La Requérante est Baii Recouvrement S.A., France, représentée par Nameshield, France.
Le Défendeur est Domain Admin, Privacy Protect, LLC (PrivacyProtect.org), les Etats Unis d’Amérique / Achraf Raouh, Maroc.
Le nom de domaine litigieux <baii-recouvrement.com> est enregistré auprès de Arcanes Technologies (ci‑après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Baii Recouvrement S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 4 avril 2019. Le Centre a adressé ce même jour une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 5 avril 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 8 avril 2019, le Centre a envoyé deux courriers électroniques à la Requérante. Dans le premier, elle y divulguait les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement, et invitait la Requérante à soumettre un amendement à la plainte ou une plainte amendée. Dans le second, le Centre informait les Parties, tant en anglais qu’en français, que la langue du contrat d’enregistrement était l’anglais et que, partant, elle invitait la Requérante a lui faire part d’un accord survenu entre les parties pour que le français soit la langue de la procédure, ou de lui soumettre une traduction de la plainte ou déposer une demande motivée afin que le français soit la langue de la procédure, ou de déposer une demande afin que le français soit la langue de la procédure. La Requérante a déposé une plainte amendée en français le 8 avril 2019, tout en sollicitant le même jour que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur n’a pas présenté de commentaires concernant cette demande.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondait bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 16 avril 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 6 mai 2019. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 7 mai 2019, le Centre a notifié le défaut du Défendeur.
En date du 23 mai 2019, le Centre a nommé Philippe Gilliéron comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
La Requérante est une société active dans le domaine financier qui est en enregistrée au Registre du Tribunal de commerce de Paris depuis le 15 mai 1973 sous la dénomination commerciale “BAII Recouvrement”. A ce titre, elle est titulaire de la marque verbale française BAII, laquelle est enregistrée sous le numéro 1247650, en classe 36 de la Classification de Nice, avec une date de priorité remontant au 9 septembre 1983.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <baii-recouvrement.com> le 18 novembre 2018. Le nom de domaine n’est rattaché à aucun site actif.
La Requérante fait tout d’abord valoir le fait que le nom de domaine <baii-recouvrement.com> est similaire à sa marque antérieure BAII en tant qu’elle la reprend dans son intégralité et que, pour le surplus, le nom de domaine litigieux est parfaitement identique à son nom commercial.
La Requérante considère ensuite que le Défendeur ne dispose d’aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Le Défendeur n’est lié d’aucune façon à la Requérante, qui ne lui a jamais concédé le droit d’exploiter ses marques ou à enregistrer le nom de domaine litigieux. De plus, la Requérante estime que le nom de domaine litigieux, dirigeant vers une page par défaut depuis son enregistrement, n’a pas été utilisé en lien avec une offre de bonne foi de produit ou de services ou qu’il y ait eu de préparation à cet effet.
La Requérante est enfin d’avis que le Défendeur avait parfaitement conscience de son existence lorsqu’il a enregistré le nom de domaine <baii-recouvrement.com>, puisqu’il correspond en tous points à son nom commercial. Elle soutient que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en vue d’empêcher la Requérante de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments de la Requérante.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir:
(i) si le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la requérante a des droits ; et
(ii) si le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux ; et
(iii) si le défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Avant de déterminer l’application des critères précités au cas d’espèce, la Commission doit toutefois aborder une question procédurale à titre liminaire, celle de la langue de la procédure.
Aux termes du paragraphe 11(a) des Règles d’application, “[s]auf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.”
En l’espèce, la Requérante sollicite que la langue de la procédure soit le français, motifs étant tout d’abord tiré du fait que le nom de domaine litigieux est en français et, ensuite, que le Défendeur est domicilié au Maroc, pays où le français constitue la deuxième langue.
Le Défendeur ne s’étant pas déterminé alors qu’il lui était loisible de le faire et d’exposer les raisons pour lesquelles il souhaitait que la procédure soit conduite en anglais, la Commission considère qu’il ne se justifie pas d’exiger que l’anglais soit la langue de la procédure, laquelle sera ainsi menée en français.
Selon le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, la Requérante doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits.
En l’espèce, il est établi que la Requérante est titulaire de la marque verbale française BAII, laquelle est enregistrée sous le numéro 1247650 en classe 36 de la Classification de Nice avec une date de priorité remontant au 9 septembre 1983.
Il est largement admis que le fait de reprendre à l’identique la marque d’un tiers dans un nom de domaine peut suffire à établir que ce nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle la partie requérante a des droits (voir le paragraphe 1.8 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, “Synthèse, version 3.0”).
Ainsi en va-t-il en l’espèce. L’adjonction du seul terme “recouvrement”, ne suffit pas à écarter un risque de confusion en tant qu’il en résulte une reprise à l’identique du nom commercial de la Requérante, à savoir “BAII Recouvrement”.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), la Requérante doit démontrer que le Défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Dans la décision Do The Hustle, LLC c. Tropic Web,
Litige OMPI No. D2000-0624, la commission administrative a considéré que, s’agissant d’un fait négatif presque impossible à démontrer, à partir du moment où le requérant a allégué que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime en relation avec le nom de domaine, c’est au défendeur qu’il incombe d’établir l’existence de ses droits. Partant, il suffit que le requérant établisse prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime pour laisser le défendeur le soin d’établir ses droits. A défaut, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Tel est le cas en l’espèce. La Requérante a allégué n’avoir jamais consenti de droit ni d’autorisation au Défendeur en relation avec l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine litigieux <baii‑recouvrement.com>. Or, le Défendeur ne fournit aucune explication quant au choix du nom de domaine litigieux. En l’absence d’une quelconque explication, force est d’admettre que le Défendeur n’a apporté aucun élément à même de démontrer un droit ou à tout le moins un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Partant, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(iii), la Requérante doit démontrer que le Défendeur a enregistré et qu’il utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
L’enregistrement de mauvaise foi présuppose que le Défendeur connaissait la marque de la Requérante. En l’espèce, il ne fait aucun doute dans l’esprit de la Commission que le Défendeur connaissait parfaitement la Requérante lorsqu’il a procédé à l’enregistrement du nom de domaine <baii-recouvrement.com>, puisque ce dernier correspond en tous points à son nom commercial et reprend intégralement la marque “BAII” dont la Requérante est titulaire.
Pour ces mêmes raisons, la Commission administrative considère que l’utilisation du nom de domaine litigieux a eu lieu de mauvaise foi, le Défendeur ayant pour seul objectif de susciter un risque de confusion dans l’esprit des internautes en leur laissant croire que le site <baii-recouvrement.com> serait associé à la Requérante.
Le Défendeur ayant renoncé à procéder alors qu’il avait tout loisir de le faire pour exposer les raisons ayant milité pour le choix du nom de domaine litigieux, rien dans le dossier ne permet d’inférer une quelconque bonne foi de la part du Défendeur. Bien au contraire, comme il résulte des explications susmentionnées.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que les conditions posées par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs sont satisfaites.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <baii‑recouvrement.com> soit transféré à la Requérante.
Philippe Gilliéron
Expert Unique
Le 27 mai 2019