Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Vente-privée.com / Vente-privée.com IP S.à.r.l. contre Abdellah Labiad

Litige No. D2019-0177

1. Les parties

Les Requérants sont Vente-privée.com de La Plaine Saint Denis, France / Vente-privée.com IP S.à.r.l. de Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg, représentés par Cabinet Degret, France.

Le Défendeur est Abdellah Labiad de Delle, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> est enregistré auprès de GoDaddy.com, LLC (ci‑après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Vente-privée.com et Vente-privée.com IP S.à.r.l. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 24 janvier 2019. En date du 25 janvier 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 25 janvier 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 28 janvier 2019, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte ou une plainte amendée. Le Centre a également indiqué au Requérant que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux était l’anglais. La plainte ayant été déposée en français, le Centre a invité le Requérant à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les parties pour que la procédure se déroule en français, ou une plainte traduite en anglais ou encore une demande motivée pour que le français soit la langue de la procédure.

Le Requérant a déposé une requête motivée pour que le français soit la langue de la procédure le 31 janvier 2019 et a déposé un amendement à la plainte le 1er février 2019 modifiant les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux.

Le Centre a vérifié que la plainte et l’amendement à la plainte répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 7 février 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 27 février 2019. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 28 février 2019, le Centre notifiait le défaut du Défendeur. Le même jour, le Défendeur a envoyé un courrier électronique au Centre en indiquant ne pas utiliser le nom de domaine litigieux.

En date du 5 mars 2019, le Centre nommait Marie-Emmanuelle Haas comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. La langue de la procédure

Le Centre a accusé bonne réception de la requête des Requérants pour que le français soit la langue de la procédure et a invité le Défendeur à présenter ses commentaires jusqu’au 2 février 2019.

Le Défendeur n’a pas répondu.

Conformément au paragraphe 11(a) des Règles UDRP:

“Sauf accord contraire des parties ou mention contraire dans le contrat d’enregistrement, la langue de la procédure administrative sera la langue du contrat d’enregistrement, à moins que le panel n’en décide autrement au regard des circonstances de la procédure administrative.”

Il est apparu suite au dépôt de la plainte que la langue du contrat d’enregistrement est l’anglais.

Les Requérants ont maintenu leur choix de la langue française dans leur requête du 31 janvier 2019, qui a fait suite à la communication de cette information et de la divulgation des données d’identification du titulaire mis en cause.

Le titulaire du nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> est domicilié en France, est inscrit au registre du commerce et des sociétés en France pour exercer une activité de “Vente à distance sur catalogue général”, c’est-à-dire de vente en ligne. Les Requérants en concluent qu’il est évident que le Défendeur parle, lit et écrit couramment le français.

Ils ajoutent que l’équité conduit à choisir le français car:

- le Maroc est un pays francophone;
- le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> est constitué de l’association de termes français;
- la traduction de la plainte et des pièces engendrerait des coûts importants et disproportionnés, du fait que le Défendeur comprend le français.

La Commission administrative prend en compte ces éléments.

Le français a effectivement le statut de langue officielle au Maroc et le contenu site accessible à partir du nom de domaine litigieux est en français.

Pour l’ensemble des raisons invoquées, la procédure peut donc être poursuivie en français.

5. Les faits

Les Requérants sont la société française Vente-privée.com et sa filiale, la société luxembourgeoise Vente‑privée.com IP S.à.r.l., respectivement immatriculées en 2001 et 2011.

Elles appartiennent au même groupe, la première étant domiciliée en France, la seconde, domiciliée au Luxembourg, étant une de ses filiales.

Les Requérants exercent une activité de vente et d’achat en ligne de produits et services.

Ils revendiquent la titularité de trois noms de domaine, sans qu’il soit précisé qui de l’un ou de l’autre en est titulaire:

- <venteprivee.ma> enregistré en 2014;
- <vente-privee.ma> enregistré en 2014;
- <vente-privee.co.ma> enregistré en 2018.

La société française Vente-privée.com est titulaire des marques suivantes :

- marque française semi-figurative VENTE-PRIVEE.COM n° 3318310 enregistrée le 14 octobre 2004;
- marque de l’Union européenne semi-figurative VENTE-PRIVEE.COM n° 5413018 enregistrée le 20 décembre 2007;
- marque de l’Union européenne semi-figurative VENTE-PRIVEE n° 11991965 enregistrée le 3 janvier 2014;
- marque française semi-figurative VENTE-PRIVEE-VOYAGE.COM n° 3812981 enregistrée le 9 mars 2011.

La société luxembourgeoise Vente-privée.com IP S.à.r.l. est titulaire de la marque suivante :

- marque internationale semi-figurative VENTE-PRIVEE n° 1116436 enregistrée le 23 février 2012.

Le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> a été enregistré le 27 février 2018.

Suite à la levée de la confidentialité des données d’identification du titulaire, le titulaire a été identifié comme étant Abdellah Labiad, domicilié en France.

Comme déjà exposé, selon les données figurant sur son extrait Kbis, il exerce une activité de “vente à distance sur un catalogue général”.

Il exploite le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> pour rediriger vers une page parking référençant, sous la forme de liens publicitaires, des sites dédiés à des offres de voyages au Maroc, qui sont des offres concurrentes de celles proposées par les Requérants. Le contenu de ces sites est rédigé en français.

La page accessible propose ces liens et également le rachat du nom de domaine litigieux.

6. Argumentation des parties

A. Requérant

Les Requérants décrivent leur activité comme étant “l’achat et la vente de tous produits et services via les outils du commerce électronique, ainsi que la fourniture de conseils dans le domaine du e-commerce”.

Ils sont parmi les leaders du e-commerce et leurs marques sont aujourd’hui mondialement connues.

Pour prouver cette notoriété, les Requérants énumèrent le nombre de ventes organisées, de commandes expédiées, de produits vendus, de membres inscrits sur le site et d’embauches, ce qui révèle des chiffres très importants.

Ils indiquent que leur société est valorisée à hauteur de la somme de 3 milliards USD.

Le nombre de visiteurs de leur site “www.vente-privee.com” se compte en millions et il s’agit d’un des sites les plus visités au monde, toutes catégories confondues.

Ce site est connu du grand public, comme le démontrent les articles de presse communiqués.

Ils ajoutent que ce rayonnement mondial et l’ampleur de leur activité sont reflétés par le chiffre d’affaire qui ne cesse de croître, et qui est réalisé grâce à l’exploitation des marques du groupe.

Les Requérants invoquent les récompenses diverses qu’ils ont reçu, qui contribuent à élargir leur public de façon internationale.

Ils concluent en affirmant que la notoriété de leurs signes distinctifs a déjà été reconnue par de nombreuses instances officielles comme des offices de marque, des juridictions judiciaires, des institutions de règlement de litiges entre marques et noms de domaine, etc.

Ils précisent qu’au Maroc, les marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM sont notoirement connues car leur présence dans les médias est élargie, les consommateurs locaux ayant accès aux médias francophones et marocains. Le site est accessible en version française et est très visité.

Ils ajoutent que leurs droits sont reconnus au Maroc et invoquent à l’appui de cette affirmation une décision rendue dans le cadre de deux procédures extra-judiciaires respectueusement relatives aux noms de domaine <vente-privee.ma> et <vente-privee.co.ma>, qui ont ordonné le transfert de ces noms de domaine.

1. Le nom de domaine est semblable, au point de prêter à confusion, avec les marques des Requérants :

Les Requérants opposent leurs marques semi-figuratives VENTE PRIVEE, VENTE-PRIVEE.COM et VENTE-PRIVEE VOYAGES.

Pour la société française Vente-privée.com :

- marque française semi-figurative VENTE-PRIVEE.COM n° 3318310 enregistrée le 14 octobre 2004;
- marque de l’Union européenne semi-figurative VENTE-PRIVEE.COM n° 5413018 enregistrée le 20 décembre 2007;
- marque de l’Union européenne semi-figurative VENTE-PRIVEE n° 11991965 enregistrée le 3 janvier 2014;
- marque française semi-figurative VENTE-PRIVEE-VOYAGE.COM n° 3812981 enregistrée le 9 mars 2011.

Pour la société luxembourgeoise Vente-privée.com :

- marque internationale semi-figurative VENTE-PRIVEE n° 1116436 enregistrée le 23 février 2012.

Ils soulignent que ces marques ont été déposées avant la date de création du nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com>, qui a eu lieu le 27 février 2018. Les marques sont notamment protégées pour la promotion des ventes et les services concernant les voyages.

Ils font valoir que ledit nom de domaine reprend l’élément verbal des marques VENTE-PRIVEE et VENTE‑PRIVEE.COM, que l’adjonction du terme “Maroc”, en réalité, accentue cette confusion.

Les Requérants concluent que le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> doit être considéré comme étant similaire au point de prêter à confusion avec leurs marques VENTE-PRIVEE et VENTE‑PRIVEE.COM.

2. Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache :

Les Requérants affirment que le Défendeur n’est pas connu sous tout ou partie du nom de domaine litigieux <venteprivee‑maroc.com> et ne détient aucun droit sur la dénomination VENTE-PRIVEE.COM.

Ils appuient cette affirmation en expliquant que l’enregistrement du nom de domaine litigieux a été fait en 2018, soit bien après qu’ils aient commencé à exploiter leur site internet.

Ils ajoutent qu’ils n’ont jamais eu connaissance d’un tiers ayant des droits de marque correspondant à leur dénomination ou d’un tiers ayant invoqué des droits antérieurs à leur encontre.

Ils n’ont jamais autorisé la réservation ou l’usage du nom de domaine litigieux par le Défendeur, qui n’a jamais fait de réclamation contre eux. S’il avait été connu sous tout ou partie du nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com>, le Défendeur aurait renseigné son identité et ses coordonnées.

Ils expliquent que le simple accès au site “www.venteprivee-maroc.com” par le nom de domaine <venteprivee‑maroc.com> pour proposer des liens publicitaires confère un caractère commercial à l’exploitation, le Défendeur n’ayant aucun projet d’exploitation légitime et sérieux du nom de domaine litigieux<venteprivee‑maroc.com>.

Ils ajoutent que le Défendeur n’a pas créé de site internet ayant un véritable contenu, alors qu’il a eu un an pour le faire. Il est responsable du contenu du site existant et veut uniquement profiter de la notoriété des marques des Requérants.

Ils rappellent que selon la jurisprudence, l’exploitation d’un nom de domaine identique à une marque notoire, en relation avec un contenu publicitaire, ne constitue ni une offre non commerciale légitime ni une exploitation de bonne foi.

L’usage du nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> est effectué afin de détourner les internautes en créant sciemment une confusion avec les marques VENTE-PRIVEE et VENTE‑PRIVEE.COM, pour en tirer un profit financier.

Le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> est utilisé à des fins lucratives, ce qui nuit à l’image des Requérants.

3. Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi :

Le Défendeur est un entrepreneur individuel exerçant son activité dans le domaine de la vente à distance, il avait donc forcément connaissance des droits antérieurs des Requérants en tant que professionnel du même secteur lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com>, le Défendeur avait évidemment leurs droits à l’esprit.

Le Défendeur tente sciemment d’attirer les utilisateurs du site des Requérants à des fins lucratives en créant un risque de confusion avec leurs marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM.

Il fait un usage commercial non légitime du nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com>, pour détourner les internautes et drainer du trafic en profitant de la notoriété des marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM.

Le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> a été enregistré afin d’empêcher les Requérants de décliner leurs marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM avec le nom d’un pays, le Maroc, à titre de nom de domaine.

Les Requérants rappellent que la mauvaise foi est aggravée lorsque le nom de domaine litigieux est proche de droits de marques activement défendus.

Les Requérants demandent le transfert du nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> au profit de la société française Vente-privée.com, qui est titulaire des marques VENTE-PRIVEE.COM en vigueur en France.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments des Requérants.

6. Discussion et conclusions

Les Requérants invoquent la notoriété mondiale de leurs marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM et pour la prouver énumèrent le nombre important de ventes organisées, de commandes expédiées, de produits vendus, de membres inscrits sur le site et d’embauches.

Ils mettent en avant l’estimation de leur société, leur nombre de visiteurs sur leur site, des articles de presses nombreux et élogieux et leur chiffre d’affaire croissant.

Ils montrent qu’ils ont reçu des récompenses diverses et que leur notoriété a déjà été reconnue, par de nombreuses instances officielles comme l’OMPI.

Ils ajoutent que leur notoriété est établie au Maroc aussi du fait de la connaissance par les Marocains de la langue française qui est une des langues officielles du pays, ils ont donc accès aux médias français en plus des médias marocains et visitent la version française du site.

Compte tenu des faits décrits par les Requérants, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la renommée des marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM est indiscutable, en France et également au Maroc, qui sont les deux pays concernés par les faits mis en cause.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Les Requérants justifient de leurs droits sur les marques antérieures au nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> et renommées VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM (voir les marques citées ci-dessus dans les sections 5 et 6).

Les marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM des Requérants sont facilement identifiables dans le nom de domaine litigieux.

La seule différence entre le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> et les marques des Requérants est l’ajout du nom du pays “Maroc”. L’extension générique de premier niveau (“gTLD”), “.com”, n’est pas prise en compte.

Le nom de domaine litigieux est construit selon le même schéma que la marque VENTE‑PRIVEE-VOYAGE.COM.

L’ajout du nom d’un pays n’est pas de nature à exclure tout risque de confusion avec les marques opposées des Requérants VENTE-PRIVEE, VENTE-PRIVEE.COM.

Bien au contraire, elle est en relation directe avec le secteur des voyages, pour lequel les marques opposées sont protégées, et qui est clairement signifié dans la marque VENTE-PRIVEE-VOYAGE.COMS.

Il y a donc une similitude prêtant à confusion entre les marques des Requérants et le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com>.

Compte tenu des faits décrits par les Requérants, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

La preuve des droits sur un nom de domaine ou de l’intérêt légitime qui s’y attache peut-être constituée, en vertu des paragraphes 4(a)(ii) et 4(c) des Principes directeurs, en particulier, par l’une des circonstances ci‑après :

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services a été utilisé ou des préparatifs sérieux ont été mis en œuvre à cet effet;

(ii) le titulaire est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

(iii) il fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Le Défendeur n’a aucun droit de marque sur le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> et n’est pas connu sous ce nom.

Il ne fait pas un usage de bonne foi du nom de domaine litigieux et ternit les marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM des Requérants.

Au contraire, il en fait un usage à titre commercial, en bénéficiant de la rémunération au clic générée par la page parking à laquelle il donne accès.

Il détourne ainsi les clients des Requérants de façon déloyale, et utilise son nom de domaine <venteprivee‑maroc.com> dans un but lucratif en créant une confusion avec les marques renommées des Requérants VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM.

Compte tenu des faits décrits par les Requérants, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Aux fins du paragraphe (4)(a)(iii) des Principes directeurs, la preuve de ce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la Commission administrative, par les circonstances ci-après (paragraphe 4(b) des Principes directeurs) :

(i) les faits montrent que le nom de domaine a été enregistré ou acquis essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais déboursés par le titulaire en rapport direct avec ce nom de domaine;

(ii) le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, le titulaire étant coutumier d’une telle pratique;

(iii) le nom de domaine a été enregistré essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, le titulaire a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les internautes sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

A défaut de réponse à la plainte, le Défendeur n’a fourni aucune preuve de tout éventuel enregistrement et/ou usage de bonne foi, actuel ou envisagé, du nom de domaine litigieux.

Les marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM des Requérants sont distinctives et renommées dans le domaine de la vente à distance. Le Requérant est domicilié en France, exerce une activité de vente à distance en France.

La reprise de ces marques avec le simple ajout du nom de pays “Maroc” dans le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> ne peut être le fait du hasard.

L’enregistrement du nom de domaine <venteprivee-maroc.com> a été suivi d’un usage pour donner accès à une page parking qui génère, au profit du titulaire, une rémunération fonction du nombre de clics sur les annonces référencées.

Les liens publicitaires proposés redirigent vers des sites dédiés à des offres de voyages au Maroc, qui sont des offres concurrentes de celles proposées par les Requérants.

Le choix de l’ajout du nom de pays “Maroc” est donc très clairement en lien avec l’objet des liens publicitaires.

La page accessible à partir du nom de domaine litigieux, qui propose ces liens, propose également le rachat de ce nom de domaine.

Cet enregistrement a donc été effectué dans un but lucratif, pour bénéficier indûment de la renommée des marques VENTE-PRIVEE et VENTE-PRIVEE.COM.

L’objectif du Défendeur est de profiter de leur renommée pour détourner des internautes et bénéficier des revenus générés par les paiements au clic, pour donner accès à des sites de concurrents des Requérants.

Cela caractérise un usage de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii): “en utilisant ce nom de domaine, le titulaire a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les internautes sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”

Compte tenu des faits décrits par les Requérants, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(iii) et 4(b) des Principes directeurs est remplie.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <venteprivee-maroc.com> soit transféré à la société française Vente-Privée.com.

Marie-Emmanuelle Haas
Expert Unique
Le 19 mars 2019