Le Requérant est Etablissements Darty et Fils, France, représenté par Cabinet Santarelli, France.
Le Défendeur est Eric Château, NEXTCENTER, France.
Le nom de domaine litigieux <darty.expert> est enregistré auprès de Online SAS (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Etablissements Darty et Fils auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 9 janvier 2020. En date du 9 janvier 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 13 janvier 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 15 janvier 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 4 février 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 7 février 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur. Le même jour, le Centre a reçu un courrier électronique du Défendeur.
En réponse à la communication du Défendeur, en date du 12 février 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique aux Parties les invitant à explorer un règlement amiable. Le 19 février 2020, le Défendeur a envoyé trois courriers électroniques au Centre. Le Requérant n’a pas répondu au courriel du Centre.
En date du 10 mars 2020, le Centre nommait Emmanuelle Ragot comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant appartient au groupe Fnac Darty depuis 2016 mais était préalablement dès sa création en 1957 notoirement connue comme plus grande surface de vente et de distribution de produits électroménagers, des appareils audio et vidéo, des téléviseurs, et des ordinateurs en France puis dans le monde.
Le Requérant est titulaire de plusieurs droits antérieurs notamment :
- Marque française DARTY n° 1200084 déposée le 31 mars 1982, renouvelée en 1992, 2002 et 2012 en classes 1, 3, 12, 14, 15, 16, 28, 35, 38, 39, et 41 ;
- Marque française DARTY n° 1581492 déposée le 21 mars 1990, renouvelée en 2000, 2010 en classes 7, 8, 9, 11, 20, 21, 24, 27, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44, et 45 ;
- Marque Internationale DARTY n° 520328 déposée le 21 janvier 1988, renouvelée en 1998, 2008 en classes 7, 8, 9, 11, 14, 16, 21, et 28 ;
- Marque Internationale DARTY n° 523358 déposée le 30 décembre 1987, renouvelée en 1997, 2007 en classes 35, 37, et 39 ;
- Marque Internationale DARTY n° 471221 déposée le 31 août 1982, renouvelée en 1992, 2002, 2012 en classes 14, 15, 28, et 41 ; et
- Marque Internationale DARTY n° 907341 déposée le 15 février 2006, renouvelée en 2016 en classes 7, 8, 9, 11, 14, 15, 16, 20, 21, 24, 27, 28, 35, 36, 37, 39, 41, et 42.
Les produits et services du Requérant notoirement connue notamment sur Internet sont offerts notamment par le biais des noms de domaine <darty.com> et <darty.fr>, qui renvoient aux sites Internet de Darty.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 31 aout 2018 et dirige vers un site inactif.
Le Requérant soutient qu’il bénéficie incontestablement sur la dénomination DARTY de droits de marque ayant une notoriété, de droits nés de l’usage dans la vie des affaires et de droits sur des noms de domaine, antérieurs à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, le 31 août 2018.
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux <darty.expert> constitue une reproduction de la marque DARTY et prête à confusion avec la marque DARTY et que l’ajout de l’extension “.expert” n’est pas suffisant pour écarter le risque de confusion entre le nom de domaine <darty.expert> et la marque DARTY.
Le Requérant soutient que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux et que celui-ci a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.
Le Défendeur a soumis plusieurs emails les 7 et 19 février 2020 indiquant principalement que le nom de domaine était disponible, qu’il avait enregistré le nom de domaine légalement et qu’il était prêt a renoncé de ce nom de domaine.
Selon le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, le requérant doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits.
En l’espèce, il est incontestable que le Requérant est titulaire de nombreuses marques comprenant le terme DARTY.
Il est admis que le fait de reprendre à l’identique une marque dans un nom de domaine peut suffire à établir que ce dernier nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle la Requérante a des droits.
Bien évidemment, la marque DARTY constitue l’élément prédominant du nom de domaine litigieux et l’extension “.expert” ne constitue pas un terme distinctif permettant d’écarter le risque de confusion avec les droits des Requérantes sur leur marque.
A l’inverse, en l’espèce le nom de domaine litigieux <darty.expert> est identique à la marque DARTY.
Or, la reprise d’une marque dans son intégralité permet d’établir sans conteste qu’un nom de domaine est identique à une marque sur laquelle le Requérant dispose de droits.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), le requérant doit démontrer que le défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Dans la décision Do the Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624, la commission administrative a considéré que, s’agissant d’un fait négatif presque impossible à démontrer, à partir du moment où le requérant a allégué que le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime en relation avec le nom de domaine litigieux, c’est au défendeur qu’il incombe d’établir l’existence de ses droits. Partant, il suffit que le requérant établisse prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime pour qu’il revienne au défendeur de produire des arguments ou des preuves pour établir ses droits.
A défaut, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Tel est le cas en l’espèce. Le Requérant n’a jamais consenti de droit ou d’autorisation au Défendeur en relation avec l’enregistrement et l’exploitation de noms de domaine reprenant la marque DARTY.
De surcroît, le Défendeur n’apporte aucun élément d’information susceptible de démontrer l’existence d’un intérêt légitime ou d’un droit.
Le Défendeur n’a donc pas d’intérêt légitime en l’absence de preuve crédible d’usage ou de préparation démontrable d’usage du nom de domaine litigieux en lien avec une offre de bonne foi de produits ou de services.
Dès lors, le Défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux <darty.expert>.
Partant, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(iii), le requérant doit démontrer que le défendeur a enregistré et qu’il utlise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
La Commission administrative admet, eu égard à la notoriété de la marque DARTY, qu’il ne fait aucun doute que le Défendeur connaissait la marque du Requérant et que son usurpation via l’enregistrement du nom de domaine litigieux résulte d’une volonté et d’un ensemble de manœuvres sans doute frauduleuse afin de porter préjudice à l’image et à la réputation du Requérant, en faisant croire aux internautes que <darty.expert> était affilié aux sites officiels “www.darty.com” ou “www.darty.fr” du Requérant.
La Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie et que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <darty.expert> soit transféré au Requérant.
Emmanuelle Ragot
Expert Unique
Le 24 mars 2020