Le Requérant est Figaro Classifieds, de Paris, France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Bernard Elkeslassy, de Paris, France.
Le nom de domaine litigieux <explorimmo.immo> est enregistré auprès d' eNom, Inc. (ci-après désigné "l'Unité d'enregistrement").
Une plainte a été déposée par Figaro Classifieds auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 3 novembre 2016. En date du 3 novembre 2016, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 3 novembre 2016, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige. Le 4 novembre 2016, le Centre a notifié les parties, en anglais et en français, que la langue du contrat d'enregistrement est l'anglais. Le 7 novembre 2016, le Requérant a demandé à ce que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur n'a pas émis de commentaires concernant cette demande.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 17 novembre 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur.
Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 7 décembre 2016. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 8 décembre 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur. Le Défendeur a également fait parvenir un email au Centre le 13 décembre 2016.
En date du 19 décembre 2016, le Centre nommait Louis-Bernard Buchman comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Le Requérant est une filiale du Groupe Figaro, et est le leader du marché des annonces immobilières en France, avec 60 millions d'euros de chiffre d'affaire et 3,5 millions de visiteurs uniques par mois sur ses sites.
Le Requérant est notamment titulaire de la marque française EXPLORIMMO, déposée auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, enregistrée le 27 avril 2000 sous le numéro 3024712 (ci-après désignée : "la Marque").
Le Requérant est également titulaire de nombreux noms de domaine incluant l'élément EXPLORIMMO, dont le nom de domaine <explorimmo.com>.
Le nom de domaine litigieux <explorimmo.immo> a été enregistré par le Défendeur le 7 octobre 2016, et pointait vers une page de parking de l'unité d'enregistrement Amen.fr.
(i) Le Requérant dispose d'un droit sur la Marque.
(ii) Le nom de domaine litigieux contient la Marque.
(iii) Le nom de domaine litigieux porte atteinte aux droits dont est titulaire le Requérant, en ce qu'il imite la Marque, et est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit des internautes en leur laissant croire que le Requérant est lié au site Internet auquel renvoie le nom de domaine litigieux.
(iv) Le Défendeur n'a jamais été autorisé par le Requérant à utiliser la Marque à quelque titre que ce soit. Le Défendeur ne peut justifier d'aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
(v) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux et n'en fait aucun usage direct, il l'utilise de mauvaise foi en empêchant le Requérant d'exercer ses droits sur l'expression EXPLORIMMO.
(vi) Le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.
Le Défendeur n'a pas répondu aux arguments du Requérant. Toutefois, dans sa communication au Centre du 13 décembre 2016, il fait valoir (en français) que le nom de domaine litigieux était disponible, qu'il l'a payé et qu'il n'avait aucune intention de nuire à qui que ce soit.
L'Unité d'enregistrement a indiqué que le contrat d'enregistrement du nom de domaine litigieux était en langue anglaise. En ce qui concerne la langue de la procédure, le Requérant fait valoir que le Défendeur est basé en France, que le contenu du site Internet vers lequel pointe le nom de domaine litigieux est en langue française, que le Défendeur a une connaissance approfondie de la langue française, et que la langue française devrait être choisie comme langue de la procédure. Le Défendeur ne s'est pas opposé à cette demande. La Commission administrative relève que les affirmations du Requérant sont corroborées par le fait que la communication du Défendeur du 13 décembre 2016 dénote une bonne connaissance de la langue française et que son adresse de messagerie, […]@gmail.com, laisse aussi penser à un titulaire de langue française. La Commission administrative estime que choisir une autre langue de procédure générerait des frais de traduction et des délais, et faisant application des dispositions du paragraphe 11(a) des Règles d'application et de son pouvoir d'appréciation, décide que le français sera la langue de la procédure.
Selon le paragraphe 14(b) des Règles d'application, la Commission administrative a le pouvoir de tirer du défaut du Défendeur, toutes conclusions qu'elle juge appropriées.
Au cas présent, la Commission administrative constate que le Défendeur, titulaire du nom de domaine litigieux <explorimmo.immo>, n'a réfuté aucun des faits allégués par le Requérant.
En particulier, le Défendeur, par son défaut, n'a fourni à la Commission administrative aucun des éléments prévus par le paragraphe 4(c) des Principes directeurs qui lui aurait permis de conclure que le Défendeur jouit de droits ou justifie d'intérêts légitimes concernant le nom de domaine litigieux <explorimmo.immo>, ou qu'il a agi de bonne foi en enregistrant et utilisant le nom de domaine litigieux <explorimmo.immo>.
Par ailleurs, il est rappelé que la Commission administrative est tenue d'appliquer le paragraphe 15(a) des Règles d'application qui prévoit que : "La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable".
Le paragraphe 10(a) des Règles d'application donne à la Commission administrative un large pouvoir de conduire la procédure administrative de la manière qu'elle juge appropriée, conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application, et elle doit aussi veiller à ce que la procédure soit conduite avec célérité (paragraphe 10(c) des Règles d'application).
En conséquence, l'Expert s'est attaché à vérifier, au vu des seuls arguments et pièces disponibles, si l'enregistrement et l'utilisation du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et si le Défendeur pouvait justifier de droits sur ce nom de domaine.
Dans le cadre de l'analyse de la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit se contenter de constater si le droit de marque du Requérant existe ou non.
Au vu des pièces versées au dossier, la Commission administrative constate que le Requérant justifie de droits exclusifs sur la dénomination EXPLORIMMO, à titre de marque enregistrée.
Demeure alors la question de la comparaison entre cette dénomination d'une part et le nom de domaine litigieux d'autre part. Or le nom de domaine litigieux reproduit intégralement cette dénomination, sans aucune différence.
Il est établi par ailleurs que les extensions de nom de domaine (telles que ".com"), nécessaires pour leur enregistrement, sont généralement sans incidence sur l'appréciation du risque de confusion, les extensions pouvant donc ne pas être prises en considération pour examiner la similarité entre la Marque du Requérant et le nom de domaine litigieux, conformément à nombre de décisions déjà rendues (Voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Accor c. Accors, Litige OMPI No. D2004-0998).
Néanmoins, en choisissant l'extension ".immo" qui se rapporte au domaine immobilier, le Défendeur a encore accru le risque de confusion préexistant, puisque c'est le secteur principal d'activité du Requérant.
La Commission administrative estime que le public en général et les internautes en particulier pourraient penser que le nom de domaine litigieux renvoie au Requérant, ce nom de domaine litigieux étant similaire à la Marque sur laquelle le Requérant a des droits, au point de prêter à confusion (voir Citibank Privatkunden AG & Co. KGaA c. PrivacyProtect.org / N/A, indishi india mr.ugala, Litige OMPI No. D2010-1147; Credit Industriel et Commercial S.A., BanqueFédérative du Crédit Mutuel c. Headwaters MB, Litige OMPI No. D2008-1892; Banque Saudi Fransi c. ABCIB, Litige OMPI No. D2003-0656; Islamic Bank of Britain Plc c. Ifena Consulting, Charles Shrimpton, Litige OMPI No. D2010-0509; BPCE c. PrivacyProtect.org / Maksym Pastukhov, Litige OMPI No. D2010-1666).
Dans ces conditions, la Commission administrative constate que l'exigence du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est satisfaite.
Il est admis que, s'agissant de la preuve d'un fait négatif, une commission administrative ne saurait se montrer trop exigeante vis-à-vis d'un requérant. Lorsqu'un requérant a allégué le fait que le défendeur n'a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine, il incombe au défendeur d'établir le contraire, puisque lui seul détient les informations nécessaires pour ce faire. S'il n'y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes (Eli Lilly and Company c. Xigris Internet Services, Litige OMPI No.D2001-1086; Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624).
Aucun élément du dossier ne révèle qu'avant la naissance du litige, le Défendeur ait utilisé le nom de domaine litigieux, ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux, en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou qu'il ait fait des préparatifs sérieux à cet effet.
Le Défendeur n'est en aucune manière affilié au Requérant et n'a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la Marque ou à procéder à l'enregistrement d'un nom de domaine incluant la Marque.
Par ailleurs, le mutisme conservé par le Défendeur, qui a choisi de ne pas répondre à la mise en demeure du Requérant ni à la plainte dans la présente procédure, ne permet pas de penser qu'il ferait un usage légitime et non commercial du nom de domaine litigieux.
Dans ces conditions, la Commission administrative est d'avis que le Défendeur n'ayant pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache, l'exigence du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
La mauvaise foi doit être prouvée dans l'enregistrement comme dans l'usage.
En ce qui concerne l'enregistrement de mauvaise foi, la bonne foi du Défendeur lors de l'enregistrement ne ressort d'aucun document soumis au dossier.
La Commission administrative estime que le choix comme nom de domaine de la Marque dans son intégralité ne peut être le fruit d'une simple coïncidence.
De surcroît, le Défendeur n'a pas expliqué dans quel but il avait effectué cette réservation.
Dans ces circonstances, la Commission administrative estime plus qu'improbable qu'au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux, le Défendeur ait pu ne pas avoir connaissance de la Marque.
La simple détention passive d'un nom de domaine, sans raison, peut être constitutive d'un usage de mauvaise foi.
Des décisions administratives UDRP ont déjà et à plusieurs reprises pu retenir que la détention d'un nom de domaine sans qu'un site Internet actif y corresponde pouvait, dans certains cas, être considérée comme une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Christian Dior Couture SA c. Liage International Inc., Litige OMPI No. D2000-0098; ACCOR c. S1A, Litige OMPI No. D2004-0053; et Westdev Limited c. Private Data, Litige OMPI No. D2007-1903).
En outre, l'usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le Défendeur peut aussi résulter du fait que son usage de bonne foi ne soit d'aucune façon plausible (Voir Audi AG c. Hans Wolf, Litige OMPI No. D2001-0148), compte tenu de la spécificité de l'activité du Requérant.
Enfin, certaines commissions administratives ont même estimé que dans certaines circonstances, les personnes qui réservent des noms de domaine ont l'obligation de s'abstenir d'enregistrer et d'utiliser un nom de domaine qui soit identique ou similaire à une marque détenue par d'autres, et qu'enfreindre cette obligation peut être constitutif de mauvaise foi.
La Commission administrative conclut qu'en détenant et utilisant le nom de domaine litigieux aux fins de priver le Requérant de ses droits de propriété intellectuelle sur un nom de domaine reflétant sa Marque, et en ne se manifestant pas dans la présente procédure administrative, le Défendeur a procédé à une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
Il en résulte que les trois éléments prévus au paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <explorimmo.immo> soit transféré au Requérant.
Louis-Bernard Buchman
Expert Unique
Le 2 janvier 2017