La Requérante est ArcelorMittal (SA) de Luxembourg, Luxembourg, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Askia Bonga de Neuilly Sous Clermont, France.
Le nom de domaine litigieux <groupe-arcelormittal.com> est enregistré auprès de Gandi SAS (ci-après désigné « l'Unité d'enregistrement »).
Une plainte a été déposée par ArcelorMittal (SA) auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le « Centre ») en date du 17 novembre 2017. En date du 17 novembre 2017, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 20 novembre 2017, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés « Principes directeurs »), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les « Règles d'application »), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les « Règles supplémentaires ») pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 30 novembre 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 20 décembre 2017. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 22 décembre 2017, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 20 janvier 2018, le Centre nommait Geert Glas comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
La Requérante, la société anonyme ArcelorMittal, est une entreprise spécialisée dans le marché de la production d'acier sur lequel elle se positionne en tant que leader. La Requérante est présente dans plus de 60 pays.
La Requérante est titulaire de la marque internationale ARCELLORMITTAL No. 947686 enregistrée le 3 août 2007.
La Requérante est aussi titulaire de divers noms de domaine comprenant sa marque ARCELORMITTAL, en ce compris le nom de domaine <arcelormittal.com> qu'elle a enregistré le 27 janvier 2006.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <groupe-arcelormittal.com> (le « Nom de Domaine ») le 7 novembre 2017. Le Nom de Domaine redirige vers une page de la version luxembourgeoise du site de la Requérante.
La Requérante demande que le Nom de Domaine lui soit transféré pour les motifs suivants :
(i) Le Nom de Domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à la marque de la Requérante
La Requérante fait valoir que l'ajout du mot « groupe » à sa marque ARCELORMITTAL n'est pas de nature à altérer la similitude existant entre le Nom de Domaine et ladite marque. A cet égard, la Requérante relève qu'une décision du National Arbitration Forum et deux décisions de la Cour d'arbitrage tchèque ont déjà décidé que l'ajout d'un terme général à la marque ARCELORMITTAL dans un nom de domaine n'empêchait pas qu'une confusion se crée entre un tel nom de domaine et la marque en question.
La Requérante fait aussi valoir que l'ajout du gTLD «.com » ne diminue pas le risque de confusion existant entre le Nom de Domaine, sa marque et les noms de domaines qui lui sont associés.
(ii) Le Défendeur n'a aucun droit sur le Nom de Domaine ni aucun intérêt qui s'y attache
Avant toute chose, la Requérante rappelle la jurisprudence des commissions administratives UDRP en vertu de laquelle il appartient au requérant d'établir prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine et que si le défendeur ne réagit pas ou ne parvient pas à apporter la preuve du contraire, le requérant est présumé avoir fourni la preuve de l'absence de droits ou d'intérêt légitime du défendeur.
La Requérante fait valoir que le Défendeur n'a aucun droit sur le Nom de Domaine ni aucun intérêt qui s'y attache dès lors que le Défendeur :
(a) n'est pas connu sous tout ou une partie du Nom de Domaine;
(b) n'a pas été en quelconque relation avec la Requérante;
(c) n'a pas été autorisé par la Requérante à faire usage de la marque ARCELORMITTAL ; et
(d) ne fait pas un usage légitime du Nom de Domaine.
(iii) Le Nom de Domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi
La Requérante fait valoir que dès lors que le Nom de Domaine redirige vers une page du site de la Requérante, le Défendeur ne pouvait pas ignorer ses droits sur la marque ARCELORMITTAL, et que le Défendeur a donc enregistré le Nom de Domaine en toute connaissance de cause et de mauvaise foi.
La Requérante fait également valoir qu'en redirigeant son Nom de Domaine vers une page du site de la Requérante, le Défendeur (i) tente de créer un risque de confusion dans l'esprit des internautes et (ii) s'abstient d'utiliser le Nom de Domaine. Elle en conclut que le Défendeur utilise le Nom de Domaine de mauvaise foi.
Le Défendeur n'a pas répondu aux arguments de la Requérante.
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant d'apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :
(i) Le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits ; et
(ii) Le défendeur ne dispose d'aucun droit sur le nom de domaine ni d'aucun intérêt légitime qui s'y attache ; et
(iii) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
La Requérante a démontré être titulaire de la marque internationale ARCELORMITTAL.
Le Nom de Domaine reprend dans sa totalité la marque de la Requérante à laquelle est ajoutée le préfixe descriptif « groupe » et un tiret qui sépare le préfixe de la marque.
La Synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition ("Synthèse, version 3.0"), section 1.8, précise que, lorsque la marque invoquée est reconnaissable, l'addition d'autres termes à la marque dans un nom de domaine, qu'ils soient descriptifs, géographiques, péjoratifs, dépourvus de sens ou autres, n'influe pas sur la similarité prêtant à confusion entre la marque et le nom de domaine. Cette position est d'ailleurs confirmée par de nombreuses décisions de commissions administratives UDRP (Voir par exemple, EAuto, L.L.C. c. Triple S. Auto Parts d/b/a Kung Fu Yea Enterprises, Inc., Litige OMPI No. D2000-0047 ; Magnum Piering, Inc. c. The Mudjackers and Garwood S. Wilson, Sr., Litige OMPI No. D2000-1525 et Kabushiki Kaisha Hitachi Seisakusho (d/b/a Hitachi Ltd) c. Arthur Wrangle, Litige OMPI No. D2005-1105).
De plus, plusieurs décisions de commissions administratives UDRP ont décidé par le passé que l'addition d'un préfixe descriptif à une marque dans un nom de domaine n'empêche pas qu'il existe une similarité prêtant à confusion entre la marque invoquée par le requérant et le nom de domaine litigieux (Voir Advance Magazine Publishers Inc. c. Arena International. Inc., Litige OMPI No. D2011-0203 et Medco Health Solutions, Inc. c. Whois Privacy Protection Service, Inc., Litige OMPI No. D2004-0453).
En conséquence, la Commission administrative considère que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est établi.
Bien qu'il appartienne à un requérant d'établir les trois éléments du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, il est généralement admis qu'une fois que le requérant a établi prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime, il appartient au défendeur de démontrer ses droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine. Si le défendeur ne parvient pas à fournir une telle preuve, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs (Voir Document Technologies, Inc. c. International Electronic Communications Inc., Litige OMPI No. D2000-0270 ; Dow Jones & Company, Inc., (Premier Requérant) et Dow Jones LP (Second Requérant) c. The Hephzibah Intro-Net Project Limited (Défendeur), Litige OMPI No. D2000-0704 et WIPO, Overview 3.0, section 2.1).
Dans le cas présent, la Commission administrative considère que la Requérante a établi prima facie que le Défendeur ne détient aucun droit ou légitime intérêt sur le Nom de Domaine.
En effet, en se basant sur les éléments qui lui ont été soumis par la Requérante, la Commission conclut que le Défendeur (i) n'entretient pas de relation avec la Requérante et (ii) n'a pas été autorisé par la Requérante à utiliser le Nom de Domaine.
En l'absence de réaction du Défendeur qui n'apporte pas de justification quant à ses hypothétiques droits et intérêts légitimes s'attachant au Nom de Domaine, notamment concernant une éventuelle utilisation non commerciale légitime ou loyale du Nom de Domaine ou une offre de bonne foi de biens ou de services, la Commission administrative considère que la Requérante a satisfait aux exigences du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs décrit des circonstances qui peuvent constituer la preuve de ce qu'un nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi pour autant que la Commission administrative en constate la réalité. Elles se présentent comme une liste non exhaustive et alternative d'indices de mauvaise foi et comprennent notamment :
i) les circonstances indiquant que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d'une autre manière l'enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le défendeur peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine ;
ii) les circonstances indiquant que le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d'empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, lorsque le défendeur est coutumier d'une telle pratique ;
iii) les circonstances indiquant que le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d'un concurrent ; ou
iv) les circonstances indiquant que le défendeur, en utilisant ce nom de domaine, tente sciemment d'attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l'Internet sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l'affiliation ou l'approbation de son site ou espace Web ou d'un produit ou service qui y est proposé.
La Marque ARCELORMITTAL est le résultat de la combinaison des noms de l'ancien groupe Arcelor et des propriétaires actuels du groupe ArcelorMittal. La combinaison n'étant pas commune, la marque ARCELORMITTAL présente donc un caractère hautement distinctif qui est renforcé par l'usage qui est fait de la marque depuis son enregistrement en 2006. Dans ce contexte, il est par conséquent difficilement imaginable de considérer que le Défendeur aurait pu enregistrer le nom de domaine <groupe‑arcelormittal.com> tout en ignorant l'existence de la marque ARCELORMITTAL de la Requérante au moment de l'enregistrement du Nom de Domaine.
Par conséquent, la Commission administrative considère que le Nom de Domaine a été enregistré de mauvaise foi.
En ce qui concerne l'utilisation du Nom de Domaine, la Commission administrative relève dans un premier temps qu'il est infiniment improbable que le Défendeur n'ait pas eu connaissance de la marque ARCELORMITTAL de la Requérante au moment où elle a décidé de rediriger le Nom de Domaine vers une page du site de la Requérante, que cette décision ait été concomitante à l'enregistrement du Nom de Domaine ou postérieure (Voir en ce sens Singapore Press Holdings Limited c. Leong Meng Yew, Litige OMPI No. D2009-1080 et Swissquote Group Holding SA c. Swissquote Group Holding Ltd, Litige OMPI No. DCO2012-0036).
Dans un second temps, la Commission administrative note que le Nom de Domaine n'a aucune signification si ce n'est par l'évocation complète de la marque ARCELORMITTAL de la Requérante. A cet égard, diverses décisions UDRP ont déjà établi que la simple utilisation d'un nom de domaine très clairement relié à un requérant par quelqu'un qui n'est pas en relation avec ledit requérant suggère l'existence d'une mauvaise foi opportuniste dans le chef du défendeur (Voir Veuve Clicquot Ponsardin, Maison Fondée en 1772. c. The Polygenix Group. Co, Litige OMPI No. D2000-0163 et Legacy Health System c. Nijat Hassanov, Litige OMPI No. D2008-1708).
Dans un troisième temps, la Commission administrative relève que le fait que le Nom de Domaine redirige les internautes sur une page du site de la Requérante donne l'impression que le Nom de Domaine est contrôlé par la Requérante ou qu'elle y est du moins associée. Or tel n'est pas le cas : c'est bien le Défendeur qui a le contrôle du Nom de Domaine et qui peut en modifier l'utilisation. Le Défendeur pourrait par exemple décider, dans le futur, de rediriger les internautes vers le site d'un concurrent de la Requérante en abusant de la confiance des internautes qui sont actuellement redirigés vers une page du site de la Requérante (Voir Altavista Company c. Brunosousa, aka Bruno Sousa, Litige OMPI No. D2002-0109 et Voith GmbH c. Domain Admin, Privacy Protection Service INC d/b/a PrivacyProtect.org / Shamshad Shinwari, Litige OMPI No. D2016-1040).
En l'absence de réponse du Défendeur et donc d'explication quant à une potentielle utilisation de bonne foi du Nom de Domaine, la Commission administrative ne parvient pas à imaginer de circonstances dans lesquelles le Nom de Domaine serait utilisé de bonne foi.
Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la Commission administrative considère que le Nom de Domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
En conséquence, la Commission administrative considère que le troisième élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est établi.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le Nom de Domaine <groupe‑arcelormittal.com> soit transféré à la Requérante.
Geert Glas
Expert Unique
Le 2 février 2018