Le Requérant est CGE Distribution de Montrouge, France, représenté par Vaughan Avocats, France.
Le Défendeur est Admin Contact / Marie Cruchet, dont l’adresse renseignée est située en France.
Le nom de domaine litigieux <cged-hardware.com> est enregistré auprès de PSI-USA, Inc. dba Domain Robot (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par CGE Distribution auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 11 octobre 2016. En date du 12 octobre 2016, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 14 octobre 2016, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 14 octobre 2016, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte/une plainte amendée. Le 17 octobre 2016, le Centre a notifié aux parties, en anglais et en français, que la langue du contrat d’enregistrement relatif au nom de domaine litigieux est l’anglais. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 19 octobre 2016. En outre, le Requérant a demandé, dans la plainte amendée, à ce que le français soit la langue de la procédure, requête à laquelle le Défendeur n’a opposé aucune observation.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités. Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 26 octobre 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en français et en anglais. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 novembre 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 16 novembre 2016, le Centre notifiait les parties que le Centre procéderait à la nomination de la commission administrative.
En date du 24 novembre 2016, le Centre nommait Nathalie Dreyfus comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
En date du 30 novembre 2016, après avoir pris connaissance de la Plainte et des pièces soumises par le Requérant, la Commission administrative a noté que le Requérant a affirmé dans la plainte que “la société CGED a déposé plainte avec constitution de partie civile contre X le 18/02/2016 auprès du TGI de Nanterre pour des faits, notamment, d’escroquerie et pour des faits de contrefaçon de marque, d’escroquerie, d’usurpation d’identité et le 21/10/2015 auprès du TGI de Bordeaux pour faux et usage de faux”. En conséquence, la Commission administrative a ordonné que le Requérant divulgue tout document relatif aux actions judiciaires intentées contre le Défendeur, au plus tard le 7 décembre 2016, et que le Défendeur présente ses observations et commentaires, au plus tard le 9 décembre 2016.
En date du 2 décembre, le Requérant a divulgué les plaintes avec constitution de partie civile précitées, respectivement déposées les 13 mai et 15 octobre 2016. Le Défendeur n’a présenté aucune observation.
Le Requérant est CGE Distribution, une société française distribuant du matériel électrique détenue par la société Sonepar France Interservices (“Sonepar”). Le Requérant est titulaire de la marque française semi-figurative CGED (et logo) n° 3935259 représentée ci-dessous, enregistrée le 9 novembre 2012 en classes 16, 35, 38, 41 et 42 au nom de la société Sonepar et cédée dans sa totalité au Requérant en date du 8 décembre 2014.
Le Requérant est présent sur l’Internet par le biais du sous-domaine <cged.sonepar.fr> du nom de domaine <sonepar.fr>, réservé au nom de la société Sonepar.
Le Défendeur est Marie Cruchet, dont l’adresse renseignée est située en France.
Le Défendeur a réservé le nom de domaine litigieux <cged-hardware.com> en date du 15 juin 2015.
Le nom de domaine litigieux pointe vers un site Internet en cours de construction. Le nom de domaine litigieux est utilisé par le Défendeur à travers les adresses e-mail […]@cged-hardware.com et […]@cged-hardware.com dans le cadre de communications électroniques effectuées au nom de “CGE DISTRIBUTION”.
Le Requérant allègue en premier lieu que le nom de domaine litigieux est suffisamment proche de sa marque CGED pour engendrer un risque de confusion eu égard aux produits et services sur lesquels le Requérant a des droits.
Le Requérant poursuit en indiquant que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux en ce que celui-ci est utilisé pour effectuer des commandes au nom du Requérant, laissant légitimement croire aux destinataires des courriels litigieux que ces derniers proviennent du Requérant.
Enfin, le Requérant conclut en précisant que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi en ce que les adresses e-mail reliées au nom de domaine litigieux ont été volontairement paramétrées par le Défendeur afin d’induire en erreur les destinataires des courriels envoyés à partir desdites adresses e-mail quant à l’identité et aux fonctions de l’expéditeur.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le paragraphe 11(a) des Règles d’application prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d’enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.
En l’espèce, l’Unité d’enregistrement a informé le Centre que la langue du contrat d’enregistrement était l’anglais. Or, le Requérant a demandé que la langue de la procédure soit le français compte tenu de l’identité, la nationalité et le lieu de résidence des parties. Le Requérant invoque de surcroît, à l’appui de sa requête, des courriels rédigés en langue française par le Défendeur ainsi qu’un préjudice subi sur le territoire français. Il appartient donc à la Commission administrative de se prononcer sur la langue de la procédure conformément aux dispositions du paragraphe 11 des Règles d’application.
La Commission administrative relève que le Requérant est une entreprise française et que le Défendeur a renseigné une adresse en France. Par ailleurs, le nom de domaine litigieux a notamment servi à générer une adresse électronique au nom de François Janin (patronyme très français) qui se présente dans sa signature comme “Responsable Achats de CGE Distribution”. Enfin, le Défendeur, taisant, n’a nullement objecté à cette demande. Il sera donc fait droit à la demande du Requérant quant à l’usage du français comme langue de la procédure administrative (voir sur ce point Sopra Group c. Boris Gazoil, Litige OMPI No. D2014-0900; Secalt c. David Collins, Litige OMPI No. D2009-0899).
Les plaintes avec constitution de partie civile précitées ont respectivement été déposées par le Requérant les 13 mai et 15 octobre 2016 soit, pour la première, antérieurement à la présente procédure administrative et, pour la seconde, au cours de la présente procédure administrative.
Le paragraphe 18(a) des Règles d’application prévoit qu’en cas de procédures judiciaires commencées avant ou pendant une procédure administrative concernant un litige sur un nom de domaine faisant l’objet d’une plainte, la Commission administrative devra décider à sa discrétion s’il faut suspendre ou clore la procédure, ou bien s’il faut rendre une décision.
Sur la base des nouvelles pièces fournies par le Requérant, la Commission administrative estime que les procédures judiciaires engagées par le Requérant ne portent qu’indirectement sur le nom de domaine litigieux et que leur issue sera sans influence sur le statut de celui-ci (voir sur ce point Western Florida Lighting, Inc. c. Samantha Rodriguez, SamiRami, SESCO Lighting, Inc., and Cynthia Parker-Chilemmi, Litige OMPI No. D2008-1122).
Par conséquent, la Commission administrative décide de ne pas suspendre la procédure et de rendre la présente décision.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par celui- ci, à savoir :
(i) si le nom de domaine litigieux est identique à une marque de produit ou de service appartenant au Requérant ou suffisamment proche pour engendrer la confusion ; et
(ii) si le Défendeur n’a pas un droit ou un intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine litigieux ; et
(iii) si le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Le Requérant a établi être titulaire de la marque CGED (and logo) représentée ci-dessus (point 4) et jointe en annexes de la plainte.
La Commission administrative constate que le nom de domaine litigieux reproduit dans son intégralité l’élément verbal de la marque du Requérant suivi d’un trait d’union et du terme “hardware”. Or, l’ajout de termes descriptifs à une marque distinctive n’empêche pas un nom de domaine d’être similaire au point de créer une confusion avec la marque du Requérant (voir sur ce point La Poste c. Beurre Leger, Litige OMPI No. D2012-2146). Le terme “hardware” vient au contraire renforcer le risque de confusion avec les marques du Requérant puisqu’il renvoie immédiatement à l’activité de ce dernier (voir sur ce point Gunnebo France c. Fichet Alain, Litige OMPI No. D2016-0920). De même, la présence d’un trait d’union entre les termes “cged” et “hardware”, ainsi que du suffixe “.com” correspondant à l’extension générique du nom de domaine litigieux, n’est pas de nature à dissiper le risque de confusion (voir sur ce point Crédit Agricole S.A. c. Robert Hammond, Litige OMPI No. D2016-1041).
Au regard de ces éléments, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est suffisamment proche de la marque du Requérant pour engendrer un risque de confusion et, partant, que la condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est par conséquent remplie.
La Commission administrative considère que l’utilisation faite par le Défendeur du nom de domaine litigieux pour effectuer des commandes au nom du Requérant, laissant légitimement croire aux destinataires des courriels litigieux que ces derniers proviennent du Requérant, ne peut traduire un usage du nom de domaine litigieux en lien avec une offre de biens ou de services de bonne foi, ce qui n’est pas contesté par le Défendeur. En tout état de cause, la Commission administrative estime que le fait de s’identifier sous une fausse identité va à l’encontre de tout intérêt légitime (voir sur ce point Sopra Group c. Boris Gazoil, supra).
Enfin, la Commission administrative conclut du silence du Défendeur que ce dernier n’est pas connu par le nom de domaine litigieux et n’a pas été autorisé par le Requérant à utiliser sa marque ou à réserver le nom de domaine litigieux (voir sur ce point Dulong Calvet c. Whois Privacy Protection Service Inc., Whois Agent / Angel Feelings, Litige OMPI No. D2016-0928).
Au regard de ces éléments, la Commission administrative considère que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux et, partant, que la condition du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est par conséquent remplie.
La Commission administrative estime que la création et l’utilisation d’adresses e-mails reliées au nom de domaine litigieux, à des fins d’usurpation d’identité du Requérant dans le cadre de la réalisation de commandes, sont constitutives d’un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux en ce qu’elles ont pour unique objectif de générer une confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne l’origine des courriels émanant des adresses e-mail créées à partir du nom de domaine litigieux. La Commission administrative en déduit que le Défendeur avait nécessairement connaissance de la marque du Requérant lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux en ce que ledit enregistrement constituait la première des manœuvres frauduleuses du Défendeur destinées à usurper l’identité du Requérant (voir sur ce point Dulong Calvet c. Whois Privacy Protection Service Inc., Whois Agent / Angel Feelings, supra). La Commission administrative considère que les pièces fournies par le Requérant dans le prolongement de l’Ordonnance de la Commission administrative, attestant que des actions judiciaires sont en cours à l’encontre du Défendeur, confirment que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.
Bien que cela ne soit pas démontré par le Requérant, il importe peu que le nom de domaine litigieux renvoie vers un site Internet en construction. En effet, compte tenu des circonstances décrites ci-avant et du silence du Défendeur, la détention passive du nom de domaine litigieux constitue un usage de mauvaise foi (voir sur ce point Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003).
Au regard de ces éléments, la Commission administrative considère que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi et, partant, que la condition du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est par conséquent remplie.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <cged-hardware.com> soit transféré au Requérant.
Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 12 décembre 2016