Le Requérant est EUTELSAT SA de Paris, France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Jérôme Mario de Paris, France.
Le nom de domaine litigieux <eutelsat-paris.com> est enregistré auprès de OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par EUTELSAT SA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 24 mai 2017. En date du 24 mai 2017, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 30 mai 2017, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 8 juin 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 juin 2017. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 3 juillet 2017, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 10 juillet 2017, le Centre nommait Michel Vivant comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
EUTELSAT, l’un des grands opérateurs de satellites commerciaux de la planète, est titulaire de plusieurs marques EUTELSAT dont certaines enregistrées dès 1983 et d’un certain nombre de noms de domaine reprenant ce terme.
Le nom de domaine litigieux <eutelsat-paris.com> a été enregistré le 28 mars 2017 par Mario Jérôme et utilisé pour rediriger les internautes vers le site officiel du Requérant et créer différentes adresses email fictives telles que “[nom]@eutelsat-paris.com”.
Le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion avec les marques EUTELSAT, l’adjonction du terme “Paris” constituant un ajout générique qui ne permet pas d’échapper à la confusion.
Le Requérant affirme que le Défendeur n'est pas affilié à sa société, ni autorisé par lui-même de quelque sorte que ce soit à user de ses marques. Il ajoute que ce dernier a utilisé ces adresses email “afin de mettre en œuvre des escroqueries” par des pratiques de phishing. Il ne peut donc faire valoir aucun droit ou intérêt légitime.
Enfin, le Requérant souligne que, le nom “Eutelsat” étant un nom de fantaisie qui n’est connu qu’en relation avec le Requérant, l’enregistrement n’a pu être fait que de mauvaise foi, l’usage fait étant également un usage de mauvaise foi puisque tendant à mettre en œuvre des escroqueries.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le Requérant est l’un des grands opérateurs de satellites commerciaux, mondialement connu. Il est titulaire de plusieurs marques EUTELSAT dont les marques française No. 1224492 et internationale No. 479499 respectivement enregistrées le 14 janvier et le 20 juin 1983, ainsi que d’une marque européenne EUTELSAT QUANTUM No. 014319519 datant de 2015.
Le nom de domaine litigieux reprend l’intégralité des marques EUTELSAT, pratique qui a toujours été relevée dans les décisions des commissions administratives en vertu des Principes directeurs comme un fort indice de cybersquatting (voir, par exemple, récemment encore Crédit Agricole S.A. contre Marconi Jessica, Litige OMPI No. D2017-0492). Par ailleurs, l’adjonction d’un terme géographique ne saurait à l’évidence diminuer le risque de confusion, spécialement quand il peut être perçu comme apportant, comme ici, une simple précision dans l’identification du titulaire de la marque (sur le caractère inopérant de l’adjonction du terme “Paris” : Waterman S.A.S. v. Brian Art, Litige OMPI No. D2005-0340, à propos du nom de domaine <waterman-paris.com>).
La Commission administrative est donc d’avis que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion à la marque détenue par le Requérant au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
Le Défendeur n’est pas connu sous l’appellation “Eutelsat”, dénomination par ailleurs bien connue, et n’a reçu aucune autorisation d’usage de celle-ci de la part du Requérant.
En revanche, il a utilisé le nom de domaine litigieux pour rediriger les internautes vers le site officiel du Requérant et créer différentes adresses email fictives telles que “[..]@eutelsat-paris.com” ou “[…]@eutelsat-paris.com”. Il s’est servi de celles-ci pour générer de fausses annonces sur le site “Le Bon Coin”, à l’abri de ces fausses identités qui paraissaient le rattacher au Requérant Cette utilisation ne correspond ni à une offre de biens ou de services de bonne foi ni à une utilisation non commerciale légitime ou loyale du nom de domaine litigieux.
Aussi la Commission administrative estime-t-elle que le Requérant a démontré que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le terme “EUTELSAT”, terme de fantaisie sans signification propre si ce n’est comme acronyme du nom du Requérant (European Telecommunications Satellite Organization), est uniquement connu en relation avec le Requérant, comme ce dernier le fait observer. Aussi il est hors de doute que le terme a été repris en toute connaissance par le Défendeur, c’est-à-dire de mauvaise foi.
Son adoption tendait aussi à un usage de mauvaise foi puisqu’il s’agissait de se livrer à des pratiques susceptibles d’être qualifiées d’escroquerie.
La Commission administrative considère donc que l’enregistrement et l’usage du nom de domaine litigieux ont été faits de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <eutelsat‑paris.com> soit transféré au Requérant.
Michel Vivant
Expert Unique
Le 14 juillet 2017