Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Sanofi contre Nom anonymisé

Litige No. D2018-1509

1. Les parties

Le Requérant est Sanofi de Paris, France, représenté par Selarl Marchais & Associés, France.

Le Défendeur est Nom anonymisé de Chilly-Mazarin, France.1

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <sanofiaventisrd.com> est enregistré auprès de Google Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée en anglais par Sanofi auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 5 juillet 2018. En date du 5 juillet 2018, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 9 juillet 2018, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 12 juillet 2018, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre une plainte amendée.

Le 12 juillet 2018, le Centre a envoyé un courrier électronique en anglais et en français aux Parties les informant que la langue du contrat d’enregistrement était le français. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 17 juillet 2018. Le Défendeur n’a pas apporté d’observations concernant la langue de la procédure.

Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 19 juillet 2018, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 8 août 2018. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 9 août 2018, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 23 août 2018, le Centre nommait Christian André Le Stanc comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant, la société Sanofi, ayant absorbé la société Aventis, est une société multinationale française mondialement connue et spécialement en France, développant, fabriquant et commercialisant des produits pharmaceutiques. Elle emploie 110,000 personnes qui travaillent dans de nombreux pays.

Le Requérant est titulaire et exploite les marques suivantes :

Marque française SANOFI AVENTIS (+élément figuratif), no. 3309318, enregistrée le 20 août 2004 dans les classes 01; 03; 05; 09; 10; 16; 38; 41; 42; 44, désignant notamment les produits pharmaceutiques;

Marque française SANOFI-AVENTIS no. 3288019, enregistrée le 26 avril 2004 dans les classes 01; 03; 05; 09; 10; 16; 38; 41; 42; 44, désignant notamment les produits pharmaceutiques;

Marque de l’Union européenne SANOFI AVENTIS (+ élément figuratif) no. 004054193, déposée le 28 septembre 2004 et enregistrée le 24 novembre 2005 dans les classes 01; 03; 05; 10; 38; 42, désignant notamment les produits pharmaceutiques;

Marque de l’Union européenne SANOFI-AVENTIS no. 004025318, déposée le 14 septembre 2004 et enregistrée le 3 novembre 2005 dans les classes 01; 03; 05; 09; 10; 16; 38; 41; 42; 44, désignant notamment les produits pharmaceutiques;

Marque Internationale SANOFI AVENTIS (+ élément figuratif), no. 849323, enregistrée le 17 février 2005 dans les classes 01; 03; 05; 10; 38; 42, désignant notamment les produits pharmaceutiques pour notamment l’Australie, la Georgie, le Japon, la République de Corée, les États-Unis d'Amérique, la Confédération suisse, la République populaire de Chine, la République de Cuba, la Roumanie, la Fédération de Russie, l’Ukraine;

Marque internationale SANOFI-AVENTIS, no. 839358, enregistrée le 1er octobre 2004 dans les classes 01; 03; 05; 09; 10; 16; 38; 41; 42; 44, désignant notamment les produits pharmaceutiques pour notamment l’Australie, la Georgie, le Japon, la République de Corée, les États-Unis d'Amérique, la Confédération suisse, la République populaire de Chine, République de Cuba, la Roumanie, la Fédération de Russie, l’Ukraine.

Le Requérant est également titulaire de divers noms de domaines tels <sanofi-aventis.com> enregistré le 14 mars 2004 et <sanofi-aventis.fr> enregistré le 18 décembre 2006.

Ces marques et noms de domaine sont tous antérieurs au nom de domaine litigieux <sanofiaventisrd.com> enregistré le 9 avril 2018.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant rappelle qu’il est un acteur majeur du marché pharmaceutique mondial. Il fait état de ses nombreuses marques antérieures visées ci-dessus, exploitées et connues, ainsi que des noms de domaine dont il est titulaire.

Le Requérant estime que le nom de domaine litigieux <sanofiaventisrd.com> est similaire au point de prêter à confusion avec les marques du Requérant en ce que les éléments verbaux des marques ne signifient rien et sont donc fortement distinctifs, et que le nom de domaine litigieux reproduit les marques du Requérant de manière quasiment identique, avec la différence minime de l’acronyme “rd” pour “recherche-développement” et la présence nécessaire de l’extension générique de premier niveau (“gTLD”), “.com”, insusceptibles d’éviter un risque de confusion. Ce risque étant aggravé, tenant spécialement la notoriété des marques du Requérant reconnue par des dizaines de Décisions des commissions administratives et visées dans la Plainte.

Le Requérant estime que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. Le Requérant soutient que le Défendeur n’a aucun lien avec le Requérant et que le nom le nom d'un employé de Sanofi a été usurpé pour le faire faussement apparaître comme le réservataire du nom de domaine litigieux. Le Requérant précise qu’il n’a pas autorisé le Défendeur auteur de l’usurpation à utiliser les marques ci-dessus visées dans le nom de domaine litigieux <sanofiaventisrd.com> pointant d’ailleurs vers une page inactive.

Le Requérant ajoute que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi. Le Requérant indique à cet effet que le Défendeur a usurpé l’identité d'un employé de Sanofi. Mais le Requérant précise que le numéro de téléphone et d’adresse email données par le réservataire n’ont aucun lien avec Sanofi. Selon le Requérant, le Défendeur dans ce contexte ne pouvait ignorer l’existence des marques notoires du Requérant, ceci établissant le caractère frauduleux de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Enfin, le Requérant a constaté la détention passive du nom de domaine litigieux qui renvoie à une page inactive, avec la considération que le réservataire du nom de domaine litigieux a caché son identité, ceci constituant un usage de mauvaise foi.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant explicités dans sa Plainte.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit: “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant désireux d’obtenir le transfert à son profit de nom de domaine enregistré par le défendeur de prouver contre ledit défendeur, cumulativement, que :

(i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur “est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou services sur laquelle le requérant a des droits”;

(ii) Le défendeur “n’[a] aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache”; et

(iii) Le nom de domaine “a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi”.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Commission administrative constate qu’effectivement, au vu du dossier communiqué, le Requérant dispose de droits de marque antérieurs à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Elle estime que le nom de domaine <sanofiaventisrd.com> est pratiquement identique aux marques du Requérant et, en tous cas, semblable au point de prêter à confusion. Peu importe, en effet, aux yeux de la Commission, l’absence de tiret entre les éléments nominaux “sanofi” et “aventis”. Peu importe, également, l’ajout des deux consonnes “rd” qui ne change guère la perception globale des marques du Requérant dans le nom de domaine litigieux et qui, au contraire, est susceptible d’accroître la confusion s’il devait être compris comme l’acronyme de “recherche développement”. Peu importe aussi l’adjonction dans le nom de domaine de l’extension “.com”, nécessaire, on le sait, pour des raisons techniques. L’internaute d’attention moyenne ne fera pas de différences entre les marques et le nom de domaine litigieux et aura la conviction que ledit nom traduit les marques par ailleurs très connues.

Le Défendeur, qui n’a pas répondu à la Plainte, n’a pas contesté cette similitude. Pour la Commission administrative, l’identité ou similitude du nom de domaine litigieux avec les marques SANOFI est donc bien établie.

B. Droits ou intérêts légitimes

La Commission administrative relève que le Requérant, titulaire de marques très connues (notamment annexe 7 du dossier), avance sans être contredit que le Défendeur n’a aucune relation avec le Requérant qui ne lui a concédé aucune autorisation d’enregistrer et d’utiliser le nom de domaine litigieux et que ce Défendeur, qui a assurément usurpé le nom patronymique sous lequel le nom de domaine a été enregistré, n’a jamais été connu par la dénomination “sanofi” ou “sanofi-aventis”. La Commission administrative décide que la preuve prima facie de l’absence de droit ou d’intérêt légitime est ainsi rapportée, d’autant que ce nom de domaine qui ne dirigeait pas vers un site actif ne pouvait permettre des offres de bonne foi de biens ou de services ni d’utilisation non commerciale légitime ou loyale du nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La Commission administrative estime effectivement qu’est établie par le Requérant la mauvaise foi du Défendeur dans l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Des indices déterminants de cette mauvaise foi, outre le fait pour le Défendeur d’avoir dissimulé son identité sous le nom précisément d’un employé du Requérant, tiennent à l’ancienneté des marques du Requérant, sinon notoires, du moins très connues et au fait que le nom de domaine litigieux reprend au quasi identique les marques du Requérant qui sont des termes arbitraires (“sanofi”, “aventis”), ne font pas partie du langage courant et sont totalement distinctives des produits ou services désignés. En enregistrant le nom de domaine litigieux le Défendeur ne pouvait pas ignorer l’existence des marques du Requérant et a nécessairement agi en vue d’en retirer un profit et intérêt indus.

De la même manière, la Commission administrative estime que la détention passive du nom de domaine litigieux qui ne renvoyait pas à une page active peut constituer un usage de mauvaise foi du nom de domaine en cause (voir Synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition (“Synthèse, version 3.0”), section 3.3. Spécialement les circonstances suivantes militent en ce sens: les marques sont totalement distinctives et connues, spécialement en France. Le réservataire du nom de domaine litigieux n’a pas révélé son identité, et il y a lieu de penser que ledit réservataire a usurpé le nom d’un employé de Sanofi, laquelle a fait savoir que ce dernier n’était évidemment pas concerné par le problème. Le titulaire de l’adresse email “philippemalepart@[addresse]” n’a pas répondu à la Plainte qui lui a été notifiée notamment à cette adresse email, ne contestant pas ce faisant les arguments du Requérant.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <sanofiaventisrd.com> soit transféré au Requérant.

Christian André Le Stanc
Expert Unique
Le 28 août 2018


1 Est attaché à la présente décision, comme Annexe 1, l’instruction de la Commission administrative donnée à l’Unité d’enregistrement en ce qui concerne le transfert du nom de domaine litigieux, incluant le nom du Défendeur. La Commission administrative a déterminé que le nom de domaine litigieux a été enregistré par le Défendeur qui a usurpé l’identité d’un tiers. La Commission administrative a autorisé le Centre à transmettre l’Annexe 1 à l’Unité d’enregistrement comme faisant partie du dispositif dans la présente procédure mais a indiqué que l’Annexe 1 de la décision ne doit pas être publiée dû aux circonstances du litige.