Le Requérant est Micromania Group de Valbonne, France, représenté par AARPI Scan Avocats, France.
Le Défendeur est Contact Privacy Inc. Customer 0152848115 de Toronto, Ontario, Canada / Cyprien Regulski, Micromania-france de Lille, France.
Le nom de domaine litigieux <micromania-france.com> est enregistré auprès de Tucows Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Micromania Group auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 29 octobre 2018. En date du 29 octobre 2018, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 29 octobre 2018, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 30 octobre 2018, le Centre a notifié aux Parties, en anglais et en français, que la langue du contrat d’enregistrement était l’anglais. En outre, le même jour, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement une plainte amendée. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 31 octobre 2018 comprenant les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux et une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur n’a pas apporté de commentaires concernant la demande du Requérant portant sur la langue de la procédure.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 8 novembre 2018, une notification en anglais et en français de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 novembre 2018. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. Le 29 novembre 2019, le Centre a notifié le défaut du Défendeur.
En date du 13 décembre 2018, le Centre nommait Christian André Le Stanc comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
La Plainte a été déposée en français. Le contrat d’enregistrement était rédigé en anglais. La Commission administrative, en application du paragraphe 11(a) des Règles d’application, décide toutefois que la langue de la procédure sera le français en raison de ce que le Requérant est une entreprise française ayant son siège en France et dont le représentant autorisé est un cabinet d’avocats exerçant à Paris; en raison de ce que le Défendeur apparaît être domicilié en France; et en raison de ce que, en octobre 2018, le nom de domaine litigieux renvoyait à un site internet rédigé en français (Annexe G de la Plainte).
Le Requérant, créé en 1983, société Micromania France, nouvellement dénommée Micromania Group, est une entreprise française commercialisant des jeux vidéo, des consoles, PC et consoles portables en magasins physiques (440 succursales) en France et en ligne. Rachetée en 2008 par la société américaine GameStop, elle est leader en France et à l’international de son marché (Annexes D3 et D4 de la Plainte).
La Requérante est notamment titulaire des marques suivantes qu’elle exploite (Annexes E1 à E4 de la Plainte) :
- MICROMANIA, marque verbale française n° 3452198, déposée le 25 septembre 2006 en classes 9, 35 et 41 et dûment renouvelée;
- MICROMANIA, marque verbale française n° 3453569, déposée le 29 septembre 2006 en classes 16, 25, 28, 38 et 42 et dûment renouvelée;
- MICROMANIA, marque verbale internationale n° 933880, déposée le 16 mars 2007 en classes 9, 16, 25, 28, 35, 38, 41 et 42 désignant le Benelux, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, le Portugal, et la Fédération de Russie.
La requérante est également titulaire des noms de domaine ci-après qu’elle exploite dans le cadre de ses activités (Annexes F1 à F4) :
- <micromania.fr> réservé le 23 mars 2009
- <micromania.com> réservé le 30 décembre 1996
- <micromania.eu> réservé le 29 août 2006
- <micromania.net> réservé le 29 juillet 2006
Ces marques et noms de domaines sont tous antérieurs au nom de domaine litigieux : <micromania-france.com> enregistré le 3 octobre 2018.
Au moment du dépôt de la plainte, le site web vers lequel dirigeait le nom de domaine litigieux proposait gratuitement les mêmes produits que ceux du Requérant. A la date à laquelle la présente décision est rendue, le nom de domaine litigieux est inactif.
Le Requérant relève, quant à l’identité du réservataire du nom de domaine litigieux, que le Défendeur a fait ses meilleurs efforts pour dissimuler son identité et que les renseignements obtenus du Centre font état d’un titulaire nommé Cyprien Regulski et dont les coordonnées paraissent fantaisistes. À preuve notamment l’adresse email “[…]@gmail.com” indiquée parmi les coordonnées du Défendeur qui inclue le nom du Vice-Président Senior Europe du Groupe GameStop, entité apparentée au Requérant.
Le Requérant ajoute que le nom de domaine litigieux <micromania-france.com> renvoyait, à la date du 17 octobre 2018, à un site de commerce électronique proposant la commande de jeux vidéo et d’accessoires à titre gratuit et reproduisant les marques du Requérant (Annexe G de la Plainte). Ce site invitait les internautes à rejoindre une communauté de “mineurs” de “bitcoins”. Or, selon le Requérant, le minage de crypto monnaies est une activité très courue parmi la communauté des “gamers” en ligne, généralement équipés d’ordinateurs dotés d’une haute capacité de calcul, ressource indispensable au fonctionnement des crypto monnaies.
Le Requérant indique qu’il est titulaire de nombreuses marques MICROMANIA et noms de domaines antérieurs, exploités de manière sérieuse et continue en France. En outre, le Requérant allègue que le nom de domaine litigieux est similaire, au point de prêter à confusion, aux droits antérieurs du Requérant dans la mesure où il reproduit la marque MICROMANIA dans son intégralité et diffère de celle-ci de par les adjonctions de l’extension générique de premier niveau (“gTLD”), du terme géographique “France”, et d’un trait d’union entre les termes “Micromania” et “France”.
Le Requérant poursuit que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, car, à la connaissance du Requérant, le Défendeur n’a jamais été connu sous le nom de “Micromania France”; n’a jamais été autorisé à utiliser ou à réserver les marques antérieures du Requérant; n’est en aucune manière lié au Requérant, n’en est pas un distributeur et n’exerce aucune activité pour le compte dudit Requérant.
Pour établir que le Défendeur a enregistré de mauvaise foi le nom de domaine litigieux, le Requérant précise qu’il dispose d’une forte notoriété sur ce terme “Micromania” qui ne fait pas partie du langage courant ; qu’une recherche sur le moteur Google démontre que la quasi-totalité des résultats affichés concernent le Requérant ; que le Défendeur a utilisé le service d’anonymisation de l’unité d’enregistrement pour dissimuler volontairement son identité, compte tenu des activités illicites réalisées, et que la mauvaise foi est notamment caractérisée du fait que le Défendeur proposait gratuitement sur le site internet vers lequel le nom de domaine dirigeait les mêmes produits que ceux du Requérant.
Pour établir que le Défendeur a utilisé de mauvaise foi le nom de domaine litigieux le Requérant produit l’extrait du site du Défendeur proposant la commande à titre gratuit de jeux vidéo en sollicitant les internautes de rejoindre la communauté des mineurs de crypto monnaies ce qui laisserait à penser que Micromania serait à l’origine d’un nouveau système de minage de crypto monnaies qu’elle échangerait comme des produits, en l’occurrence des jeux vidéo et accessoires gratuits. Le Requérant rappelle en ce sens la Décision Litige OMPI No. D2009-0246, SFMI – MICROMANIA c. Poste-express¸ dans laquelle il a été jugé que l’exploitation d’un site reproduisant la marque MICROMANIA ne peut être considéré comme un usage au titre de la bonne foi).
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit : “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant désireux d’obtenir le transfert à son profit de nom de domaine enregistré par le défendeur de prouver contre ledit défendeur, cumulativement, que :
(i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur “est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou services sur laquelle le requérant a des droits” ;
(ii) Le défendeur “n’[a] aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache” ; et
(iii) Le nom de domaine “a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi”.
La Commission administrative constate qu’effectivement, au vu du dossier communiqué, le Requérant dispose de droits de marques antérieurs à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Elle estime que le nom de domaine litigieux <micromania-france.com> est pratiquement identique aux marques MICROMANIA et est en tous cas semblable au point de prêter à confusion avec elles aux yeux des internautes. Le nom de domaine litigieux incorpore entièrement la marque MICROMANIA, distinctive pour les produits ou services concernés, et peu importe le tiret entre les termes “micromania” et “france”, l’ajout du terme géographique “France” et la présence dans le nom de domaine du suffixe gTLD “com”, nécessaire on le sait pour des raisons techniques. L’internaute d’attention moyenne ne fera pas de différence et aura la conviction, selon la Commission administrative, que le nom de domaine litigieux traduit la marque MICROMANIA, par ailleurs renommée dans le domaine de l’informatique et des jeux vidéo. Le Défendeur qui n’a pas répondu à la Plainte n’a donc pas contesté ce point.
Pour les raisons exposées ci-avant, la condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
La Commission administrative relève que le Requérant, titulaire de marques antérieures distinctives et connues, avance, sans être contredit, que le Défendeur n’a aucune relation avec le Requérant qui ne lui a concédé aucune autorisation d’enregistrer ou d’utiliser le nom de domaine litigieux et que le Défendeur n’a jamais été connu sous la dénomination de Micromania, n’en est pas un distributeur et n’exerce aucune activité pour le compte du Requérant. Il n’a donc pas pu être constaté une offre de bonne foi de biens ou de services ni d’utilisation non commerciale légitime ou loyale du nom de domaine en cause.
Pour les raisons exposées ci-avant, la condition du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.
Comme le Requérant le prétend, l’enregistrement du nom de domaine litigieux, dont il était facile de s’assurer de la disponibilité par une recherche sur l’internet, ne saurait résulter du hasard. En outre, l’email de contact du titulaire du nom de domaine litigieux qui est constitué des nom et prénom d’un dirigeant de la maison mère du Requérant démontre un comportement de mauvaise foi. La Commission administrative estime, également, que le Défendeur a sollicité l’anonymisation de sa réservation du nom de domaine litigieux pour dissimuler volontairement son identité afin de rendre difficile la sanction de son projet d’activités illicites menées sur le site vers lequel dirigeait le nom de domaine litigieux, site qui proposait gratuitement les mêmes produits que ceux du Requérant dans un but néanmoins intéressé. Ces faits constituent, aux yeux de la Commission administrative, un enregistrement effectué de mauvaise foi, ce que le Défendeur, défaillant, ne dément pas.
La Commission administrative estime, par ailleurs, que le Défendeur a procédé à un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux, précisément dans l’exploitation du site visé ci-dessus et reproduisant la marque du Requérant. Ce site, de plus, incite les internautes clients de Micromania à rejoindre une communauté de “mineurs” de “bitcoin”. Ce faisant, le Défendeur a dès lors sciemment tenté d’attirer à des fins lucratives les utilisateurs de l’internet en créant une probabilité de confusion en ce qui concerne la source du site dont s’agit, ce que le Défendeur, défaillant, ne conteste pas davantage. En outre, la Commission administrative estime que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur perturbent les opérations commerciales du Requérant.
Pour les raisons exposées ci-avant, la condition du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <micromania-france.com> soit transféré au Requérant.
Christian André Le Stanc
Expert Unique
Le 16 décembre 2018