Le Requérant est Financo, de Guipavas, France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Mockel Haary, de Paris, France.
Le nom de domaine litigieux <cfinanco.com> est enregistré auprès d'Ascio Technologies Inc. (ci-après désigné "l'Unité d'enregistrement").
Une plainte a été déposée en français par Financo auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 3 août 2018. En date du 3 août 2018, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 7 août 2018, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l'identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 8 août 2018, le Centre a notifié aux Parties, en anglais et en français, que la langue du contrat d'enregistrement était l'anglais et a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l'Unité d'enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte amendée. Le 9 août 2018, le Requérant a déposé une plainte amendée et une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur n'a pas apporté de commentaires concernant cette demande relative à la langue de la procédure.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 15 août 2018, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur.
Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 4 septembre 2018. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 5 septembre 2018, le Centre notifiait le défaut du Défendeur
En date du 17 septembre 2018, le Centre nommait Louis-Bernard Buchman comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Le Requérant est une société financière française filiale du groupe Crédit Mutuel Arkea, spécialisée dans le crédit à la consommation et le financement des projets des particuliers comme des très petites entreprises. Avec plus de 400 salariés, le Requérant sert plus de 305000 clients particuliers.
Le Requérant est notamment titulaire de la marque française semi-figurative FINANCO (et logo), déposée auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle, enregistrée le 18 juin 2010 sous le numéro 3747380 (ci-après désignée "la Marque").
Le Défendeur est Mockel Haary, dont l'adresse renseignée est située en France.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <cfinanco.com> en date du 24 juillet 2018.
Le nom de domaine litigieux avant sa suspension renvoyait les internautes vers un site reprenant le contenu et ayant l'apparence du site officiel du Requérant "www.financo.fr". A la date à laquelle la présente décision est rendue, le nom de domaine est inactif.
(i) Le Requérant dispose d'un droit sur la Marque.
(ii) Le nom de domaine litigieux contient la Marque.
(iii) Le nom de domaine litigieux porte atteinte aux droits dont est titulaire le Requérant, en ce qu'il imite la Marque, et est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit des internautes en laissant croire que le site vers lequel pointait le nom de domaine litigieux, où sont proposés des services de financement, est lié au Requérant.
(iv) Le Défendeur n'a jamais été affilié au Requérant ni autorisé par lui à utiliser la Marque à quelque titre que ce soit. Le Défendeur ne peut justifier d'aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, le fait de se faire passer pour le Requérant pouvant en outre lui permettre de récupérer les informations personnelles des utilisateurs et manifestant une intention frauduleuse allant à l'encontre de tout droit ou intérêt légitime.
(v) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux et l'utilise de mauvaise foi.
(vi) Le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.
Le Défendeur n'a pas répondu aux arguments du Requérant.
L'Unité d'enregistrement a indiqué que le contrat d'enregistrement du nom de domaine litigieux était en langue anglaise. En ce qui concerne la langue de la procédure, le Requérant a demandé que la langue de la procédure soit le français compte tenu de l'identité, la nationalité et le lieu de résidence des parties.
Le Requérant invoque de surcroît, à l'appui de cette demande, le fait que la Marque est une marque française et que le site internet en lien avec le nom de domaine litigieux est rédigé en français, ce qui laisse présumer que le Défendeur est susceptible de comprendre le français.
Il appartient donc à la Commission administrative de se prononcer sur la langue de la procédure. Le Défendeur ne s'est pas opposé à cette demande. La Commission administrative, estimant que choisir une autre langue de procédure générerait des frais de traduction et des délais, et faisant application des dispositions du paragraphe 11(a) des Règles d'application et de son pouvoir d'appréciation, décide que le français sera la langue de la procédure.
Par ailleurs, il est rappelé que la Commission administrative est tenue d'appliquer le paragraphe 15(a) des Règles d'application qui prévoit que : "La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable".
Le paragraphe 10(a) des Règles d'application donne à la Commission administrative un large pouvoir de conduire la procédure administrative de la manière qu'elle juge appropriée, conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application, et elle doit aussi veiller à ce que la procédure soit conduite avec célérité (paragraphe 10(c) des Règles d'application).
En conséquence, la Commission administrative s'est attachée à vérifier, au vu des seuls arguments et pièces disponibles, si l'enregistrement et l'utilisation du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et si le Défendeur pouvait justifier de droits sur ce nom de domaine.
Dans le cadre de l'analyse de la première condition du paragraphe 4(a), la Commission administrative doit se contenter de constater si le droit de marque du Requérant existe ou non.
Au vu des pièces versées au dossier, la Commission administrative constate que le Requérant justifie de droits exclusifs sur la dénomination FINANCO, à titre de marque enregistrée.
Demeure alors la question de la comparaison entre cette dénomination d'une part et le nom de domaine litigieux d'autre part. Or le nom de domaine litigieux reproduit l'élément distinctif de cette dénomination.
En ce qui concerne l'identité ou la similitude de la Marque par rapport au nom de domaine litigieux, la seule différence consiste en l'ajout de la lettre "c" en tête du nom de domaine litigieux. Cette différence ne saurait aux yeux de la Commission administrative conférer un autre sens au nom de domaine litigieux ni permettre de le distinguer de la Marque.
Il est établi par ailleurs que les extensions de nom de domaine (telles que ".com"), nécessaires pour leur enregistrement, sont généralement sans incidence sur l'appréciation du risque de confusion, les extensions pouvant donc ne pas être prises en considération pour examiner la similarité entre la Marque du Requérant et le nom de domaine litigieux, conformément à nombre de décisions déjà rendues sous les Principes directeurs (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Accor c. Accors, Litige OMPI No. D2004-0998).
La Commission administrative estime que le public en général et les internautes en particulier pourraient penser que le nom de domaine litigieux renvoie au Requérant, ce nom de domaine litigieux étant similaire à la Marque sur laquelle le Requérant a des droits, au point de prêter à confusion (voir Citibank Privatkunden AG & Co. KGaA c. PrivacyProtect.org / N/A, indishi india mr.ugala, Litige OMPI No. D2010-1147; Credit Industriel et Commercial S.A., BanqueFédérative du Crédit Mutuel c. Headwaters MB, Litige OMPI No. D2008-1892; Banque Saudi Fransi c. ABCIB, Litige OMPI No. D2003-0656; Islamic Bank of Britain Plc c. Ifena Consulting, Charles Shrimpton, Litige OMPI No. D2010-0509; BPCE c. PrivacyProtect.org / Maksym Pastukhov, Litige OMPI No. D2010-1666).
Dans ces conditions, la Commission administrative constate que l'exigence du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est satisfaite.
Il est admis que, s'agissant de la preuve d'un fait négatif, une commission administrative ne saurait se montrer trop exigeante vis-à-vis d'un requérant. Lorsqu'un requérant a allégué le fait que le défendeur n'a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine, il incombe au défendeur d'établir le contraire, puisque lui seul détient les informations nécessaires pour ce faire. S'il n'y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes (Eli Lilly and Company c. Xigris Internet Services, Litige OMPI No. D2001-1086; Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624).
Aucun élément du dossier ne révèle qu'avant la naissance du litige, le Défendeur ait utilisé le nom de domaine litigieux, ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux, en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou qu'il ait fait des préparatifs sérieux à cet effet.
Le Défendeur n'est en aucune manière affilié au Requérant et n'a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la Marque ou à procéder à l'enregistrement d'un nom de domaine incluant la Marque.
Par ailleurs, le mutisme conservé par le Défendeur, qui a choisi de ne pas répondre à la plainte dans la présente procédure, ne permet pas de penser qu'il ferait un usage légitime et non commercial du nom de domaine litigieux.
Au contraire, le Requérant argue de la possibilité pour le Défendeur de faire usage du nom de domaine litigieux à des fins frauduleuses.
Dans ces conditions, la Commission administrative est d'avis que le Défendeur n'ayant pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache, l'exigence du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
La mauvaise foi doit être prouvée dans l'enregistrement comme dans l'usage.
En ce qui concerne l'enregistrement de mauvaise foi, la bonne foi du Défendeur lors de l'enregistrement ne ressort d'aucun document soumis au dossier.
La Commission administrative estime que le choix comme nom de domaine d'une marque déposée en la faisant précéder de la lettre "c" (qui ne saurait conférer un sens différent à la dénomination "FINANCO", ni permettre de le distinguer de la Marque), ne peut être le fruit d'une simple coïncidence.
De surcroît, le Défendeur a effectué cette réservation dans le but manifeste de se faire passer pour le Requérant en renvoyant les internautes vers un site présentant une grande similitude avec celui du Requérant.
Dans ces circonstances, la Commission administrative estime plus qu'improbable qu'au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux, le Défendeur ait pu ne pas avoir connaissance de la Marque.
Il est établi que le site vers lequel pointait le nom de domaine litigieux était utilisé à des fins lucratives, voire à des fins frauduleuses par hameçonnage.
En outre, l'usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le Défendeur peut aussi résulter du fait que son usage de bonne foi ne soit d'aucune façon plausible (voir Audi AG c. Hans Wolf, Litige OMPI No. D2001-0148), compte tenu de la spécificité de l'activité du Requérant.
La Commission administrative conclut qu'en détenant et utilisant le nom de domaine litigieux à des fins lucratives ou frauduleuses et en ne se manifestant pas dans la présente procédure administrative, le Défendeur a procédé à une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
Il en résulte que les trois éléments prévus au paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <cfinanco.com> soit transféré au Requérant.
Louis-Bernard Buchman
Expert Unique
Le 1er octobre 2018