Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

R. St. Barth Limited contre Olivier et Valerie Kleinhans, Island Compagnie

Litige No. D2020-1541

1. Les parties

Le Requérant est R. St. Barth Limited, Royaume-Uni, représenté par Coblence & Associés, France.

Le Défendeur est Olivier et Valerie Kleinhans, Island Compagnie, Saint Martin, représenté parle cabinet Marli, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <rhumsaintbarth.com> est enregistré auprès de OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par R. St. Barth Limited auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 12 juin 2020. En date du 12 juin 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 12 juin 2020, le Centre a également reçu un courrier électronique du Défendeur, auquel le Centre a répondu le 17 juin 2020. Le 15 juin 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 17 juin 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé un amendement à la plainte le 18 juin 2020.

Le Centre a vérifié que la plainte et l’amendement à la plainte (ci-après dénommées “la Plainte”) répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 29 juin 2020, une notification de la Plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 19 juillet 2020. Le 17 juillet 2020, le Défendeur a demandé une extension du délai pour faire parvenir une réponse. Le 17 juillet 2020, le Centre a confirmé la prorogation automatique de quatre jours pour répondre. Le nouveau délai pour faire parvenir une réponse était donc fixé au 23 juillet 2020. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse (ci-après dénommée “la Réponse”) le 23 juillet 2020.

Le 30 juillet 2020, le Requérant a envoyé un courrier électronique au Centre, auquel le Centre a répondu le même jour.

En date du 11 août 2020, le Centre nommait Robert A. Badgley comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Selon la Plainte, le Requérant est “une société spécialisée dans la production et la commercialisation de rhum”. Le Requérant exploite le site internet “www.rhumstbarth.com” pour présenter ses produits. Le Requérant est titulaire de plusieurs marques, y comprises la marque française R. ST. BARTH (numéro 3755038, 20 juillet 2010 date d’enregistrement), la marque figurative française R. ST. BARTH (numéro 3780747, 9 novembre 2010 date d’enregistrement), et la marque figurative internationale R. ST. BARTH (numéro 1084827, 7 février 2011 date d’enregistrement).

Le Requérant allègue que la Plainte est “basée” également sur une marque figurative américaine R. ST. BARTH (“numéro” 88564940, 2 août 2019 “date d’enregistrement”). Cependant, il paraît que cette allégation ne peut pas être vérifiée. Parmi les Annexes soumises par le Défenseur est un extrait du site du United States Patent & Trademark Office (ci-après dénommé le “USPTO”). Selon cet extrait, la marque américaine prétendue par le Requérant n’a jamais été enregistrée et l’application a été rejetée par le USPTO. Dès lors, la référence à cette marque américaine”enregistrée” auprès du USPTO ne sera pas prise en compte par cette Commission administrative.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 8 janvier 2019. Le Défendeur exploite un site internet pour commercialiser du rhum.

La Collectivité territoriale de Saint-Barthélemy (souvent appelé “St. Barth”) est le gouvernement local d’une île caribéenne française.

Selon le Défendeur, “il détient le droit d’exploiter le terme Saint Barth pour commercialiser du rhum directement de la société du licencié exclusif (ci-après dénommé ‘Dussol’) de la Collectivité territoriale de Saint-Barthélemy et donc in fine de la Collectivité elle-même”. Annexés à la Réponse sont des documents contractuels pour établir le lien commercial entre le Défendeur et la Collectivité. Dussol, le donneur de licence, est titulaire de la marque française ST BARTH (numéro 3879587, 6 décembre 2011 date d’enregistrement), pour des “boissons alcooliques” et des “spiritueux” dans la classe internationale 33, et il existe un contrat de licence de marque concernant cette marque entre la société Island Compagnie et Dussol.

Les Parties offrent de nombreuses allégations et thèses qui ne sont pas pertinentes pour rendre une décision en vertu des Principes directeurs.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant constate qu’il a établi chacun des trois éléments exigés par les Principes directeurs pour effectuer le transfert du nom de domaine litigieux.

B. Défendeur

Le Défendeur nie les allégations principales du Requérant, et constate qu’il dispose d’un droit et d’intérêts légitimes pour exploiter le nom de domaine litigieux.

6. Discussion et conclusions

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Selon le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, le Requérant doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits.

Au vu des éléments présentés dans la section 4 ci-dessus de la décision, le Requérant est titulaire de plusieurs marques pour R. ST. BARTH.

La marque R. ST. BARTH constitue l’élément prédominant du nom de domaine litigieux et l’ajout du terme descriptif “rhum” ne permet pas d’écarter la similitude prêtant à confusion.

Par conséquent, le nom de domaine litigieux <rhumsaintbarth.com> est semblable au point de prêter à confusion à la marque R. ST. BARTH du Requérant.

Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), le Requérant doit démontrer que le Défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

La jurisprudence UDRP considère que, s’agissant d’un fait négatif presque impossible à démontrer, à partir du moment où le Requérant a allégué que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime en relation avec le nom de domaine litigieux, c’est au Défendeur qu’il incombe de produire des arguments ou des preuves pour établir ses droits.

En l’espèce le Défendeur a apporté la preuve qu’il exploite le nom de domaine de bonne foi. Le nom de domaine est composé de termes descriptifs qui décrivent le service du Défendeur, la commercialisation de rhums sur l’île de Saint Barthelemy.

De plus, le Défendeur dispose du droit légitime d’exploiter le nom de domaine litigieux pour commercialiser du rhum sous la marque, sous licence de Dussol, ST BARTH. Il a obtenu ce droit contractuel avant d’enregistrer le nom de domaine litigieux.

Dès lors, le Requérant n’a pas établi que le Défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

La Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs n’est pas est satisfaite.

Enfin la Commission administrative note que cette affaire porte sur un litige plus complexe en droit des marques touchant non seulement à la question de droits de marque, mais aussi au droit des affaires relevant du droit national et non du champ de compétence imparti à la Commission administrative dans le cadre de la procédure administrative UDRP. Les parties peuvent intenter des actions judiciaires devant les tribunaux compétents.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Vu la décision de la Commission administrative ci-dessus au sujet des “droits ou intérêts légitimes”, il n’est pas nécessaire de décider cet élément.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci- dessus, la Commission administrative rejette la Plainte.

Robert A. Badgley
Expert Unique
Le 23 août 2020