Le Requérant est Natixis, de Paris, France, représenté par Inlex IP Expertise, France.
Le Défendeur est Marcel Brient, d’Ile-de-France, France.
Le nom de domaine litigieux <factor-natixis.com> est enregistré auprès de Gandi SAS (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Natixis auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 9 janvier 2019. En date du 10 janvier 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 14 janvier 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 14 janvier 2019, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte ou une plainte amendée. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 16 janvier 2019.
Le Centre a vérifié que la plainte, et la plainte amendée, répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 18 janvier 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 7 février 2019. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 8 février 2019, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 12 février 2019, le Centre nommait Christophe Caron comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est la société Natixis, établissement bancaire et financier.
Le Requérant est notamment titulaire des marques ci-après, incluant le terme “natixis” :
- Marque verbale française NATIXIS n° 3416315 enregistrée le 14 mars 2006 en classes 9, 16, 35, 36, 38 par le Requérant.
- Marque verbale de l’Union européenne NATIXIS FACTOR n° 5589874 enregistrée le 10 décembre 2007 en classes 35, 36, 38 par le Requérant.
- Marque verbale de l’Union européenne NATIXIS n° 5129176 enregistrée le 21 juin 2007 en classes 9, 16, 35, 36, 38 par le Requérant.
Le Requérant possède également plusieurs noms de domaine comprenant le terme “natixis”, tels que le nom de domaine <natixis.com> enregistré le 3 février 2005, ou le nom de domaine <natixis.fr> enregistré le 20 octobre 2006.
Le nom de domaine litigieux <factor-natixis.com> a été enregistré le 27 novembre 2018 par Marcel Brient. Le Défendeur a envoyé des emails frauduleux aux clients du Requérant via l’adresse “[…]@factor-natixis.com”, créée à partir du nom de domaine litigieux. Le nom de domaine litigieux redirige actuellement vers une page parking de l’Unité d’enregistrement.
Le Requérant a décidé de s’adresser au Centre afin que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.
En premier lieu, le Requérant soutient qu’il est titulaire de droits de marque, en France et à l’étranger, sur les termes ”natixis” et “natixis factor”. Il précise qu’il exploite ces marques pour identifier ses activités dans le domaine bancaire et financier. Il ajoute que la marque NATIXIS FACTOR est exploitée pour identifier l’activité d’affacturage du Requérant, laquelle est présentée sur le site Internet de la Requérante à l’adresse suivante : “www.factor.natixis.com”.
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux <factor-natixis.com> reproduit les marques NATIXIS et NATIXIS FACTOR, en inversant l’ordre des deux éléments de cette dernière. Il précise que NATIXIS n’a pas de signification particulière et correspond à la marque phare et distinctive du Requérant. Il en conclut qu’il existe un risque élevé que le consommateur puisse croire que le nom de domaine <factor-natixis.com> appartient au Requérant. En conséquence, le Requérant affirme que le nom de domaine litigieux est similaire à ses marques antérieures NATIXIS et NATIXIS FACTOR au point de prêter confusion avec celles-ci.
En deuxième lieu, le Requérant soutient que le Défendeur n’a pas de droit, y compris de droit de marque, sur les termes “natixis” et “natixis factor”. Il souligne qu’il n’a pas de relation juridique ni d’affaire avec le Défendeur, et qu’il n’a pas autorisé le Défendeur à utiliser les dénominations NATIXIS et NATIXIS FACTOR. Enfin, il précise que le nom de domaine litigieux ne redirige vers aucun site actif. En conséquence, le Requérant affirme que le Défendeur est dépourvu de droits sur le nom de domaine litigieux.
En troisième et dernier lieu, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi. Tout d’abord, le Requérant souligne qu’au regard de la notoriété de la marque NATIXIS, notamment sur le territoire français, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en pleine connaissance de la marque du Requérant, et par conséquent de mauvaise foi. Ensuite, le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux est utilisé de mauvaise foi. Il soutient que ce nom de domaine n’est pas actif de sorte qu’il n’y a aucune offre réelle et substantielle de produits et/ou services sur le site associé au nom de domaine. En outre, il explique que le nom de domaine litigieux est utilisé par le Défendeur à des fins frauduleuses et qu’il aurait été réservé dans le but d’adresser des emails aux clients du Requérant afin de détourner des paiements (il verse à l’appui de cette allégation un exemple d’email frauduleux envoyé via une adresse email créée à partir du nom de domaine litigieux). Enfin, il ajoute que l’adresse postale renseignée par le Défendeur n’existe pas. En conséquence, le Requérant affirme que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
La Commission administrative constituée pour trancher le présent litige se cantonnera à l’application des Principes directeurs. Il s’agit donc de vérifier, pour prononcer ou refuser un transfert ou une radiation de nom de domaine, que les conditions exprimées par les Principes directeurs sont cumulativement réunies.
En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la procédure administrative n’est applicable qu’en ce qui concerne un litige relatif à une accusation d’enregistrement abusif d’un nom de domaine sur la base des critères suivants :
i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;
ii) Le titulaire du nom de domaine n’a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;
iii) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Requérant a justifié de ses droits sur plusieurs marques, ci-dessus rappelées, contenant NATIXIS et NATIXIS FACTOR.
Il existe une forte similitude prêtant à confusion entre le nom de domaine litigieux <factor-natixis.com> et les marques susvisées du Requérant. En effet, les marques du Requérant sont intégralement reproduites au sein du nom de domaine litigieux, et la seule inversion des termes “factor” et “natixis” n’est pas de nature à diminuer la similarité entre le nom de domaine litigieux et les marques du Requérant
Par ailleurs, l’extension générique de premier niveau (“gTLD”) “.com” ne peut avoir aucune incidence sur le fait que le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion avec les marques du Requérant.
Le nom de domaine litigieux est donc similaire au point de prêter à confusion avec les marques antérieures composées de NATIXIS et NATIXIS FACTOR, sur lesquelles le Requérant a des droits.
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
La Commission administrative n’a connaissance d’aucun droit ou intérêt légitime du Défendeur sur le nom de domaine litigieux, étant donné que le Défendeur n’a présenté aucune défense.
Par ailleurs, le Requérant affirme que le Défendeur n’est pas affilié à sa société, ni autorisé par lui-même de quelque sorte que ce soit. Le Requérant n’a jamais mené une quelconque activité avec le Défendeur. Ainsi, aucune autorisation n’a été accordée au Défendeur de faire une quelconque utilisation des marques du Requérant lui permettant d’enregistrer le nom de domaine litigieux.
Pour ces raisons, la Commission administrative tient la deuxième condition posée par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs comme remplie.
Il s’avère que le choix de ce nom de domaine par le Défendeur ne peut être le fruit du hasard, étant donné que la marque NATIXIS bénéficie d’une certaine notoriété en France. En conséquence, le Défendeur, personne physique résidant en France, ne pouvait, à la date de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, ignorer l’existence de la marque du Requérant.
Par ailleurs, il peut être déduit des circonstances d’espèce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. En effet, le fait que les marques du Requérant soient reproduites, dans leur intégralité, au sein du nom de domaine litigieux (i), que le Défendeur se soit abstenu, malgré la possibilité qui lui était offerte, de justifier d’une utilisation de bonne foi, réelle ou envisagée par lui, du nom de domaine litigieux (ii), que le nom de domaine renvoie vers un site internet inactif (iii), que le nom de domaine semble être utilisé à des fins frauduleuses dans un but de phishing (iv) sont autant d’éléments qui caractérisent la mauvaise foi du Défendeur.
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la troisième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <factor‑natixis.com> soit transféré au Requérant.
Christophe Caron
Expert Unique
Le 21 février 2019