La Requérante est Monabanq SA, France, représentée par MEYER & Partenaires, France.
Le Défendeur est Whois Agent, Domain Protection Services, Inc., États-Unis d’Amérique / Don Gorias, Bénin.
Le nom de domaine litigieux <monacreditonline.com> est enregistré auprès de Name.com, Inc. (Name.com LLC) (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Monabanq auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 3 octobre 2019. En date du 3 octobre 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 3 octobre 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 8 octobre 2019, le Centre a envoyé un courrier électronique à la Requérante avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant la Requérante à soumettre un amendement à la plainte ou une plainte amendée. Le Centre a également indiqué à la Requérante que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux était l’anglais. La plainte ayant été déposée en français, le Centre a invité la Requérante à fournir la preuve suffisante d'un accord entre les parties pour que la procédure se déroule en français, ou une plainte traduite en anglais ou encore une demande motivée pour que le français soit la langue de la procédure.
La Requérante a déposé une requête motivée pour que le français soit la langue de la procédure le 11 octobre 2019 et a choisi de ne pas déposer de plainte amendée concernant les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 15 octobre 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Le 17 octobre 2019, le Centre a reçu un courrier électronique du Défendeur, indiquant “Bonjour Monsieur ! Merci beaucoup pour le travail ! Nous avons pris acte de la plainte nous prenons les mesures nécessaires avant la fin de la journée de couper le domaine monacreditonline.com. Nous voudrions également présentez toutes nos excuses pour les mails non répondu à temps. Nous voudrions également demander les procédures nécessaires à faire afin de mettre fin à cette plainte. Nous sommes en attente de vous lire.
Bonne journée ! Don Gorias.” Le même jour, le Centre a envoyé un courrier électronique aux parties, les informant de la possibilité de régler le litige à l’amiable. Le 18 octobre 2019, le Défendeur a envoyé plusieurs courriers électroniques au Centre, en demandant notamment les coordonnées de la Requérante. Le 22 octobre 2018, la Requérante a demandé au Centre de suspendre la procédure pour une durée de 5 jours. Le 28 octobre 2019, la Requérante a sollicité la ré-institution de la présente procédure.
Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 10 novembre 2019. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse formelle. En date du 15 novembre 2019, le Centre notifiait le début du processus de nomination de la Commission administrative.
En date du 19 novembre 2019, le Centre nommait Philippe Gilliéron comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
La Requérante est une banque en ligne appartenant au groupe bancaire Crédit Mutuel CIC, qui a été fondée en 2006.
La Requérante est titulaire de plusieurs marques, tant en France qu’à l’étranger, portant en tout ou partie sur la dénomination MONABANQ. Ainsi en va-t-il en particulier de :
- Marque française combinée n° 3774308 enregistrée en classe 41 avec une date de priorité remontant au 14 octobre 2010;
- Marque internationale combinée n° 1089672 enregistrée en classes 38 et 41 avec une date de priorité remontant au 14 avril 2011;
- Marque de l’Union Européenne combinée n° 5601224 enregistrée en classes 9, 16, 35, 36 et 38 avec une date de priorité remontant au 19 décembre 2006;
- Marque internationale verbale n° 943266 enregistrée en classes 9, 16, 35, 36 et 38 avec une date de priorité remontant au 21 septembre 2007.
La Requérante est par ailleurs titulaire de nombreux noms de domaine sous la dénomination MONABANQ, parmi lesquels : <monabanq.fr>, <monabanq.com>, <monabanq.net>, <monabanq.eu>, <monabanq.org>, <monabanq.credit>, ou encore <monabanq.finance>.
Le 20 avril 2019, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <monacreditonline.com>. Au moment du dépôt de la plainte, le nom de domaine litigieux redirigeait vers un site web en français proposant des offres de prêt et de crédit et reproduisant à plusieurs reprises le logo MONABANQ ainsi que d’autres logo de marques de tiers appartenant au domaine bancaire, mentionnés comme partenaires. Le nom de domaine litigieux pointe actuellement vers une page d’erreur. Le Défendeur est par ailleurs titulaire de deux autres noms de domaine proposant un contenu comparable, à savoir <coadbanque.com> et <demasbanque.com>.
La Requérante considère tout d’abord que le nom de domaine <monacreditonline.com> est similaire à sa marque MONABANQ au point de prêter à confusion avec elle et d’en violer les droits. L’extension générique de premier niveau “gTLD” “.com » devant être écarté et les éléments “crédit” et “online” revêtant un caractère descriptif, seul importerait l’élément “mona”, dont il ressortirait dès lors un risque de confusion avec la marque MONABANQ dont la Requérante est titulaire. Cette confusion est renforcée par la reproduction au sein du site auquel se rattache le nom de domaine du logo de la Requérante, enregistré comme marque.
La Requérante considère ensuite que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Les parties ne sont liées par aucun rapport contractuel et la Requérante n’a jamais accordé de licence ou autorisation au Défendeur quant à l’exploitation de sa marque. Cela est d’autant plus vrai que le site rattaché au nom de domaine litigieux mentionne les coordonnées réelles de la Requérante, propose de prétendues prestations de services comparables à celles proposées par la Requérante, et contient un formulaire qui permet au Défendeur de collecter des données personnelles des Internautes, ce à des fins manifestement illicites.
La Requérante est enfin d’avis que le nom de domaine a été enregistré et qu’il est utilisé de mauvaise foi. Le Défendeur avait manifestement connaissance de la marque de la Requérante lorsqu’elle a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. L’utilisation susmentionnée témoigne selon la Requérante de la mauvaise foi du Défendeur, une mauvaise foi soulignée par l’enregistrement par le Défendeur de deux autres noms de domaine comparables, à savoir <coadbanque.com> et <demasbanque.com>.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments de la Requérante.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir:
(i) si le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérante a des droits; et
(ii) si le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux; et
(iii) si le défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Avant de déterminer l’application des critères précités au cas d’espèce, la Commission doit toutefois aborder une question procédurale à titre liminaire, celle de la langue de la procédure.
Aux termes du paragraphe 11(a) des Règles d’application, “sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative”.
En l’espèce, la Requérante sollicite que la langue de la procédure soit le français, motif étant en particulier tiré du fait que le nom de domaine litigieux fait référence à la Requérante dont le siège se situe en France, qu’il redirige vers un site web entièrement rédigé en français, et que le Défendeur a répondu le 17 octobre 2019 en français au Centre ensuite de la notification de la demande à son attention.
Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que le Défendeur maîtrise le français et que le déroulement de la procédure en cette langue, comme en témoigne son courriel à l’attention du Centre, ne lui est nullement défavorable.
Partant, rien ne justifie dès lors que l’anglais soit maintenu comme langue de la procédure. La Commission administrative considère dès lors que le français sera la langue de la procédure.
Selon le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, la Requérante doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits.
En l’espèce, la Requérante établit détenir de nombreuses marques sur la dénomination MONABANQ. Elle ne conteste pas que le nom de domaine litigieux ne reprend pas sa marque à l’identique, mais considère néanmoins au vu des circonstances du cas d’espèce qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit des Internautes entre sa marque et le nom domaine litigieux.
La Commission administrative partage ce point de vue. Bien que le contenu du site ne soit généralement pas pris en considération pour apprécier de l’existence d’un risque de confusion, certaines Commissions ont néanmoins été amenées à en tenir compte lorsqu’il était manifeste que le titulaire du nom de domaine l’avait enregistré en référence à une marque précitée, référence soulignée en particulier par le contenu du site (voir la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, “Synthèse, version 3.0”, section 1.15).
Tel est manifestement le cas en l’espèce. L’insertion dans le nom de domaine litigieux du terme “mona” ne se comprend qu’en référence à la Requérante, dont il constitue l’élément caractéristique, les termes “banq”, “crédit” et “online” revêtant à l’évidence un caractère descriptif. Compte tenu du contenu du site, dont il apparaît manifeste qu’il est utilisé à des fins d’usurpation d’identité en reproduisant délibérément la marque de la Requérante et ses coordonnées, la Commission est d’avis qu’il convient de conclure à l’existence d’un risque de confusion (en ce sens également : VF Corporation c. Vogt Debra, Litige OMPI No. D2016-2650; Bayerische Motoren Werke AG (“BMW”) c. Registration Private, Domains By Proxy, LLC / Armands Piebalgs, Litige OMPI No. D2017-0156).
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), la requérante doit démontrer que le défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Dans la décision Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624, la commission administrative a considéré que, s’agissant d’un fait négatif presque impossible à démontrer, à partir du moment où le requérant a allégué que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime en relation avec le nom de domaine, c’est au défendeur qu’il incombe d’établir l’existence de ses droits. Partant, il suffit que le requérant établisse prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime pour renverser le fardeau de la preuve et laisser au défendeur le soin d’établir ses droits. A défaut, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs (voir Synthèse, version 3.0, section 2.1).
Tel est le cas en l’espèce. La Requérante a allégué n’avoir jamais consenti de droit ni d’autorisation au Défendeur en relation avec l’enregistrement et l’exploitation de noms de domaine reprenant sa marque. Or, le Défendeur ne fournit aucune explication quant au choix du nom de domaine litigieux. Bien au contraire, le contenu rattaché au nom de domaine litigieux, qui reflète une intention d’usurpation d’identité à des fins frauduleuses, ne peut en aucun cas être considéré comme présentant quelque légitimité que ce soit (voir Synthèse, version 3.0, section 2.13.1).
Partant, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(iii), la Requérante doit démontrer que le Défendeur a enregistré et qu’il utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
L’enregistrement de mauvaise foi présuppose que le Défendeur connaissait la marque de la Requérante. En l’espèce, il ne fait aucun doute que tel était le cas, puisque le contenu du site rattaché au nom de domaine litigieux reproduit à de multiples reprises la marque de la Requérante. Quant à l’utilisation que le Défendeur fait dudit site, il est manifeste qu’elle relève soit d’une tentative d’usurpation d’identité, soit d’une exploitation à des fins illicites qui témoigne d’une mauvaise foi incontestable (voir Synthèse, version 3.0, section 3.1.4).
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que les conditions posées par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs sont satisfaites.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <monacreditonline.com> soit transféré à la Requérante.
Philippe Gilliéron
Expert Unique
Le 22 novembre 2019