La Requérante est Axa SA, France, représenté par Selarl Candé - Blanchard - Ducamp, France.
Le Défendeur est Nom anonymisé1.
Les noms de domaine litigieux <axa-credit.online>, <axa-credit.xyz> et <axa-finance.online> sont enregistrés auprès de GoDaddy.com, LLC (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Axa SA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 13 novembre 2019. En date du 13 novembre 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 14 novembre 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire des noms de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. L’Unité d’enregistrement a également révélé que la langue du contrat d’enregistrement est l’anglais. Le 18 novembre 2019, le Centre a envoyé un courrier électronique à la Requérante avec les données relatives au titulaire des noms de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant la Requérante à soumettre un amendement à la plainte ou une plainte amendée. La plainte ayant été déposée en français, le Centre a invité la Requérante à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les parties pour que la procédure se déroule en français, une plainte traduite en anglais, ou encore une demande motivée pour que le français soit la langue de la procédure. La Requérante a déposé une requête motivée pour que le français soit la langue de la procédure et un amendement à la plainte le 19 novembre 2019 modifiant les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux.
Le Centre a vérifié que la plainte et l’amendement à la plainte répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 25 novembre 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Le 12 décembre 2019, un tiers dont l’identité et l’adresse correspondent de prime abord aux données communiquées par l’Unité d’enregistrement a contacté le Centre, en indiquant avoir reçu l’avis de notification par écrit et ne pas être titulaire des noms de domaine litigieux.
Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 décembre 2019. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse formelle. En date du 23 décembre 2019, le Centre notifiait le début du processus de la nomination de la Commission administrative.
En date du 26 décembre 2019, le Centre nommait Philippe Gilliéron comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
La Requérante fait partie du groupe Axa, né en 1985 de la fusion de plusieurs sociétés d’assurance et dont le titre a été introduit en bourse à Paris en 1988, respectivement à New-York en 1996. Le groupe Axa, qui déploie essentiellement ses activités dans les domaines de l’assurance dommages, l’assurance-vie, l’épargne, la retraite & santé et la gestion d’actifs, est présent dans 61 pays et emploie plus de 170 000 personnes. Comptant parmi les tous premiers groupes mondiaux d’assurance et de gestion d’actifs, son chiffre d’affaires pour l’année 2018 s’est élevé à EUR 103 milliards.
La Requérante est titulaire de nombreuses marques composées du sigle AXA, enregistrées plus particulièrement en classes 35 et 36 de la Classification de Nice, dont la marque semi-figurative de l’Union européenne n° 373 894 (date de priorité remontant au 28 août 1996), la marque verbale de l’Union européenne n° 008 772 766 (date de priorité remontant au 21 décembre 2009) ou encore la marque verbale française n° 1 270 658 (date de priorité remontant au 10 janvier 1984).
La Requérante est en outre titulaire de nombreux noms de domaine, dont <axa.com> (enregistré le 23 octobre 1995), <axa.net> (enregistré le 1er novembre 1997), <axa.info> (enregistré le 30 juillet 2001) ou <axa.fr> (enregistré le 20 mai 1996).
Le 20 avril 2019, le Défendeur a enregistré les noms de domaine <axa-credit.online>, <axa-credit.xyz> et <axa‑finance.online>, qui ne sont rattachés à aucun site actif.
Les 24 septembre, 2 et 10 octobre 2019, la Requérante a adressé des courriers de mise en demeure au Défendeur attirant son attention sur la violation de ses droits qui résultaient desdits enregistrements. Ces courriers sont demeurés sans réponse.
La Requérante fait tout d’abord valoir le fait que les noms de domaine litigieux prêtent à confusion avec sa marque AXA, dès lors qu’ils l’incorporent intégralement et que les éléments additionnels, de nature descriptive, sont impropres à écarter le risque de confusion qui en résulte.
Elle considère ensuite que le Défendeur ne détient aucun droit ni ne dispose d’aucun intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux. Il ne dispose d’aucune licence qui lui aurait été concédée par la Requérante, qui ne l’a jamais autorisé à exploiter sa marque AXA de quelque manière que ce soit.
Elle est enfin d’avis que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et qu’ils sont utilisés de mauvaise foi. Compte tenu de la réputation dont jouit la marque de la Requérante, le Défendeur avait manifestement connaissance de la marque AXA. L’absence de toute réponse aux courriers de mise en demeure qui lui ont été adressés ainsi que la seule détention passive des noms de domaine litigieux suffit à démontrer l’utilisation de mauvaise foi résultant de ces enregistrements.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments de la Requérante, la seule réaction parvenue au Centre étant celle d’un tiers évoquant selon un courriel du 12 décembre 2019 que son identité aurait été usurpée et qu’il ne serait en réalité détenteur d’aucun nom de domaine quel qu’il soit.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir:
(i) si le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérante a des droits; et
(ii) si le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux; et
(iii) si le défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Avant de déterminer l’application des critères précités au cas d’espèce, la Commission doit toutefois aborder une question procédurale à titre liminaire, celle de la langue de la procédure.
Aux termes du paragraphe 11(a) des Règles d’application, “sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative”.
En l’espèce, la Requérante sollicite que la langue de la procédure soit le français, motif étant tiré du fait que le Défendeur, dont le nom serait à consonance française, y serait domicilié, de sorte qu’il maîtriserait manifestement le français.
Si la véritable identité du détenteur des noms de domaine litigieux demeure inconnue au vu de l’usurpation d’identité subie, il ne s’est nullement opposé à ce que la procédure se déroule en français.
Au vu de ce qui précède, rien ne justifie dès lors que l’anglais soit maintenu comme langue de la procédure. La Commission administrative considère dès lors que le français sera la langue de la procédure.
Selon le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, la Requérante doit démontrer que les noms de domaine litigieux sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits.
En l’espèce, il est établi que la Requérante est titulaire de nombreuses marques comportant le sigle AXA, dont la réputation mondiale est avérée et a d’ores et déjà été reconnue par le passé (AXA SA v. Frank Van, Litige OMPI No. D2014-0863), en faisant une marque de haute renommée de premier plan.
Il est largement admis que le fait de reprendre à l’identique la marque d’un tiers dans un nom de domaine peut suffire à établir que ce nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle la partie requérante a des droits (voir le paragraphe 1.8 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, “Synthèse, version 3.0”).
Ainsi en va-t-il en l’espèce. Les noms de domaine <axa-credit.online>, <axa-credit.xyz> et <axa‑finance.online> apparaissent aux yeux des internautes comme une nouvelle déclinaison choisie par la Requérante dès lors que les éléments additionnels “credit” et “finance”, purement descriptifs, ont directement trait aux activités proposées par la Requérante. Partant, ces noms de domaine seront indûment compris comme étant affiliés à la Requérante.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), la Requérante doit démontrer que le Défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Dans la décision Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624, la commission administrative a considéré que, s’agissant d’un fait négatif presque impossible à démontrer, à partir du moment où le requérant a allégué que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime en relation avec le nom de domaine, c’est au défendeur qu’il incombe d’établir l’existence de ses droits. Partant, il suffit que le requérant établisse prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime pour renverser le fardeau de la preuve et laisser le défendeur le soin d’établir ses droits. A défaut, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs (voir le paragraphe 2.1 de la “Synthèse, version 3.0”).
Tel est le cas en l’espèce. La Requérante a allégué que le Défendeur n’avait aucun droit ni intérêt sur les noms de domaine litigieux. Les noms de domaine eux-mêmes donnent une impression incorrecte que le Défendeur et la Requérante sont affiliés. En l’absence d’une réponse formelle, force est d’admettre que le Défendeur n’a apporté aucun élément à même de démontrer un droit ou à tout le moins un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux, difficilement concevable au vu de la notoriété de la marque AXA de la Requérante.
Partant, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(iii), la Requérante doit démontrer que le Défendeur a enregistré et qu’il utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.
L’enregistrement de mauvaise foi présuppose que le Défendeur connaissait la marque de la Requérante. En l’espèce, il ne fait aucun doute au vu de la notoriété de la marque AXA que le Défendeur connaissait parfaitement la marque de la Requérante.
En raison de cette même notoriété, la Commission administrative ne conçoit pas qu’une utilisation de bonne foi des noms de domaine litigieux ait été possible. Du moins le Défendeur n’apporte-t-il aucune preuve du contraire, les noms de domaine litigieux semblant de surcroît avoir été enregistrés en usurpant l’identité d’un tiers qui nie avoir procédé à leur enregistrement.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que les conditions posées par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs sont satisfaites.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine litigieux <axa‑credit.online>, <axa-credit.xyz> et <axa-finance.online> soient transférés à la Requérante.
Philippe Gilliéron
Expert Unique
Le 8 janvier 2020
1 Est attachée à la présente décision, comme Annexe 1, l’instruction de la Commission administrative donnée à l’Unité d’enregistrement en ce qui concerne le transfert du nom de domaine litigieux, incluant le nom du Défendeur. La Commission administrative a déterminé que le nom de domaine litigieux a été enregistré par un tiers qui a usurpé l’identité d’un tiers. La Commission administrative a autorisé le Centre à transmettre l’Annexe 1 à l’Unité d’enregistrement comme faisant partie du dispositif dans la présente procédure mais a indiqué que l’Annexe 1 de la décision ne doit pas être publiée dû aux circonstances du litige.