Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société GFI Informatique contre WhoisGuard, Inc. / Alessio Benoit

Litige No. D2019-1715

1. Les parties

La Requérante est la Société GFI Informatique, France, représentée par SELAS Cloix et Mendes-Gil, France.

Le Défendeur est WhoisGuard, Inc., Panama / Alessio Benoit, France.

2. Nom(s) de domaine et unité(s) d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <informatiquehardware-gfi.com> est enregistré auprès de NameCheap, Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Société GFI Informatique auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 19 juillet 2019. En date du 19 juillet 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 19 juillet 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification en révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 22 juillet 2019, le Centre a envoyé un courrier électronique à la Requérante avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant la Requérante à soumettre un amendement à la plainte. Le même jour, le Centre a informé les parties par courrier électronique en anglais et en français que la langue du contrat d’enregistrement est l’anglais. La Requérante a déposé une plainte amendée le 23 juillet 2019 ainsi qu’une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur n’a soumis aucun commentaire quant à la langue de la procédure.

Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 29 juillet 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en anglais et en français. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 18 août 2019. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse.

En date du 22 août 2019, le Centre nommait Nathalie Dreyfus comme experte dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante est GFI Informatique, société française immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris, depuis le 5 mai 1992, sous le n°385 365 713, exerçant des activités de prestations de services informatiques, de développement de progiciels et de prestations de développement.

La Requérante est titulaire de droits de marques sur les signes “ GFI” et “GFI INFORMATIQUE”. Elle possède les marques suivantes:

- Marque française GFI INFORMATIQUE, déposée le 1 avril 1998, enregistrée sous le numéro 98 725 955 et renouvelée le 6 avril 2018;
- Marque française GFI INFORMATIQUE, déposée le 13 juillet 2001, enregistrée sous le numéro 3112797 et renouvelée le 29 juin 2011;
- Marque française GFI, déposée le 10 août 2011, enregistrée sous le numéro 3852378;
- Marque française GFI, déposée le 10 août 2011, enregistrée sous le numéro 3852383.

Le Défendeur est WhoisGuard, Inc., Panama / Alessio Benoit, France, titulaire du nom de domaine <informatiquehardware-gfi.com>, enregistré le 20 mai 2019.

Le nom de domaine litigieux reproduit les marques dont est titulaire la Requérante.

Le 27 juin 2019, un internaute utilisant l’adresse électronique “[...]@informatiquehardware-gfi.com” a contacté le directeur commercial du groupe Handheld Europe AB, se faisant passer pour le responsable des achats de la société GFI Informatique. Ce dernier en a informé la société GFI Informatique qui lui a indiqué qu’il s’agissait d’une identité frauduleuse.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

D’une part, la Requérante a fondé sa plainte sur le fait que le nom de domaine était identique ou similaire à ses marques, au point de créer un risque de confusion. En effet, le nom de domaine litigieux <informatiquehardware-gfi.com> est quasi similaire aux marques de la société GFI Informatique. La Requérante reproche au titulaire du nom de domaine de vouloir se positionner dans le même secteur d’activité que celui de GFI Informatique, en faisant usage des termes “informatique” et “hardware”, créant alors un risque de confusion.

La Requérante considère que ce risque de confusion, créé entre le nom de domaine litigieux et les marques dont est titulaire la société GFI INFORMATIQUE, est volontaire et qu’il a permis au Défendeur d’en faire usage pour contacter des tiers en se faisant passer pour un salarié de la Requérante.

D’autre part, la Requérante expose l’argument selon lequel le Défendeur, WhoisGuard, Inc., Panama / Alessio Benoit, n’a ni droit sur le nom de domaine, ni intérêt légitime. La Requérante rappelle ses droits sur les signes “GFI INFORMATIQUE” et “GFI”. La Requérante précise que le Défendeur n’a fait aucune demande quant aux marques de la société GFI Iinformatique, qu’en outre le Défendeur est titulaire d’un site Internet fictif correspondant à l’extension “@informatiquehardware-gfi.com” sur lequel il reprend les signes distinctifs de la société GFI Informatique.

Il est donc reproché au Défendeur de n’avoir à aucun moment disposé de droits sur le nom de domaine litigieux, et d’avoir eu un comportement déloyal dans sa démarche, ayant fait un usage de mauvaise foi de ce nom de domaine pour détourner l’attention des consommateurs de la société GFI Informatique.

Enfin, la Requérante considère que le nom de domaine litigieux <informatiquehardware-gfi.com> doit être considéré comme ayant été enregistré de mauvaise foi. En outre, l’utilisation de l’adresse électronique “[...]@informatiquehardware-gfi.com” pour se faire passer pour un salarié de la société GFI Informatique rapporte la preuve de la mauvaise foi, en raison de l’usage des coordonnées de la société Requérante. La démarche est alors trompeuse créant volontairement un risque de confusion.

De même, selon la Requérante, la confusion résulte également de la similarité entre le nom de domaine de la société GFI INFORMATIQUE et le nom de domaine litigieux <informatiquehardware-gfi.com>, ainsi que des données correspondant à la société Requérante, visibles sur ce nom de domaine litigieux. La Requérante considère que le Défendeur a sciemment voulu attirer les utilisateurs d’Internet sur son site web, et ce à des fins lucratives.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments de la Requérante.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes Directeurs prévoit que pour obtenir le transfert du nom de domaine contesté, la Requérante doit prouver que chacun des trois éléments suivants est présent:

(i) le nom de domaine litigieux est identique ou similaire au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;

(ii) Le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime à l’égard du nom de domaine contesté; et

(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que “[a] La commission administrative devra décider d’une plainte en se basant sur les déclarations et les documents présentés et conformément à la politique, à ces règles et à toute règle et principe juridique réputés applicable”. Les paragraphes 10(b) et 10(d) prévoient également que “[d]ans tous les cas, la commission administrative doit veiller à ce que les parties soient traitées de façon équitable et que chaque partie bénéficie de la même juste chance de présenter son cas” et que “la commission administrative devra déterminer la recevabilité, la pertinence, l’importance et le poids des preuves”.

De plus, le paragraphe 14(b) prévoit que “Si, en l’absence de circonstances exceptionnelles, une partie ne respectait pas une clause ou une obligation prévue par ces règles ou une demande du panel, le panel devra tirer les conclusions qu’il estime appropriées”.

Le Défendeur n’a pas répondu aux allégations de la Requérante. Toutefois, le défaut de réponse du Défendeur n’entraîne pas automatiquement une décision en faveur du requérant, bien que la commission administrative ait le droit d’en tirer des conclusions appropriées, conformément au paragraphe 14(b) des Règles d’application. Voir la section 4.3 de l’Overview des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions UDRP, troisième édition (“l’Overview 3.0 de l’OMPI”).

Compte tenu des dispositions qui précèdent, la commission administrative conclut ce qui suit:

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le paragraphe 4(a)(i) des Principes Directeurs exige que la commission administrative examine en premier lieu si le requérant a établi des droits de marque pertinents. La commission administrative est également tenu d’examiner, en vertu du paragraphe 4(a)(i) des Principes Directeurs, si le nom de domaine litigieux est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec les marques de commerce du requérant. Ce test implique “une comparaison côte à côte du nom de domaine et des éléments textuels de la marque concernée afin de déterminer si la marque est reconnaissable au sein du nom de domaine litigieux”. Voir la section 1.7 de l’Overview 3.0 de l’OMPI.

La commission administrative considère que la Requérante a dûment prouvé ses droits de marque sur les signes “GFI Informatique” et “GFI”, soit les marques suivantes déposées à l’INPI: GFI INFORMATIQUE, déposée le 1 avril 1998, sous le numéro 98 725 955 et renouvelée le 6 avril 2018; GFI INFORMATIQUE, déposée le 13 juillet 2001, sous le numéro 3112797 et renouvelée le 29 juin 2011; GFI, déposée le 10 août 2011, sous le numéro 3852378 et GFI, déposée le 10 août 2011, sous le numéro 3852383.

D’une part, le nom de domaine litigieux <informatiquehardware-gfi.com> reprend les marques “GFI Informatique” et “GFI”, tout en y ajoutant le terme “hardware” qui donne davantage de précisions quant au secteur d’activité concerné qui est celui des logiciels, activité exercée par la société Requérante. A ce propos, dans des décisions précédentes, le Panel a décidé qu’un nom de domaine, même reprenant les termes génériques d’une marque, comme tel est le cas en l’espèce pour le terme “informatique”, pouvait être transféré.

L’adjonction du terme “informatique”au terme “gfi”désignant directement la société Requérante ne fait que préciser le domaine d’activité de celle-ci, (FNAC v. C-Cartier Mathieu, Litige OMPI No. D2008-0728.

En outre, il est considéré de manière constante que l’adjonction de l’extension “.com” ne doit pas être considérée comme un élément permettant de se distinguer de la marque d’origine, voir (Gerling Beteiligungs-GmbH (GBG) v. World Space Corp, Litige OMPI No. D2006-0223).

La commission administrative conclut que le nom de domaine litigieux est similaire, au point de prêter à confusion, aux marques de commerce de la Requérante.

La Requérante a donc satisfait le paragraphe 4(a)(i) des Principes Directeurs.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le paragraphe 4(a)(ii) des Principes Directeurs exige que le requérant démontre que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

Le requérant est tenu d’établir en premier lieu que le défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Une fois qu’une telle preuve prima facie est établie, il incombe au défendeur de présenter des éléments de preuve pertinents démontrant les droits ou les intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Toutefois, si le défendeur omet de présenter une telle preuve pertinente, le requérant est réputé avoir satisfait le paragraphe 4a)(ii) des Principes Directeurs. Voir la section 2.1 de l’Overview 3.0 de l’OMPI.

D’une part, le Défendeur n’étant pas titulaire des marques GFI et GFI Informatique précitées, et n’étant en aucun cas salarié de la société GFI Informatique, il apparaît évident qu’il n’a aucun droit sur les signes enregistrés par la Requérante, ni aucun intérêt légitime, hormis celui de profiter de la réputation de la société GFI Informatique pour créer un risque de confusion dans l’esprit des utilisateurs d’Internet et détourner leur intention vers le nom de domaine litigieux.

Le fait d’avoir utilisé une adresse de messagerie “[...]@informatiquehardware-gfi.com” en lien avec le nom de domaine litigieux pour contacter des tiers et se faire passer pour un salarié de la société GFI Informatique montre bien la volonté de nuire à la société Requérante, en tentant de contourner les droits sur les signes contestés, que le Défendeur n’avait pas.

D’autre part, la commission administrative considère que l’absence de droit ou intérêts légitimes du défendeur peut être déduite de son absence de réponse face aux allégations du requérant (Voir Pomellato S.p.A v. Richard Tonetti, Litige OMPI No. D2000-0493).

En outre, le nom de domaine litigieux reproduit les marques déposées par la Requérante ou des photographies de produits dérivés sur lesquels est apposé le logo des marques, ce qui implique davantage de risque de confusion dans l’esprit des utilisateurs du site, alors que rien n’établit que le Défendeur ait été autorisé à un tel usage.

La commission administrative considère alors que le Défendeur n’a ni droits, ni intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux.

La Requérante a alors satisfait aux exigences du paragraphe 4(a)(ii) des Principes Directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4(a)(iii) des Principes Directeurs exige que le requérant démontre que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

La Requérante soutient que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi, en violation des principes Directeurs, paragraphe 4(a)(iii). Plus précisément, la Requérante allègue que le Défendeur a violé le paragraphe 4(b)(iv) des Principes Directeurs en utilisant le nom de domaine litigieux pour attirer intentionnellement, à des fins commerciales, des utilisateurs d’Internet.

Au vu des éléments avancés par la Requérante, il convient de prendre en considération le fait que le Défendeur a enregistré le nom de domaine de mauvaise foi. En effet, l’association du nom de domaine litigieux à une adresse de messagerie destinée à attirer frauduleusement les utilisateurs d’Internet démontre la volonté de profiter de la réputation de la société GFI Informatique.

En outre, l’usage de ce nom de domaine a été effectué de mauvaise foi. Il résulte une mauvaise foi évidente du fait de se faire passer pour un salarié de la société GFI Informatique, afin de proposer aux destinataires des mails adressés, des offres commerciales. En effet, dès lors que l’adresse de messagerie utilisée est liée au nom de domaine litigieux, les personnes visées par la démarche créeront un lien entre le nom de domaine est la société GFI Informatique, et cela en raison du fait que le nom de domaine reproduit les marques de la Requérante sur le site Internet. Ainsi, les utilisateurs seront amenés à penser que le nom de domaine appartient à la société GFI Informatique, alors que tel n’est pas le cas.

La commission administrative considère que si le Défendeur a essayé intentionnellement d’attirer à des fins commerciales des utilisateurs d’Internet sur son site en créant un risque de confusion avec la marque de la Requérante alors le nom de domaine litigieux devait être transféré (Groupon, Inc.Domain Admin, Privacy Protect, LLC (PrivacyProtect.org) / DOMAIN MAY BE FOR SALE, CHECK AFTERNIC.COM Domain Admin, Whois Foundation, Litige OMPI No. D2019-0005).

La commission administrative décide alors, au vu des circonstances de ce litige, que le Défendeur a à la fois enregistré et utilisé le nom de domaine de mauvaise foi.

La Requérante a ainsi satisfait aux exigences du paragraphe 4(a)(iii) des Principes Directeurs.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <informatiquehardware-gfi.com> soit transféré à la Requérante.

Nathalie Dreyfus
Expert Unique
2 septembre 2019