Le Requérant est Groupement des Cartes Bancaires CB de Paris, France, représenté par Inlex IP Expertise, France.
Le Défendeur est Francis Goutal, Human Technologies de Foetz, Luxembourg.
Le nom de domaine litigieux <cb-transaction.com> est enregistré auprès d’OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Groupement des Cartes Bancaires CB auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 15 juin 2018. En date du 15 juin 2018, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 18 juin 2018, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 2 juillet 2018, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé un amendement à la plainte le 2 juillet 2018.
Le Centre a vérifié que la plainte et l’amendement à la plainte répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 4 juillet 2018, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 24 juillet 2018. Le 20 juillet 2018, le Défendeur a envoyé un courrier électronique au Centre demandant une extension de délai de quatre jours pour déposer une réponse, conformément aux dispositions du paragraphe 5(b) des Règles d’application. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 27 juillet 2018.
En date du 3 août 2018, le Centre nommait Robert A. Badgley comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Selon la plainte, le Requérant est “un acteur important et connu dans le domaine des cartes et services de paiement en France”. Le Requérant conduit “un système interbancaire de paiement et de retrait par carte représentant plus de 10 milliards de transactions et ayant pour membres quelques 111 banques et entités fournissant des services de paiement”.
Le Requérant est titulaire des dizaines de marques, enregistrées dans de nombreux pays mais plus notamment en France et dans l’Union Européenne, comprenant des lettres CB. La plupart de ces marques sont semi-figuratives, mais certaines sont purement verbales. Par exemple, le Requérant est titulaire de la marque verbale CB, enregistrée auprès de l’Union Européenne le 25 septembre 2005 pour, inter alia, “cartes de paiement, de crédit, de retrait…”.
Le Requérant détient également un portefeuille de noms de domaine contenant la marque CB, y compris <cb.fr> et <cb.eu>.
Le 31 janvier 2018, le Défendeur a envoyé au Requérant un courrier électronique afin de demander s’il pourrait enregistrer le nom de domaine litigieux “pour éviter tout problème en amont avec le [Requérant]”. Le Défendeur a précisé que “Nous allons lancer un site internet qui proposera une adhésion en ligne au système de carte bancaire…”.
Cinq minutes plus tard, le Requérant a répondu au Défendeur par courrier électronique, disant que la question serait référée au service juridique du Requérant, qui “gère nos noms de domaine et dépôt de marque”. Le Requérant a dit que “Nous revenons vers vous au plus vite”.
Après un délai de trois semaines, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux le 21 février 2018. Le Défendeur n’exploite pas un site actif lié au nom de domaine litigieux. Cependant, le Défendeur exploite un site commercial à l’adresse “www.payintouch.com”.
Le 26 février 2018, le Requérant a envoyé un courrier électronique au Défendeur, dans lequel le Requérant a constaté que l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine litigieux porterait atteinte aux droits du Requérant et prêterait à la confusion auprès des consommateurs.
Trois minutes plus tard, le Défendeur a répondu par courrier électronique, disant :
“Votre réponse a trop tardée et nous avons déposé le nom de domaine, en outre nous allons utiliser le terme CB, par compte bancaire et non carte bancaire. CB-transaction.com compte bancaire de transaction puisque nous fournissons un compte bancaire avec le système d’adhésion à carte bancaire.”
Le Requérant a adressé deux lettres de mise en demeure au Défendeur, datées le 28 février 2018 et le 30 mars 2018, demandant que le Défendeur cesse d’exploiter le nom de domaine litigieux et de le transférer au Requérant. Le Défendeur n’a pas répondu à ces lettres.
Le 23 avril 2018, les avocats du Requérant ont envoyé une lettre au Défendeur, soulignant encore une fois les droits du Requérant et ajoutant que le Défendeur a constaté à son site “www.payintouch.com” que le Défendeur est “la seule passerelle autonome d’inscription en ligne au système d’acceptation des paiements du Groupement des Cartes Bancaires [le Requérant] certifiées ‘CB Visa et MasterCard’”.
Le Défendeur a répondu à cette dernière lettre par courrier électronique, dans lequel il a proposé un rachat du nom de domaine litigieux. Le Requérant a offert un prix d’achat de 500 EUR. Le Défendeur a refusé l’offre.
Le Requérant affirme qu’il a prouvé les trois éléments nécessaires sous les Principes directeurs pour obtenir le transfert du nom de domaine litigieux.
Le Défendeur réfute les argumentations du Requérant. Selon le Défendeur, le nom de domaine litigieux ne crée aucun risque de confusion avec la marque CB. De plus, le Défendeur constate que le Requérant, en tardant une réponse au courrier électronique du 31 janvier 2018, a tacitement validé l’enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur.
La Commission administrative constate que le Requérant dispose de droits auprès de la marque CB, qu’il a enregistré, renouvelé, et exploité dans de nombreux pays.
De plus, la Commission administrative constate que le nom de domaine litigieux est semblable à cette marque à tel point de prêter à confusion. Le nom de domaine comprend la marque entière et ajoute le mot “transaction”. Étant donné le rapport essentiel entre “transaction” et l’activité commerciale du Requérant sous la marque CB, l’ajout de ce mot ne sert pas à diminuer la confusion entre la marque et le nom du domaine litigieux.
La Commission administrative conclut que le Défendeur n’a ni droit sur le nom de domaine litigieux, ni intérêt légitime au même. Le Requérant affirme qu’il n’a aucune relation avec le Défendeur, et qu’il n’a pas autorisé le Défendeur d’utiliser la marque CB, une marque bien connue dans le domaine des services bancaires. Le Défendeur ne nie pas ces allégations.
Le Défendeur affirme qu’il projette d’exploiter le nom de domaine litigieux pour fournir “un compte bancaire avec le système d’adhésion à carte bancaire”. En vue des droits du Requérant vis-à-vis de la marque CB, et de l’activité commerciale conduite par le Requérant sous cette marque, l’usage du nom de domaine litigieux prévu par le Défendeur ne pourrait pas être légitime.
La Commission administrative conclut que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi par le Défendeur. Il est évident – voir le courrier électronique du 31 janvier 2018 – que le Défendeur connaissait la marque CB avant d’enregistrer le nom de domaine. Nonobstant l’argumentation du Défendeur que le Requérant a tacitement validé cet enregistrement, le Requérant a répondu immédiatement qu’il référait la question à son service juridique. Si le Défendeur avait agi de bonne foi, il aurait envoyé un second courrier électronique au Requérant pour demander une réponse. Au lieu de faire cela, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux le 21 février 2018 de mauvaise foi.
Le Défendeur a utilisé la marque CB sur son site “www.payintouch.com”, où le Défendeur se présente comme “la seule passerelle autonome d’inscription en ligne au système d’acceptation des paiements du Groupement des Cartes Bancaires [le Requérant] certifiées ‘CB Visa et MasterCard’”. Il est manifeste que le Défendeur tente de créer l’impression fausse chez les consommateurs d’un lien entre le Défendeur et le Requérant.
En plus, le Défendeur a refusé une offre d 500 EUR pour le rachat du nom de domaine litigieux.
Dans ces circonstances, il est établi que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <cb-transaction.com> soit transféré au Requérant.
Robert A. Badgley
Expert Unique
Le 7 août 2018