Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Crédit Mutuel Arkéa/ Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne contre Louis Stephane

Litige No. D2017-2214

1. Les parties

Le Requérant est Crédit Mutuel Arkéa / Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne de Le Relecq-Kerhuon, France, représenté par Nameshield, France.

Le Défendeur est Louis Stéphane de Amiens, France.

2. Noms de domaine et unité d’enregistrement

Les noms de domaine litigieux <cmbarkea.com> et <eurocomptecmb.com> sont enregistrés auprès de 1&1 Internet AG (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte en français a été déposée par Crédit Mutuel ARKEA/ Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 10 novembre 2017. En date du 10 novembre 2017, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 14 novembre 2017, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige et observant que la langue du contrat d’enregistrement est l’anglais.

Le 14 novembre 2017, le Centre a envoyé un avis aux parties, invitant le Requérant soit à fournir la preuve d’un accord, entre le Requérant et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en français, soit à déposer une plainte traduite en anglais, soit à déposer une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur a également été invité à fournir des arguments à cet égard. Le 15 novembre 2017, le Requérant a déposé une demande afin que la procédure administrative se déroule en français. Le Défendeur n’a fourni aucun argument à cet égard.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 22 novembre 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 décembre 2017. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 26 décembre 2017, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 12 janvier 2018, le Centre nommait Nathalie Dreyfus comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La procédure est initiée par Crédit Mutuel Arkéa / Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne.

Le Requérant a été connu successivement sous les identités suivantes:

Caisse Fédérale Bretonne de Crédit Mutuel (à sa création, le 24 septembre 1960);

Caisse Fédérale du Crédit Mutuel de Bretagne (le 20 juin 1979);

Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne (le 22 mai 1991);

Caisse Interfédérale de Crédit mutuel (le 11 mai 2001);

Depuis le 23 avril 2009, le Requérant est connu sous l’identité Crédit Mutuel Arkéa.

Le Requérant est titulaire de nombreuses marques sous les libellés “Arkea” et “CMB” telles que:

- Marque Française ARKEA, enregistrée le 26 juillet 1996 sous le n° 96636222, renouvelée;

- Marque Française ARKEA BANQUE PRIVEE, enregistrée le 7 janvier 2013 sous le n° 3972746;

- Marque Française ARKÉA AM, enregistrée le 13 juin 2012 sous le n° 3927002;

- Marque Française ARKÉA ASSET MANAGEMENT, enregistrée le 13 juin 2012 sous le n° 3927000;

- Marque Française CRÉDIT MUTUEL ARKEA, enregistrée le 16 janvier 2012 sous le n° 3888981;

- Marque Française CMB, enregistrée le 30 juin 1989 sous le n° 1539020, renouvelée;

L’ensemble de ces marques (ci-après “la Marque”) fait l’objet d’une exploitation intensive de la part du Requérant depuis leur dépôt.

Le Requérant est également titulaire un portefeuille de noms de domaine suivants contenant les termes “Arkéa” et “CMB” (pour Crédit Mutuel de Bretagne) comme:

- <arkea.com>, enregistré le 26 juillet 2002 et renouvelé;

- <cmb.fr>, enregistré le 4 septembre 1995 et renouvelé;

Les noms de domaine litigieux ont été enregistrés le 2 novembre 2017, et redirigeaient vers un contenu similaire à celui des sites du Requérant et demandant aux internautes d’indiquer leurs identifiants et mots de passe clients. Les sites ont été désactivés auprès du prestataire de service à la demande du Requérant.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant soutient les affirmations suivantes:

(i) les noms de domaine litigieux sont identiques ou semblables, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou services sur laquelle le Requérant a des droits;

(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

(iii) les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.

Le Requérant argue en premier lieu que les noms de domaine litigieux sont similaires à ses marques ARKEA et CMB. Les marques sont entièrement reproduites notamment pour le nom de domaine <cmbarkea.com>. Il allègue en outre que pour le nom de domaine <eurocomptecmb.com>, l’ajout des mots “euro” et “compte”, l’un faisant référence à la localisation géographique de l’Europe et l’autre aux comptes bancaires, et donc à l’activité du Requérant, ne permet pas d’écarter le risque de confusion. Il ajoute que l’ajout de l'extension générique de premier niveau (gTLD) “.com” ne change pas l’impression générale de la désignation comme étant liée aux marques déposées du Requérant. Il soutient que des experts ont confirmé sa position lors de précédentes procédures UDRP notamment Crédit Mutuel Arkea vs. Jullian Abinsay, LitigeCAC No. 101457.

En deuxième lieu, le Requérant soutient que le Défendeur doit être considéré comme n’ayant aucune relation de quelque ordre avec le Requérant pouvant justifier cet enregistrement, que ce soit une relation de travail ou quelque lien de subordination ou que ce soit une autorisation ou licence d’exploitation aux fins d’enregistrement ou d’utilisation du nom de domaine litigieux. De plus, rappelant les précédents jurisprudentiels de l’OMPI (cf. Croatia Airlines d.d. v. Modern Empire Internet Ltd. Litige OMPI No. D2003-0455), le Requérant considère que l’absence de réponse de la part du Défendeur constitue une présomption prima facie de l’absence de droits ou intérêts légitimes du Défendeur concernant le nom de domaine litigieux. En outre, le Requérant allègue que les noms de domaine litigieux n’ont été utilisés que dans un but d’hameçonnage, ce qui ne peut donner lieu à des droits ou intérêts légitimes en vertu de la Politique (cf. Hill-Rom Inc. c. Jyoti Bansal, FA 1724573 (National Arbitration Forum, 3 mai 2017); Huron Consulting Group Inc. c. Oneandone enregistrement privé / 1 & 1 Internet Inc, FA 1705246(National Arbitration Forum, 5 janvier 2017)).

Enfin, en troisième lieu, le Requérant allègue tout d’abord que l’enregistrement a été fait de mauvaise foi par le Défendeur car celui-ci ne pouvait ignorer la renommée de la marque et qu’ainsi, le choix d’enregistrement de ce nom de domaine litigieux a été fait en toute connaissance de cause, le Défendeur étant domicilié en France où le Requérant exerce son activité. Ensuite, le Requérant argue de l’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le Défendeur en s’appuyant sur le but frauduleux d’hameçonnage de l’utilisation des noms de domaine litigieux. Le Requérant allègue que la décision CMA CMG c. Diana Smith, Litige OMPI No. D2015-1774 a confirmé que l’allégation d’hameçonnage ne faisant objet d’aucune contradiction et dont l’existence est prouvée, combinée au risque de confusion suffit à prouver la mauvaise foi du défendeur. Enfin, étant donné leur inactivité depuis la notification de l’hébergeur par le Requérant, celui-ci en conclut que cette attitude du Défendeur ne fait que renforcer sa mauvaise foi.

Pour les raisons précédemment citées, le Requérant demande à ce que les noms de domaine litigieux lui soient transférés.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant, et est donc à cet égard défaillant.

6. Discussion et conclusions

A. Langue de la procédure

Selon les règles d’application, en leur paragraphe 11, la langue de la procédure doit être la langue du contrat d’enregistrement, sauf si les circonstances d’espèce justifient que la plainte soit soumise dans une autre langue.

En l’espèce, la langue du contrat d’enregistrement est l’anglais.

En dépit de cela, le Requérant sollicite que le français devienne la langue de la procédure en lieu et place de l’anglais, en raison de la connaissance de la langue française par le Défendeur. Cette connaissance est affirmée pour les raisons suivantes:

Le titulaire des noms de domaine litigieux est indiqué selon la fiche WhoIs comme étant domicilié en France, il est donc présumé parler, écrire, et comprendre le français.

De plus, le Défendeur n’a pas émis d’objections sur la demande du Requérant.

La Commission administrative considère qu’au regard de ces éléments, et eu égard au fait que les noms de domaine litigieux font référence aux marques françaises du Requérant, il n’existe pas de doute quant à une compréhension suffisante de la langue française par le Défendeur afin que le déroulement de cette procédure en langue française soit respectueux des droits de la défense.

Ainsi, la Commission administrative accède à la demande du Requérant et décide d’accepter le français en tant que langue de procédure, au vu des circonstances d’espèce, et ce en vue d’assurer l’équité entre les parties et le règlement rapide de ce litige, à des coûts raisonnés.

B. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs exige que le Requérant démontre que les noms de domaine litigieux soient identiques ou semblables au point de prêter confusion avec une marque sur laquelle le Requérant détient des droits.

Le Requérant a fourni la preuve de ses droits de marque antérieurs sur les signes ARKEA et CMB.

Le nom de domaine litigieux <cmbarkea.com> consiste en la Marque du Requérant reproduite dans son intégralité. Dans des cas précédents, les commissions administratives ont décidé que la reproduction dans son intégralité d’une marque était suffisante pour conclure à la similitude avec la marque antérieure du requérant au point de prêter confusion avec cette dernière au sens des Principes directeurs (cf. Hoffmann-La Roche Inc., Roche Products Limited v.Vladimir Ulyanov, Litige OMPI No. D2011-1474; Magnum Piering, Inc. v. The Mudjackers and Garwood S. Wilson, Sr., Litige OMPI No. D2000-1525; Bayerische Motoren Werke AG v. bmwcar.com, Litige OMPI No. D2002-0615; Swarovski Aktiengesellschaft v. mei xudong, Litige OMPI No. D2013-0150; RapidShare AG, Christian Schmid v. InvisibleRegistration.com, Domain Admin, Litige OMPI No. D2010-1059).

Le nom de domaine litigieux <eurocomptecmb.com> consiste en la marque du Requérant reproduite dans son intégralité, associée au terme générique “compte”, celui-ci faisant une référence directe aux activités du Requérant, ainsi que le terme géographique “euro” pour “Europe” faisant une référence directe à la localisation géographique de l’activité du Requérant. Selon des précédents jurisprudentiels de l’OMPI, ces éléments sont suffisants pour établir une similitude prêtant à confusion au sens des Principes directeurs (cf. Valero Energy Corporation and Valero Marketing and Supply Company v. Valero Energy, Litige OMPI No. D2017-0075; M/s Daiwik Hotels Pvt. Ltd v. Senthil Kumaran S, Daiwik Resorts, Litige OMPI No. D2015-1384; and ERGO Versicherungsgruppe AG v. Idealist, Litige OMPI No. D2008-0377).

En outre, la jurisprudence de l’OMPI considère de longue date qu’il ne doit généralement pas être tenu compte de l’extension “.com” lors de l’examen de la similitude du nom de domaine litigieux avec une marque. Il est fait référence à cette exclusion au point 1.11 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition (“Synthèse de l’OMPI 3.0”): le suffixe correspondant à l’extension (par exemple “.com”) ne doit pas être pris en considération pour déterminer si un nom de domaine est similaire au point de prêter confusion avec un autre signe dans la mesure où il constitue un impératif technique pour l’enregistrement du nom, hormis lorsqu’il constitue lui-même une partie de la marque concernée.

L’extension “.com” n’a pas donc d’incidence pour l’examen de la similitude du nom de domaine avec la marque.

Par conséquent, la Commission administrative conclut que les dispositions posées au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs sont satisfaites.

C. Droits ou intérêts légitimes

Conformément au paragraphe 4(c) des Principes directeurs, un défendeur peut établir l’existence de ses droits ou intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine litigieux en démontrant une des circonstances suivantes:

(i) avant réception par le défendeur de toute notification relative au litige, le défendeur fait une utilisation, ou des travaux de préparation pouvant être démontrés en vue de l’utilisation du nom de domaine ou d’un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d’une offre de biens ou de services de bonne foi; ou

(ii) le défendeur (en tant que personne, entreprise ou autre organisation) est généralement connu sous le nom de domaine, même s’il n’a acquis aucun droit de propriété industrielle et commerciale; ou

(iii) le défendeur fait une utilisation non commerciale légitime ou loyale du nom de domaine, sans intention d’en tirer des profits commerciaux en détournant de façon trompeuse les utilisateurs ou en ternissant l’image de la marque commerciale ou de la marque de service en question.

Bien que les Principes directeurs exposent les moyens par lesquels un défendeur peut démontrer de ses droits ou intérêts légitimes sur un nom de domaine litigieux, il est établi, comme indiqué dans la section 2.1 de la Synthèse OMPI 3.0, qu’un requérant est tenu d’établir une présomption prima facie selon laquelle le défendeur ne dispose pas de droits ou intérêts légitimes. Une fois cette présomption établie, il incombe au défendeur d’apporter la preuve de ses droits et intérêts légitimes sur le nom de domaine.

Le Défendeur n’est pas affilié ou en relation quelconque avec le Requérant, de même qu’il n’a pas été autorisé ou n’a reçu de licence de la part du Requérant d’enregistrer ou d’utiliser les noms de domaine litigieux qui reproduisent la Marque. Le Défendeur n’apparaît pas non plus comme ayant un droit indépendant sur les noms de domaine litigieux. De plus, il n’y a aucune preuve établissant que le Défendeur est communément connu par les noms de domaine litigieux. Enfin, les noms de domaine litigieux sont actuellement inactifs, ce qui ne correspond ni à une offre de biens ou de services de bonne foi, ni à une utilisation non commerciale légitime ou loyale des noms de domaine litigieux.

Par conséquent, la Commission administrative est convaincue que le Requérant a établi une présomption prima facie, selon laquelle le nom de domaine litigieux ne dispose pas de droits ou intérêts légitimes nécessitant une réponse de la part du Défendeur. En l’absence de réponse de sa part, le Défendeur est de fait défaillant. Ainsi, la Commission administrative est incapable de déterminer sur quel fondement le Défendeur pourrait se baser pour alléguer de droits et intérêts légitimes concernant les noms de domaine litigieux.

En outre, les activités du Défendeur sur le site lié aux noms de domaine litigieux, avant leur désactivation, sont susceptibles de suggérer une tentative d’hameçonnage (phishing) ou une activité frauduleuse d’une sorte ou d’une autre en faisant croire aux internautes qu’il s’agissait du site du Requérant. Ces activités ne sont pas de nature à donner lieu à des droits ou intérêts légitimes reconnus au titre du Défendeur (cf. Crédit Industriel et Commercial S.A v. Debordo, Network Team, Litige OMPI No. D2017-0629).

Pour les raisons précédemment citées, la Commission administrative conclut que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime concernant les noms de domaine litigieux, conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.

D. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Conformément au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, le Requérant se doit de démontrer que le Défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.

La Commission administrative constate que le Défendeur devait avoir connaissance du Requérant et de la renommée de la Marque au moment de l’enregistrement des noms de domaine litigieux. Le Requérant a fourni la preuve que le Défendeur a enregistré les noms de domaine litigieux bien après l’enregistrement de la Marque, ce qui suggère la mauvaise foi du Défendeur lors de l’enregistrement des noms de domaine litigieux (cf. Sanofi-Aventis v. Abigail Wallace, Litige OMPI No. D2009-0735). De plus, la Synthèse OMPI 3.0, à la section 3.2.2 dispose comme suit:

“Notant la portée quasi instantanée et globale d’Internet et des moteurs de recherche, dans les cas en particulier où la marque du requérant est largement connue (y compris dans son secteur) ou hautement spécifique, et qu’un défendeur ne peut prétendre de manière crédible ignorer la marque (en particulier pour les domainers), les commissions administratives ont décidé que le défendeur savait, ou elles ont conclu que le défendeur aurait dû savoir que son enregistrement serait identique ou semblable de manière à créer un risque de confusion avec la marque du requérant.” (traduction de l’Expert de la version originale en anglais)

Le fait qu’il y ait clairement absence de droits ou intérêts légitimes couplé au fait qu’il n’existe pas d’explication crédible concernant le choix du Défendeur regardant le nom de domaine litigieux est également un facteur important à prendre en compte (comme spécifié dans la section 3.1.1 de la Synthèse OMPI 3.0). Le nom de domaine litigieux tombe dans la catégorie susnommée et la Commission administrative conclut ainsi à l’enregistrement de mauvaise foi.

Il n’y a ni raison évidente, ni explication fournie par le Défendeur à ce propos, pour justifier l’enregistrement d’un nom de domaine reproduisant à l’identique et dans sa totalité la Marque, si ce n’est une intention de créer un risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et la Marque.

Les noms de domaine litigieux sont semblables à la Marque de sorte que cela entraine un risque de confusion entre ces derniers. Des commissions administratives précédentes ont conclu dans de telles circonstances que “[un] risque de confusion est présumé, et une telle confusion résultera inévitablement en un détournement du trafic Internet du site du Requérant à celui du Défendeur” (traduction de l’Expert de la version originale en anglais) (cf. Edmunds.com, Inc. v. Triple E Holdings Limited, Litige OMPI No. D2006-1095).

En outre, le fait que l’internaute soit invité à entrer ses coordonnées personnelles dans le site lié aux noms de domaine litigieux avant leur désactivation, indiquant vraisemblablement une collecte frauduleuse de données personnelles, renforce la décision de la Commission administrative de qualifier ces pratiques de mauvaise foi. En effet, il est très probable que le Défendeur ait cherché à établir un site de phishing ou avec un but frauduleux similaire, au sens des Principes directeurs (voir la décision Crédit Industriel et Commercial S.A v. Debordo, Network Team, supra), ce qui correspond à une utilisation de mauvaise foi des noms de domaine litigieux.

En outre, bien qu’il n’y ait plus d’utilisation active des noms de domaine litigieux, en ce qu’ils sont inactifs, la Commission administrative considère la détention passive des noms de domaine litigieux comme indicatif de mauvaise foi. Dans de nombreux cas, dont Telstra Corporation Limited. v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003 est un exemple, la “détention passive” d’un nom de domaine a été considérée comme constitutive d’utilisation de mauvaise foi conformément au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.

En conséquence, la Commission administrative considère que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi conformément au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine litigieux <cmbarkea.com> et <eurocomptecmb.com> soient transférés au Requérant.

Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 26 janvier 2018