Le Requérant est Vente-Privee.com, France, représenté par Cabinet Degret, France.
Le Défendeur est Anass Haial, France.
Le nom de domaine litigieux <veepeee.com> est enregistré auprès de GoDaddy.com, LLC (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Vente-Privee.com auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 14 mai 2020. En date du 14 mai 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 15 mai 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 19 mai 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à déposer un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé un amendement à la plainte le 25 mai 2020.
L’Unité d’enregistrement a aussi indiqué que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux était l’anglais. Le 19 mai 2020, la plainte ayant été déposée en français, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant, l’invitant à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les Parties, la plainte traduite en anglais, ou une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une demande afin que le français soit la langue de la procédure le 22 mai 2020. Le Défendeur n’a pas soumis d’observations par rapport à la langue de la procédure.
Le 20 mai 2020, le Défendeur a envoyé un courrier électronique en français au Centre. Suite à la communication du Défendeur, le 21 mai 2020 le Centre a donné au Requérant la possibilité de suspendre la procédure afin d’explorer les possibilités d’accord entre les parties. Le Requérant n’a pas fait de demande de suspension de la procédure.
Le Centre a vérifié que la plainte et l’amendement à la plainte répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 4 juin 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en français et en anglais. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 24 juin 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse formelle. En date du 25 juin 2020, le Centre a informé les parties du début du processus de nomination de la commission administrative.
En date du 8 juillet 2020, le Centre nommait Jane Seager comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est une société française de vente en ligne, fournissant une large gamme de produits et de services, notamment des vêtements, des réservations de voyage, de la nourriture, des lunettes et des bons de réduction pour des achats en ligne. Fondée en 2001, les activités du Requérant se sont progressivement étendues à l’Italie et au Royaume-Uni en 2008, aux Pays-Bas et aux États-Unis d’Amérique en 2011, et, depuis, à d’autres pays européens.
Les produits et services du Requérant était auparavant commercialisés sous sa marque VENTE PRIVEE. Au début de l’année 2019, le Requérant a débuté un processus de rebranding et utilise désormais la dénomination et la marque VEEPEE.
Pour ses services de vente en ligne, le Requérant est titulaire, entre autres, des marques suivantes :
- La marque française n° 4359100, VEEPEE, enregistrée le 3 mai 2017;
- La marque de l’Union européenne n° 017442245, VEEPEE, enregistrée le 29 mars 2018; et
- La marque internationale n° 1409721, VEEPEE, enregistrée le 8 novembre 2017.
Le Requérant est également titulaire du nom de domaine <veepee.com>, qu’il utilise comme site Internet principal à destination des consommateurs.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 1er juillet 2019. Le Requérant a fourni des captures d’écran démontrant qu’en mars 2020, le nom de domaine litigieux dirigeait vers une page parking fournie par l’Unité d’enregistrement et affichant des liens sponsorisés. Ultérieurement, en mai 2020, le nom de domaine litigieux dirigeait vers un site Internet de type blog comportant des articles de presse en arabe et en français. Actuellement, le nom de domaine litigieux dirige vers une page parking fournie par l’Unité d’enregistrement.
Le 28 avril 2020, le Requérant a adressé une lettre de mise en demeure au Défendeur par le biais de l’adresse e-mail indiquée sur le site du Défendeur. Le Requérant a envoyé un rappel par mail au Défendeur le 11 mai 2020. Le Défendeur n’a pas répondu à la lettre de mise en demeure du Requérant.
Le Requérant fait valoir ses droits sur la marque VEEPEE. Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux est similaire à la marque du Requérant au point de prêter à confusion, car il reproduit à l’identique la marque VEEPEE du Requérant en ajoutant un “e” dans la seconde syllabe. Le Requérant soutient que la présence d’un “e” supplémentaire correspond à une erreur de frappe très courante et par conséquent relève du typosquatting.
Le Requérant soutient que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. Le Requérant soutient qu’il n’a accordé aucune autorisation au Défendeur pour enregistrer le nom de domaine litigieux. Le Requérant souligne que le nom de domaine litigieux a été utilisé pour diriger vers une page Internet affichant des liens sponsorisés, y compris vers des sites Internet de concurrents du Requérant. A cet égard, le Requérant soutient que le Défendeur tente de tirer profit de la réputation des marques du Requérant, ce qui ne constitue pas une offre de bonne foi de produits ou de services. Le Requérant affirme que le Défendeur n’est pas généralement connu sous le nom de domaine litigieux et qu’il n’y a aucune preuve que le Défendeur dispose de droits de marque sur le signe “veepeee”. Le Requérant fait valoir en outre que le Défendeur ne fait pas un usage non commercial légitime ou loyal du nom de domaine litigieux, mais qu’il tente plutôt de tirer profit du trafic engendré par une faute de frappe lors de la saisie du nom de domaine du Requérant.
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Le Requérant affirme que les marques VEEPEE sont notoires en France et à l’échelle internationale, de sorte que l’enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur n’a pu être accidentel. En effet, le Défendeur est un utilisateur des services du Requérant depuis 2015. Le Requérant soutient que la pratique du typosquatting constitue, en elle-même, une preuve de la mauvaise foi. Le Requérant souligne que le site Internet vers lequel le nom de domaine litigieux dirige promeut des produits et services proposés par des concurrents du Requérant. Le Requérant affirme qu’en utilisant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a essayé d’attirer les internautes vers son site Internet, à des fins lucratives, en créant un risque de confusion quant à la source, au parrainage, à l’affiliation ou à l’approbation de son site Internet. Le Requérant affirme encore, que le nom de domaine litigieux a été mis aux enchères au prix de USD 300 – un prix manifestement disproportionné par rapport aux coûts d’enregistrement du nom de domaine litigieux. Le Requérant ajoute que l’absence de réponse du Défendeur à sa lettre de mise en demeure constitue une preuve supplémentaire de sa mauvaise foi.
Le Requérant demande à ce que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.
Le Défendeur, dans une communication informelle, a accepté de transférer le nom de domaine litigieux au Requérant. Le Défendeur nie avoir utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi et nie également avoir reçu la lettre de mise en demeure du Requérant.
Le paragraphe 11 (a) des Règles d’application dispose:
“Sauf accord contraire des parties ou mention contraire dans le Contrat d’enregistrement, la langue de la procédure administrative sera la langue du Contrat d’enregistrement, à moins que la Commission administrative n’en décide autrement au regard des circonstances de la procédure administrative”.
L’Unité d’enregistrement a confirmé que l’anglais était la langue du Contrat d’enregistrement en vertu duquel le nom de domaine litigieux a été enregistré. Le Requérant a déposé sa plainte en français et a demandé à ce que le français soit la langue de la procédure. Au soutien de sa demande, le Requérant souligne que le Défendeur est domicilié en France, les marques du Requérant sont notoires en France, le nom de domaine mène à un site Internet affichant des liens sponsorisés vers des sites Internet en français, et que le site Internet de type blog du Requérant comporte également un article rédigé en français.
La Commission administrative observe que la communication informelle du Défendeur, datée du 20 mai 2020, était rédigée en français, démontrant que le Défendeur est capable de communiquer en français. La Commission administrative conclut que le Défendeur n’est en rien désavantagé du fait que la plainte soit déposée en français et par conséquent, rend sa décision en français.
La Commission administrative constate que le Défendeur a accepté de transférer le nom de domaine litigieux au Requérant. Dans le même temps, le Défendeur a expressément nié avoir fait preuve de mauvaise foi et le Requérant a choisi d’écarter la possibilité de résoudre ce litige par un accord amiable. Compte tenu de ces éléments, la Commission administrative estime qu’il est approprié de rendre une décision sur le fond; voir la section 4.10 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition (“Synthèse, version 3.0”).
Le Requérant doit démontrer qu’il satisfait, selon toute probabilité, aux exigences posées par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou d’une similitude pouvant prêter à confusion avec une marque commerciale ou une marque de service dans laquelle le Requérant a des droits;
(ii) le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime au regard du nom de domaine litigieux; et
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
La Commission administrative conclut que le Requérant a établi l’existence de ses droits dans la marque VEEPEE, dont les détails sont fournis dans la section 4 concernant les faits, ci-dessus.
Le nom de domaine litigieux est composé de la marque VEEPEE du Requérant, à laquelle est ajouté un “e” en dernière position. Des commission administratives antérieures ont jugé qu’un nom de domaine consistant en une faute d’orthographe courante, évidente ou intentionnelle d’une marque est considéré comme similaire à la marque concernée au point de prêter à confusion au sens du premier élément; voir la section 1.9 de la Synthèse OMPI 3.0. Le nom de domaine litigieux est visuellement et phonétiquement très similaire à la marque VEEPEE du Requérant.
La Commission administrative conclut que le nom de domaine litigieux est similaire à la marque du Requérant au point de prêter à confusion. Le Requérant remplit donc les conditions du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
Comme indiqué ci-dessus, le nom de domaine litigieux a été utilisé tout d’abord pour diriger vers une page parking affichant des liens sponsorisés, puis pendant un certain temps pour diriger vers un site Internet de type blog affichant des articles de presse, et plus récemment, pour diriger vers une simple page parking fournie par une Unité d’enregistrement. La Commission administrative constate également que le Défendeur a mis en vente le nom de domaine litigieux pour un prix d’achat minimum de USD 300.
Il apparaît clairement qu’en utilisant le nom de domaine litigieux de la manière décrite ci-dessus, le Défendeur a tenté de tirer profit de l’association apparente entre le nom de domaine litigieux et la marque du Requérant, à la fois en garant le nom de domaine litigieux et en affichant des liens sponsorisés, mais également en mettant en vente le nom de domaine litigieux. La Commission administrative ne considère pas que l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur constitue une offre de bonne foi de produits ou services au sens du paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs, ni une utilisation non commerciale légitime ou loyale au sens du paragraphe 4(c)(iii) des Principes directeurs. Le Défendeur est identifié dans le WhoIs comme étant “Anass Haial”, ce qui ne ressemble en aucun cas au nom de domaine litigieux. Il n’y a par ailleurs aucun élément tendant à démontrer que le Défendeur aurait acquis des droits de marque sur le signe “veepeee”, ou sur une variante de celui-ci, tel que reflété dans le nom de domaine litigieux. Le Défendeur n’est pas généralement connu sous le nom de domaine litigieux au sens du paragraphe 4(c)(ii) des Principes directeurs.
Le Défendeur n’a présenté aucun élément de preuve tendant à établir l’existence de droits ou intérêts légitime dans le nom de domaine litigieux. Le Requérant remplit les conditions du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le Requérant a soumis de la preuve indiquant que depuis le début de son activité commerciale en 2001, il s’est développé pour devenir un des acteurs principaux de la vente en ligne en France. La Commission administrative constate également que le Défendeur semble avoir utilisé les services du Requérant depuis 2015 et était donc susceptible d’avoir connaissance du processus de rebranding initié par le Requérant en 2019, quelques mois avant l’enregistrement du nom de domaine litigieux. En effet, le Défendeur n’a pas nié connaître le Requérant ou sa marque VEEPEE. La Commission administrative constate encore qu’en mettant en vente le nom de domaine litigieux, le Défendeur a décrit le nom de domaine litigieux comme étant un site Internet de vente en ligne, faisant par là ostensiblement référence à l’activité commerciale principale du Requérant. Partant, la Commission administrative conclut que le Défendeur connaissait, selon toute probabilité, l’existence du Requérant et de ses droits dans la marque VEEPEE, et a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux afin de tirer profit de sa vente, au Requérant ou à un concurrent du Requérant, et ce, de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(b)(i) des Principes directeurs.
Comme indiqué ci-dessus, le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux pour diriger vers une page parking, affichant des liens sponsorisés, y compris vers les sites de concurrents du Requérant. Etant donné que le nom de domaine litigieux diffère du nom de domaine officiel du Requérant par l’inclusion d’un “e” final supplémentaire, les internautes recherchant le site Internet du Requérant peuvent facilement se retrouver sur le site Internet du Défendeur en faisant une faute de frappe lors de la saisie du nom de domaine du Requérant dans la barre URL d’un moteur de recherche. La Commission administrative conclut qu’en utilisant le nom de domaine litigieux de la manière décrite ci‑dessus, le Défendeur a essayé d’attirer des internautes vers son site, à des fins lucratives, en créant un risque de confusion avec la marque du Requérant quant à la source, au parrainage, à l’affiliation ou à l’approbation de son site Internet et des produits et services proposés, preuve de sa mauvaise foi au sens du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs.
La Commission administrative conclut que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Le Requérant a satisfait les conditions du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <veepeee.com> soit transféré au Requérant.
Jane Seager
Expert Unique
Le 22 juillet 2020