Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

ArcelorMittal (SA) contre Nom Anonymisé

Litige No. D2017-2011

1. Les parties

Le Requérant est ArcelorMittal (SA) de Luxembourg, Luxembourg, représenté par Nameshield, France.

Le Défendeur est Nom Anonymisé, France.

2. Nom de domaine et unité d'enregistrement

Le nom de domaine litigieux <arcelormittal-fr.com> est enregistré auprès de Register.IT SPA (ci-après désigné "l'Unité d'enregistrement").

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par ArcelorMittal (SA) auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 17 octobre 2017. En date du 17 octobre 2017, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 18 octobre 2017, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 26 octobre 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 novembre 2017. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 20 novembre 2011, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 29 novembre 2017, le Centre nommait Anne-Virginie La Spada-Gaide comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

La langue de la procédure est le français.

4. Question préliminaire – Usurpation d'identité

Le 27 octobre 2017, le Centre a reçu un email d'une personne domiciliée en France, expliquant que le nom et l'adresse mentionnés dans la plainte étaient bien les siens (raison pour laquelle cette personne a reçu les documents que le Centre a notifiés par DHL), mais qu'elle n'avait pas enregistré le nom de domaine litigieux et n'avait rien à voir avec le Requérant. Cette personne a aussi exposé ne pas avoir d'adresse email correspondant à celle figurant dans les données d'enregistrement du nom de domaine litigieux. Elle a précisé être un fonctionnaire de l'Éducation nationale. Le Centre a informé le Requérant de cette usurpation d'identité le 1er novembre 2017.

Il apparaît ainsi que la personne responsable de l'enregistrement du nom de domaine litigieux a usurpé l'identité d'une autre personne au moment de cet enregistrement. La Commission administrative estime plausible que la personne ayant contacté le Centre n'est pas le détenteur du nom de domaine litigieux et n'est pas le Défendeur à la présente procédure. Le véritable Défendeur est une personne inconnue, qui a caché son identité. Dans ces circonstances, lorsque la Commission administrative fait référence au Défendeur dans la présente décision, elle vise le véritable détenteur du nom de domaine litigieux qui a usurpé le nom et l'adresse de la personne désignée dans la plainte.

Dans des circonstances semblables, les commissions administratives ont jugé qu'il n'était pas utile d'exposer le nom de la personne dont l'identité a été usurpée, et qu'il convenait donc ne pas publier ce nom dans la décision. Pour permettre à l'Unité d'enregistrement d'exécuter la décision, et conformément à la solution adoptée par les commissions administratives confrontées à une semblable situation, la Commission administrative joint à la décision une Annexe donnant les instructions nécessaires à l'Unité d'enregistrement, avec la mention du nom du détenteur tel que figurant dans les données de l'Unité d'enregistrement (Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG c. Name Redacted, Litige OMPI No. D2012-0890; KWM Brands Pte Limited and King & Wood Mallesons c. Registration Private, Domains By Proxy, LLC / Name Redacted, Litige OMPI No. D2015-1452). La Commission administrative autorise le Centre à communiquer cette Annexe à l'Unité d'enregistrement et aux parties, mais instruit le Centre et l'Unité d'enregistrement de ne pas publier cette Annexe en raison de circonstances exceptionnelles, comme le permettent le paragraphe 4(j) des Principes directeurs et le paragraphe 16(b) des Règles d'application.

5. Les faits

Le Requérant est une entreprise spécialisée dans la production d'acier, et leader du marché de l'acier pour l'automobile, la construction, les appareils électroménagers et les emballages.

Le Requérant est titulaire de la marque internationale ARCELORMITTAL no. 947686 du 3 août 2007. Cet enregistrement international couvre les classes 6, 7, 9, 12, 19, 21, 39, 40, 41 et 42. Il déploie ses effets notamment dans divers pays, et en particulier dans l'Union Européenne.

Le Requérant possède notamment le nom de domaine <arcelormittal.com>.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 18 septembre 2017 par une personne se faisant passer pour la personne désignée dans la plainte. La véritable identité du Défendeur est inconnue.

Le 18 septembre 2017, un individu a adressé à un tiers, au moyen d'une adresse email correspondant au nom de domaine litigieux ([…]@arcelormittal-fr.com), un message indiquant que les prochains paiements devraient être effectués sur le compte bancaire dont les coordonnées étaient transmises en annexe.

Le 19 septembre 2017, le nom de domaine litigieux était connecté à une page de parking.

6. Argumentation des parties

A. Requérant

Selon le Requérant, le nom de domaine litigieux est similaire à sa marque ARCELORMITTAL, car l'ajout des lettres "fr", qui font référence à la France, ne suffit pas à écarter le risque de confusion.

Le Requérant fait également valoir que le Défendeur n'a pas de droit ou d'intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Il expose que Le Défendeur n'est pas connu sous un nom correspondant au nom de domaine litigieux, et que le Requérant ne l'a pas autorisé à faire usage du nom de domaine litigieux.

Le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux dans des activités d'hameçonnage en essayant de contacter le Requérant concernant une demande de paiement. Cette utilisation ne donne pas lieu à des droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux.

Le Requérant considère enfin que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi. Le Requérant estime que le Défendeur devait avoir connaissance de sa marque lors du dépôt du nom de domaine litigieux, compte tenu du caractère distinctif de la marque du Requérant, et de la domiciliation en France du Défendeur. Le Requérant considère que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux dans l'unique but de tirer profit du Requérant à travers sa tentative d'hameçonnage, ce qui est constitutif d'un usage de mauvaise foi.

B. Défendeur

Le Défendeur n'a pas répondu aux arguments du Requérant.

7. Discussion et conclusions

Selon le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, afin d'obtenir gain de cause dans cette procédure et obtenir le transfert du nom de domaine, le requérant doit prouver que chacun des trois éléments suivants est satisfait :

(i) Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits; et

(ii) Le défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et

(iii) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le nom de domaine litigieux reproduit la marque ARCELORMITTAL du Requérant dans son intégralité, avec l'adjonction d'un tiret suivi des lettres "fr". Ces lettres, placées à la fin du nom de domaine et séparées de la marque du Requérant par un tiret, sont immédiatement comprises comme une référence à la France. Elles constituent donc un terme géographique.

Selon les décisions de commissions administratives, l'adjonction d'un terme descriptif ou géographique à la marque du requérant ne suffit pas à écarter un risque de confusion lorsque la marque est reconnaissable dans le nom de domaine (voir voir le paragraphe 1.8 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI sur certaines questions relatives aux Principes UDRP, troisième édition ("Synthèse, version 3.0").

En l'espèce, la marque du Requérant, hautement distinctive, est parfaitement reconnaissable dans le nom de domaine litigieux.

Par conséquent, conformément au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, la Commission administrative retient que le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion à la marque du Requérant.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le Requérant affirme que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni intérêt légitime s'y rapportant. Le Défendeur, qui a fait défaut, ne s'est pas prononcé.

Il n'existe aucune indication au dossier suggérant que le Défendeur aurait des droits l'autorisant à utiliser le nom de domaine litigieux. En particulier, le nom de domaine ne correspond pas au nom du Défendeur. Par ailleurs, l'utilisation que le Défendeur fait du nom de domaine litigieux, soit une exploitation en relation avec une page de parking, et l'envoi de messages visant à détourner des paiements à son profit, ne peut pas être considérée comme une offre de bonne foi de produits et services.

A teneur du paragraphe 14(b) des Règles d'application, la Commission administrative peut tirer les conséquences qu'elle juge appropriées du défaut du Défendeur. En l'espèce, la Commission administrative estime que le silence du Défendeur corrobore l'affirmation du Requérant selon laquelle le Défendeur n'a pas de droits ou d'intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux.

Par conséquent, la Commission administrative retient que le Défendeur n'a pas de droits sur le nom de domaine, ni d'intérêts légitimes s'y rapportant, conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et utilisation de mauvaise foi

Compte tenu du caractère distinctif de la marque du Requérant, la Commission administrative estime hautement probable que le Défendeur avait connaissance de cette marque au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux. Le Défendeur a donc enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

Le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux pour créer une adresse email à partir de laquelle il a envoyé un message visant à détourner des payements qui ne lui étaient pas destinés.

Plusieurs commissions administratives ont jugé qu'une telle conduite frauduleuse constituait une utilisation de mauvaise foi d'un nom de domaine (voir SAP SE c. Name Redacted / Domains By Proxy, LLC, Litige OMPI No. D2016-0410; Halliburton Energy Services, Inc. c. Whois Privacy Protection Service, Inc. / KEEP MOUTH, Litige OMPI No. D2016-0413).

A cela s'ajoute que le Défendeur a usurpé l'identité d'un tiers pour enregistrer le nom de domaine litigieux, et caché sa véritable identité.

Au vu de l'ensemble des éléments décrits ci-dessus, la Commission administrative considère comme établi que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi, conformément au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.

8. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <arcelormittal-fr.com> soit transféré au Requérant.

Anne-Virginie La Spada-Gaide
Expert Unique
Le 13 décembre 2017