec le représentant du Requérant le lendemain. Le Défendeur n’a jamais rappelé.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Du fait que le nom de domaine litigieux comprend la Marque PORSCHE et que, à cet égard, les deux sont identiques, le Requérant soumet que le nom de domaine litigieux est identique sans commenter la présence du suffixe “.paris”.

Relativement à l’absence de droit sur le nom de domaine litigieux et d’intérêts légitimes qui s’y rattachent de la part du Défendeur, le Requérant soumet qu’il n’y a jamais eu de relations d’affaires de sa part avec le Défendeur et que ce dernier n’est pas généralement connu sous le nom de domaine litigieux. Le Requérant soumet de plus que le Défendeur qui opère deux entreprises de dépannage, plutôt que d’utiliser le nom de domaine litigieux de façon non commerciale, ce dernier redirige les visiteurs internautes vers un site où le Défendeur vante ses compétences en matière de création de sites Internet et fait la promotion de plateformes de vente de voitures d’occasion et représente que de cette façon, le Défendeur se fait ainsi passer pour le Requérant de par l’utilisation du nom de domaine litigieux suggérant clairement que le site est détenu et exploité par le Requérant.

Le Requérant observe et soutient que le Défendeur ne fait aucun effort pour se démarquer clairement du Requérant mais a plutôt créé un site d’apparence officielle en utilisant la Marque PORSCHE et note qu’il fait référence à divers sites Internet officiels soit exploités, soit autorisés par le Requérant. De plus, ce dernier observe que le Défendeur n’exprime rien à l’égard d’autres entrepreneurs ou sociétés d’affaires, ceci confirmant son intention de tirer profit de la valeur et de la renommée de la Marque du Requérant.

Le Requérant conclut donc que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache.

Le Requérant allègue de par les faits préalablement mentionnés que le Défendeur connaissait très bien le nom et la Marque PORSCHE du Requérant, celui-ci résidant à Paris ou le Requérant opère six Centres PORSCHE et qu’il était conscient de sa très grande valeur. Plutôt que de répondre à la question du représentant du Requérant sur sa disposition à transférer le nom de domaine litigieux, le Requérant soumet que le Défendeur préfère attendre et recevoir du Requérant une offre d’achat du nom de domaine litigieux à un prix supérieur aux frais d’enregistrement de ce dernier et enfin le Défendeur a ainsi empêché le Requérant d’enregistrer le nom de domaine litigieux incorporant sa Marque PORSCHE notoire.

Le Requérant conclut que par ses activités, le Défendeur a empêché celui-ci d’utiliser sa Marque de commerce notoire pour enregistrer un nom de domaine comprenant le suffixe “.paris”. Le Requérant représente que l’examen du site du Défendeur à l’adresse du nom de domaine litigieux montre un simulacre de blog comprenant images, textes et espace de laisser-croire d’impression d’intérêts légitimes; cependant ils ne résistent pas à l’examen qui démontre que le site du Défendeur aurait été activé à la hâte en septembre 2015. Le visiteur ne trouve aucune information sur le propriétaire du site alors que ce dernier cherche à montrer une exploitation autorisée par le Requérant.

La page d’accueil avec diverses rubriques “Modèles, Sport et Événements”, ne comprenait aucun lien actif mais redirigeait le visiteur vers des plateformes commerciales de voitures d’occasion ainsi que deux liens vers des sites Internet autorisés par le Requérant, de nature à renforcer une apparence de site Internet officiel du Requérant.

L’emploi du mauvais terme “porshe.paris” démontre un ouvrage bâclé. D’autres exemples se retrouvent dans la page d’accueil qui prétend rediriger les visiteurs vers des sections consacrées aux différents modèles de voitures PORSCHE, avec nom de modèle et photographies. Cependant, le Requérant relève des erreurs d’association dont la rubrique sur le modèle Boxter représenté par une photographie du modèle 356.

Relativement à la section “blog” l’examen du site du Défendeur montre que le contenu n’a pas changé depuis ses débuts, six des sept entrées remontent à septembre 2015, période où il a été mis en ligne et que certains traitent d’une période antérieure à la création du site en septembre 2015. Par la suite le visiteur ne constate que trois courts articles en 2016, ce qui démontre le caractère fictif du site web et du blog avec un contenu banal de ce que le Requérant considère être de faux participants, le tout dans le but de laisser croire aux visiteurs Internet qu’ils visitent un site du Requérant ou d’une personne ou société associée au Requérant, démontrant ainsi une absence d’intérêts légitimes et un emploi de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.

6. Discussion et conclusions

6.1. Langue de la procédure

Le Requérant ayant déposé une Plainte en langue anglaise au Centre d’arbitrage et ayant reçu de ce dernier l’information que le contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux avant été fait en langue française, et ainsi informé qu’il devrait présenter, avec faits à l’appui, une demande lui permettant de présenter sa Plainte en anglais, s’est rendu à l’invitation du Centre et a produit une version de la Plainte traduite en langue française. La Commission administrative, informée du fait que l’enregistrement du nom de domaine litigieux avait été fait en langue française, que le Défendeur a demandé que la procédure ce déroule en français et pris acte de la production d‘une Plainte traduire en française par le Requérant, détermine que la présente procédure serait effectuée en langue française.

6.2. Sur le fond

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant a clairement établi ses droits d’enregistrement de la Marque PORSCHE tant à l’international que dans de nombreux pays et sa notoriété de par son utilisation et sa promotion depuis au moins 1953, la Commission administrative remarque que la Marque PORSCHE est entièrement reproduite dans le nom de domaine litigieux et note qu’il est depuis longtemps établi dans les décisions UDRP que l’ajout d’un suffixe tel “.paris” dans le présent cas, ne diminue en rien le caractère d’identité entre la Marque PORSCHE et le nom de domaine litigieux et détermine donc que le nom de domaine litigieux prête à confusion avec la Marque PORSCHE du Requérant.

La Commission administrative retient que le premier critère posé au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est rempli.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le Requérant s’est acquitté de son fardeau prima facie de démontrer que le Défendeur n’avait ni droits ni intérêts légitimes dans le nom de domaine litigieux en affirmant qu’il n’y avait aucune relation d’affaires avec le Défendeur et que ce dernier n’était nullement connu ou antérieurement associé au nom PORSCHE. De plus, le Requérant a clairement démontré que le Défendeur utilise le site web à l’adresse du nom de domaine litigieux pour faire la promotion de ses compétences en création de sites Internet et la promotion de plateformes de vente de voitures d’occasion, donc utilisant ainsi le site à des fins commerciales.

Enfin, la Commission administrative constate dans le site du Défendeur l’impression d’apparence de site web officiel pour les voitures PORSCHE alors qu’il n’a aucune relation d’affaires, ni licence, de la part du Requérant et conclut que ces agissements du Défendeur démontrent de la part de ce dernier une absence de droits ou d’intérêts légitimes dans le nom de domaine litigieux. La Commission administrative détermine donc que le Requérant a clairement démontré que le Défendeur n’a ni droit ou intérêt légitime dans le nom de domaine litigieux.

La Commission administrative retient que le deuxième critère posé au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est rempli.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Les Principes directeurs régissant le règlement uniforme de litiges relatifs aux noms de domaine stipulent dans la section 4 Procédure administrative obligatoire, les éléments de preuve à démontrer relativement à l’enregistrement et l’utilisation de mauvaise de mauvaise foi, notamment:

4(b)(iii) “en utilisant de nom de domaine, vous avez sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne vous appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de votre site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé”.

La Marque PORSCHE enregistrée et utilisée depuis 60 ans tant au plan international que dans plusieurs pays dont la France, les États-Unis et autres, jouit d’une très grande renommée et de plus, le fait que le Requérant exploite six Centres PORSCHE dans la région parisienne où réside le Défendeur et le nombre de représentations relativement aux voitures PORSCHE, leurs ventes, entretien et réparations annoncés sur le site web du Défendeur à l’adresse du nom de domaine litigieux ne laissent aucun doute pour la Commission administrative sur la connaissance de la Marque PORSCHE et des produits y associés de la part du Défendeur au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux en décembre 2014. Considérant également qu’il n’y a aucune relation d’affaires entre le Requérant et le Défendeur ni autorisation ou licence du Requérant à l’égard de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, la Commission administrative détermine que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi.

Il appert de la preuve que c’est lorsque le Requérant a voulu enregistrer le nom de domaine <porsche.paris> en février 2015 qu’il a constaté l’enregistrement préalable du nom de domaine litigieux, le privant ainsi de son droit d’enregistrer un nom de domaine comprenant sa Marque PORSCHE de grande renommée. Ceci semble être le seul cas connu selon la preuve produite.

Le Requérant démontre bien que l’emploi non autorisé du nom de domaine litigieux par le Défendeur pour faire la promotion de ses diverses activités de dépannage et la création de sites Internet laisse croire au visiteur Internet une association avec le Requérant. La Commission administrative détermine que le Défendeur a fait un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux en laissant croire également qu’il avait une relation d’affaires avec le Requérant en créant une grande probabilité de confusion avec la Marque PORSCHE du Requérant en ce qui concerne au moins l’affiliation de son site ou espace Web. Cet aspect est d’autant plus confirmé qu’en aucune façon le Défendeur ne s’identifie sur le site web et que de plus, le numéro de téléphone donné lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux est inexistant ou est devenu inactif rapidement lorsque le Requérant a essayé de communiquer avec le Défendeur dès le début de février 2015.

Les représentations pertinentes du Requérant relativement au contenu soit superficiel, soit erroné en partie, du site du Défendeur témoignent, selon la Commission administrative, du comportement de mauvaise foi du Défendeur dans l’emploi superficiel, comprenant des erreurs et le fait d’empêcher le Requérant d’enregistrer le nom de domaine même s’il n’y a pas de preuve de cyber squattage ou d’autres instances d’empêchement semblable par le Défendeur à l’égard d’autres titulaires de marques de commerce.

La Commission administrative détermine donc que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

La Commission administrative retient que le troisième critère posé au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est rempli.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <porsche.paris> soit transféré au Requérant.

J. Nelson Landry
Expert Unique
Le 15 octobre 2016