Le Requérant est Paris 2024 Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques / COJO, représenté par Plasseraud IP, France.
Le Défendeur est Obbyshare, Sébastien Hurstel, France.
Les noms de domaine litigieux <paris-jo2024.com>, <parislacanau2024.com>, <paris2024-lacanau.com>, <paris2024lacanau.com>, <paris2024-tahiti.com>, <paris2024tahiti.com>, <tahiti-joparis2024.com>, <tahiti-paris2024.com>, <2024-paris.com> sont enregistrés auprès de OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par PARIS 2024 Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques / COJO auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 8 juillet 2020. En date du 8 juillet 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 9 juillet 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire des noms de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 14 juillet 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire des noms de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre une plainte amendée. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 15 juillet 2020.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 29 juillet 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur.
Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 18 août 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 19 août 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 3 septembre 2020, le Centre nommait Louis-Bernard Buchman comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est une association de droit français déclarée le 22 décembre 2017, co-titulaire avec la ville de Paris du contrat de ville hôte signé avec le Comité International Olympique et le Comité National Olympique et Sportif Français, suite à l’attribution des Jeux Olympiques d’été de 2024 à la ville de Paris par le Comité International Olympique lors de sa session du 13 septembre 2017.
Le Requérant est titulaire des marques françaises semi-figuratives PARIS 2024, No. 4528353, enregistrée le 25 février 2019, et No. 4591893, enregistrée le 18 octobre 2019 (ci-après ensemble désignées : “la Marque”).
En outre, le Requérant est titulaire de plusieurs noms de domaine incorporant la Marque, dont <paris2024.org> enregistré le 6 juillet 2005.
Le Défendeur est OBBYSHARE, Sébastien HURSTEL, dont l’adresse renseignée est située en France.
Le Défendeur a enregistré les noms de domaine litigieux en date du 30 juillet 2019.
Au moment du dépôt de la plainte, tous les noms de domaine litigieux renvoyaient les Internautes vers des pages d’attente de l’Unité d’enregistrement, indiquant qu’ils ont été réservés, sauf le nom de domaine litigieux <2024-paris.com> qui redirigeait vers une page d’erreur. A la date à laquelle la présente décision est rendue, les noms de domaine litigieux sont inactifs.
(i) Le Requérant dispose d’un droit sur la Marque.
(ii) Les noms de domaine litigieux contiennent les éléments verbaux de la Marque.
(iii) Les noms de domaine litigieux portent atteinte aux droits dont est titulaire le Requérant, en ce qu’ils imitent la Marque, et sont susceptibles de créer un risque de confusion dans l’esprit des internautes en laissant croire que les noms de domaine litigieux sont liés au Requérant.
(iv) Le Défendeur n’a jamais été affilié au Requérant ni autorisé par lui à utiliser la Marque à quelque titre que ce soit. Le Défendeur ne peut justifier d’aucun droit ou intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux.
(v) Le Défendeur a enregistré les noms de domaine litigieux et les utilise de mauvaise foi.
(vi) Le Requérant demande que les noms de domaine litigieux lui soient transférés.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Il est rappelé que la Commission administrative est tenue d’appliquer le paragraphe 15(a) des Règles d’application qui prévoit que : “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”
Le paragraphe 10(a) des Règles d’application donne à la Commission administrative un large pouvoir de conduire la procédure administrative de la manière qu’elle juge appropriée, conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application, et elle doit aussi veiller à ce que la procédure soit conduite avec célérité (paragraphe 10(c) des Règles d’application).
En conséquence, la Commission administrative s’est attachée à vérifier, au vu des seuls arguments et pièces disponibles, si l’enregistrement et l’utilisation des noms de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et si le Défendeur pouvait justifier de droits sur ces noms de domaine.
Selon le paragraphe 14(b) des Règles d’application, la Commission administrative a le pouvoir de tirer du défaut du Défendeur toutes conclusions qu’elle juge appropriées.
Au cas présent, la Commission administrative constate que le Défendeur n’a réfuté aucun des faits allégués par le Requérant.
En particulier, le Défendeur, par son défaut, n’a fourni à la Commission administrative aucun des éléments prévus par les paragraphes 4(b) et (c) des Principes directeurs qui lui aurait permis de conclure que le Défendeur jouit de droits ou justifie d’intérêts légitimes concernant les noms de domaine litigieux, ou qu’il a agi de bonne foi en enregistrant et utilisant les noms de domaine litigieux.
Dans le cadre de l’analyse de la première condition du paragraphe 4(a), la Commission administrative doit se contenter de constater si le droit de marque du Requérant existe ou non.
Au vu des pièces versées au dossier, la Commission administrative constate que le Requérant justifie de droits exclusifs sur la dénomination PARIS 2024, à titre de marque enregistrée.
Demeure alors la question de la comparaison entre la Marque d’une part et les noms de domaine litigieux d’autre part. Or, en ce qui concerne l’identité ou la similitude de la Marque par rapport aux noms de domaine litigieux, ces derniers reproduisent les éléments verbaux de la Marque dans leur intégralité, les seules différences consistant soit en l’ajout de la syllabe “jo”, soit en l’ajout du nom d’une ville (“lacanau”) ou d’un territoire (“tahiti”), soit encore en l’ajout cumulé d’un des deux noms et de la syllabe séparés par un tiret (“tahiti-jo”), étant précisé que tant la ville de Lacanau que le territoire de Tahiti ont fait acte de candidature pour organiser les épreuves olympiques de surf, nouveau sport olympique, lors des Jeux Olympiques d’été de 2024.
Ces différences ne sauraient aux yeux de la Commission administrative conférer un autre sens aux noms de domaine litigieux ni permettre de les distinguer de la Marque.
Il est établi par ailleurs que les extensions de nom de domaine (telles que “.com”), nécessaires pour leur enregistrement, sont généralement sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion, les extensions pouvant donc ne pas être prises en considération pour examiner la similarité entre la Marque du Requérant et les noms de domaine litigieux, conformément à nombre de décisions UDRP déjà rendues (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Accor c. Accors, Litige OMPI No. D2004-0998).
La Commission administrative estime que le public en général et les Internautes en particulier pourraient penser que les noms de domaine litigieux renvoient au Requérant, ces noms de domaine litigieux étant similaires à la Marque sur laquelle le Requérant a des droits, au point de prêter à confusion (voir Citibank Privatkunden AG & Co. KGaA c. PrivacyProtect.org / N/A, indishi india mr.ugala, Litige OMPI No. D2010-1147; Credit Industriel et Commercial S.A., Banque Fédérative du Crédit Mutuel c. Headwaters MB, Litige OMPI No. D2008-1892; Banque Saudi Fransi c. ABCIB, Litige OMPI No. D2003-0656; Islamic Bank of Britain Plc c. Ifena Consulting, Charles Shrimpton, Litige OMPI No. D2010-0509; BPCE c. PrivacyProtect.org / Maksym Pastukhov, Litige OMPI No. D2010-1666).
Dans ces conditions, la Commission administrative constate que l’exigence du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est satisfaite.
Il est admis que, s’agissant de la preuve d’un fait négatif, une commission administrative ne saurait se montrer trop exigeante vis-à-vis d’un requérant. Lorsqu’un requérant a allégué le fait que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine, il incombe au défendeur d’établir le contraire, puisque lui seul détient les informations nécessaires pour ce faire. S’il n’y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes (Eli Lilly and Company c. Xigris Internet Services, Litige OMPI No. D2001-1086; Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624).
Aucun élément du dossier ne révèle qu’avant la naissance du litige, le Défendeur ait utilisé les noms de domaine litigieux, ou des noms correspondant aux noms de domaine litigieux, en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou qu’il ait fait des préparatifs sérieux à cet effet.
Le Défendeur ayant délibérément dissimulé son identité, aucun intérêt légitime relatif aux noms de domaine litigieux n’est manifeste de sa part.
Le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la Marque ou à procéder à l’enregistrement de noms de domaine incluant la Marque.
Par ailleurs, le mutisme conservé par le Défendeur, qui a choisi de ne pas répondre à la plainte dans la présente procédure, ne permet pas de penser qu’il ferait un usage légitime et non commercial des noms de domaine litigieux.
Au contraire, le Requérant argue de la possibilité pour le Défendeur de faire usage des noms de domaine litigieux à des fins frauduleuses grâce à la configuration d’un serveur de mail.
Dans ces conditions, la Commission administrative est d’avis que le Défendeur n’ayant pas de droits sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache, l’exigence du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
La mauvaise foi doit être prouvée dans l’enregistrement comme dans l’usage.
En ce qui concerne l’enregistrement de mauvaise foi, la bonne foi du Défendeur lors de l’enregistrement ne ressort d’aucun document soumis au dossier.
La Commission administrative estime que le choix comme noms de domaine de la Marque, en la faisant suivre ou précéder d’éléments tels qu’un tiret, la syllabe “jo” (qui évoque les Jeux Olympiques), “tahiti” ou “lacanau”, ne saurait être le fruit du hasard, conférer un sens différent aux éléments verbaux “paris2024”, ni permettre de les distinguer de la Marque.
Dans ces circonstances, la Commission administrative estime que le caractère multiple et répété de l’enregistrement de neuf noms de domaine litigieux par le Défendeur ne peut être le fruit du hasard et qu’il est certain que le Défendeur avait connaissance de cette dénomination, annoncée internationalement sur tous les médias, bien avant que le Défendeur procède à leur enregistrement.
En ce qui concerne l’utilisation de mauvaise foi des noms de domaine litigieux, le Requérant soumet au dossier une mise en demeure, envoyée le 25 septembre 2019 au Défendeur, de cesser de porter atteinte aux droits du Requérant sur la Marque.
Dès lors, il est prouvé que le Défendeur a eu connaissance des droits du Requérant sur la Marque et qu’il a maintenu en vigueur les noms de domaine litigieux en contravention avec le paragraphe 2 des Principes directeurs, qui dispose que : “En demandant l’enregistrement d’un nom de domaine ou le maintien en vigueur ou le renouvellement d’un enregistrement de nom de domaine, vous affirmez et nous garantissez que … b) à votre connaissance, l’enregistrement du nom de domaine ne portera en aucune manière atteinte aux droits d’une quelconque tierce partie…”
Certaines commissions administratives ont estimé que dans certaines circonstances, les personnes qui réservent des noms de domaine ont l’obligation de s’abstenir d’enregistrer et d’utiliser un nom de domaine qui soit identique ou similaire à une marque détenue par d’autres, et qu’enfreindre notamment les dispositions du paragraphe 2 des Principes directeurs précité peut être constitutif de mauvaise foi.
Par ailleurs, la simple immobilisation d’un nom de domaine, sans raison, peut être constitutive d’une utilisation de mauvaise foi.
Il est établi que les noms de domaine litigieux dirigeaient vers des pages d’attente ou d’erreur de l’Unité d’enregistrement. Des décisions administratives UDRP ont déjà et à plusieurs reprises pu retenir que la détention d’un nom de domaine sans qu’un site actif y corresponde pouvait, dans certains cas, être considérée comme une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, supra; Christian Dior Couture SA c. Liage International Inc., Litige OMPI No. D2000-0098; ACCOR c. S1A, Litige OMPI No. D2004-0053et Westdev Limited c. Private Data, Litige OMPI No. D2007-1903).
En outre, l’usage de mauvaise foi des noms de domaine litigieux par le Défendeur peut aussi résulter, en certaines circonstances, du fait que leur usage de bonne foi ne soit d’aucune façon plausible (voir Audi AG c. Hans Wolf, Litige OMPI No. D2001-0148), compte tenu de la spécificité de l’activité du Requérant.
La Commission administrative conclut qu’en détenant passivement, en utilisant les noms de domaine litigieux à des fins d’empêcher l’usage de ces noms de domaine par le Requérant et en ne se manifestant pas dans la présente procédure administrative, le Défendeur a procédé à une utilisation de mauvaise foi des noms de domaine litigieux.
Il en résulte que les trois éléments prévus au paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine litigieux <paris-jo2024.com>, <parislacanau2024.com>, <paris2024-lacanau.com>, <paris2024lacanau.com>, <paris2024-tahiti.com>, <paris2024tahiti.com>, <tahiti-joparis2024.com>, <tahiti-paris2024.com> et <2024-paris.com> soient transférés au Requérant.
Louis-Bernard Buchman
Expert Unique
Le 17 septembre 2020