Le Requérant est Ile-De-France Mobilités, France.
Le Défendeur est Remboursement Navigo, France.
Le nom de domaine litigieux <remboursement-navigo.com> est enregistré auprès de Register SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée en anglais par Ile-de-France Mobilités auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 6 avril 2020. En date du 7 avril 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 9 avril 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 20 avril 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 23 avril 2020.
L’Unité d’enregistrement a aussi indiqué que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine en conflit est le français. Le 20 avril 2020, la plainte ayant été déposée en anglais, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant, l’invitant à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les Parties, la plainte traduite en français, ou une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une plainte amendée traduite en français le 23 avril 2020. Le Défendeur n’a déposé aucune observation. La langue de la procédure est donc le français conformément au paragraphe 11(a) des Règles d’application.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 5 mai 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 25 mai 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 26 mai 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 5 juin 2020, le Centre nommait Michel Vivant comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant, Ile-de-France Mobilités, établissement public français, exploite, parmi d’autres titres, un titre de transport intitulé “Carte Navigo”.
Une marque verbale NAVIGO a été déposée et enregistrée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle le 20 avril 2016 au nom du « Syndicat des Transports d’Ile de-France » qui est l’ancienne dénomination du Requérant.
Le nom de domaine <remboursement-navigo.com> a été enregistré par le Défendeur le 13 janvier 2020.
Comme il a été indiqué plus haut, une plainte a été déposée par le Requérant auprès du Centre le 6 avril 2020.
Le Requérant met en avant le fait que, pour accéder aux transports publics organisés par lui, les usagers peuvent choisir entre plusieurs titres de transport parmi lesquels la “carte Navigo” pour laquelle il dispose d’une marque française NAVIGO enregistrée à l’INPI en 2016, marque qu’il qualifie de “haute renommée” “compte tenu du nombre de passagers qui utilisent [cette carte] et de l’usage intensif et continu de cette marque depuis près de 20 ans”. Il fait observer que le nom de domaine litigieux reproduit intégralement ladite marque à laquelle est simplement associée le terme “remboursement”. Il rappelle, par ailleurs, que, “de pratique courante”, il n’y a pas lieu de tenir compte de l’extension générique de premier niveau. Il conclut ainsi à l’identité ou, à tout le moins, à la grande similarité du nom de domaine litigieux et de la marque.
Le Requérant observe ensuite que le Défendeur n’est connu sous aucune marque qui intègrerait les mots “remboursement” ou “navigo” et qu’il n’a, de son côté, jamais autorisé le Défendeur à enregistrer et à exploiter le nom de domaine litigieux. Il ajoute que le Défendeur ne peut pas davantage faire état d’un intérêt légitime qu’il aurait à user du nom de domaine litigieux dès lors qu’il a choisi un nom présentant un risque de confusion avec sa marque.
Enfin, le Requérant fait valoir qu’eu égard à la notoriété de la marque en cause, “il est impossible que le Défendeur ait pu ignorer que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux constitu[ai]ent une violation des droits du Requérant”. Il fait en outre observer que l’enregistrement du nom de domaine est intervenu dans un contexte particulier que le Défendeur ne pouvait pas davantage ignorer, à savoir qu’en raison de longues grèves intervenues en France dans les transports publics, la Présidente, Présidente de la Région Ile-de-France et Présidente du Requérant, avait annoncé une politique de remboursement – d’autant que le Requérant avait lui-même enregistré un nom de domaine <mondedommagementnavigo.com> faisant écho à cette politique. Il observe encore que le Défendeur a procédé à l’enregistrement en utilisant de fausses données.
Quant à l’usage du nom de domaine litigieux, le Requérant relève que, si, en l’occurrence, celui-ci est actuellement inactif, les Commissions administratives de l’OMPI ont déjà jugé qu’une telle détention passive constituait un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux. Le Requérant ajoute que la mauvaise foi du Défendeur est d’autant plus avérée que celui-ci a également enregistré, le 13 janvier 2020, les noms de domaine <remboursement-navigo.fr> et <remboursementnavigo.fr> et exploitait le nom de domaine <remboursement-navigo.fr> pour un site internet sur lequel était prétendument offert un remboursement trois fois plus rapide que celui offert par la plateforme officielle, site qui mettait en ligne un formulaire où l’internaute était invité à renseigner ses nom, prénom, adresse mail, coordonnées bancaires et à déposer une photographie ou numérisation de son passe Navigo. Ainsi le Requérant considère-t-il “à la lumière de ce qui précède” qu’il est impossible de ne pas conclure à la mauvaise foi du Défendeur.
Il conclut au transfert du nom de domaine litigieux.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le nom de domaine litigieux incorpore la marque NAVIGO du Requérant dans son entièreté, ce qui a toujours été considéré par les commissions administratives de l’OMPI comme la manifestation forte d’une pratique de cybersquatting. Qui plus est, l’adjonction d’un terme tel que “remboursement” n’est pas de nature à empêcher le nom de domaine litigieux d’être identique à la marque du Requérant ou de présenter au moins une similitude avec celle-ci prêtant à confusion (cf. section 1.8 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux Principes UDRP, troisième édition (“Synthèse, version 3.0”)).
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est semblable à la marque du Requérant au point de prêter à confusion, au sens du paragraphe 4(a)(i) des principes directeurs.
Le terme “navigo” est un terme qui renvoie pour tout usager des transports publics en Ile-de-France à ces transports. Aucun lien ne peut ainsi être établi avec le Défendeur qui, par ailleurs, n’est d’aucune manière en relation avec le Requérant et n’a reçu de celui-ci aucune autorisation d’utiliser sa marque NAVIGO.
La Commission administrative observe, en outre, que, si le Défendeur avait bien des droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux, il aurait été facile pour lui de ne pas faire défaut et de faire valoir ses arguments.
Aussi est-il certain pour la Commission administrative que le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
La marque NAVIGO est à la fois constituée d’un signe arbitraire et bien connue en France (près de 13 millions de “Passe Navigo” ont été vendus en France en 2017) de telle sorte qu’il est hors de doute que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en toute connaissance de cause et en méconnaissance des droits du Requérant. Qui plus est, ainsi que l’observe ce dernier, l’enregistrement du nom de domaine litigieux est intervenu dans un contexte de longues grèves des transports publics qui a conduit la Présidente du Requérant a annoncé une politique de remboursement, le fait d’accoler le terme de “remboursement" à celui de “Navigo” dans le nom de domaine litigieux ne pouvant être compris que comme tendant à créer une confusion dans l’esprit du public entre la politique du Requérant et le nom de domaine litigieux enregistré par le Défendeur.
On ne peut en outre qu’observer que le Défendeur a procédé à cet enregistrement en utilisant de fausses données.
Quant à l’usage du nom de domaine litigieux, il est possible d’observer, comme le fait le Requérant, que l’enregistrement du nom de domaine litigieux prend place dans un contexte plus large puisque le Défendeur a procédé à d’autres enregistrements de noms de domaine approchant, afin notamment d’identifier un site internet où les internautes étaient invités, entre autres choses, à fournir leurs coordonnées bancaires. Cela étant, si, en l’occurrence, le nom de domaine litigieux conduit vers un site inactif, il convient de rappeler que les commissions administratives de l’OMPI jugent qu’une telle détention passive est propre à constituer un usage de mauvaise foi.
Ainsi l’enregistrement comme l’usage de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs sont clairement établis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <remboursement-navigo.com> soit transféré au Requérant.
Michel Vivant
Expert Unique
Le 13 juin 2020