Le Requérant est la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, France, représenté par MEYER & Partenaires, France.
Le Défendeur est Lerooy Catherine, France.
Le nom de domaine litigieux <https-creditmutuel.com> est enregistré auprès de Ligne Web Services SARL (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 30 septembre 2020. En date du 30 septembre 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 1er octobre 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 1er octobre 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte/une plainte amendée. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 9 octobre 2020.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée étaient conformes aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 12 octobre 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 1 novembre 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 2 novembre 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 6 novembre 2020, le Centre nommait Vincent Denoyelle comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est une société française spécialisée dans les services bancaires et d’assurance.
Le Requérant est titulaire de plusieurs marques CREDIT MUTUEL dont les suivantes :
Marque de l’Union Européenne CREDIT MUTUEL n° 18130616 déposée le 30 septembre 2019, en classes 7, 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 45;
Marque de l’Union Européenne CREDIT MUTUEL n° 16130403 déposée le 05 décembre 2016 en classes 7, 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 45.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 13 avril 2020 par le Défendeur.
Le nom de domaine litigieux est associé à un site inactif.
Le Requérant considère que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec la marque CREDIT MUTUEL, sur laquelle le Requérant détient des droits. Le Requérant soutient que la seule partie distinctive du nom de domaine litigieux à prendre en compte correspond à la marque CREDIT MUTUEL dans son intégralité. Le Requérant avance en effet que ni l’ajout de l’extension générique de premier niveau “generic Top-Level Domain” (“gTLD”) “.com” ni l’ajout de l’acronyme du protocole “https-” ne sont de nature à écarter le risque de confusion.
Le Requérant soutient que le Défendeur doit être considéré comme n’ayant aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Le Requérant affirme qu’il n’existe aucune relation entre le Défendeur et le Requérant pouvant justifier de cet enregistrement et le Défendeur ne serait ni un agent ni un salarié du Requérant. Le Requérant déclare n’avoir accordé au Défendeur aucune autorisation ou licence d’exploitation aux fins d’enregistrer ou d’utiliser le nom de domaine litigieux. De surcroît, selon le Requérant, l’utilisation du nom de domaine litigieux ne constitue pas un usage légitime dans la mesure où il ne s’agit pas non plus d’un usage dans le cadre d’une offre de bonne foi ou d’une offre non commerciale.
Le Requérant considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Pour l’enregistrement de mauvaise foi, le Requérant met en avant la renommée de la marque CREDIT MUTUEL et qu’il en résulte que le Défendeur ne pouvait l’ignorer au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux et que c’est donc délibérément que le Défendeur a décidé de reproduire la marque CREDIT MUTUEL dans le nom de domaine litigieux. Le Requérant met également en avant le fait que le choix d’associer la marque du Requérant à l’acronyme du protocole “https” confirmerait la mauvaise foi du Défendeur lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux car cet ajout serait de nature à tromper les internautes sur la sécurité du site associé au nom de domaine litigieux. Le Requérant considère que l’usage du nom de domaine litigieux par le Défendeur caractérise sa mauvaise et que la détention passive d’un nom de domaine suffit à caractériser la mauvaise foi d’autant plus lorsqu’elle est associée à d’autres indices de mauvaise foi comme la reproduction d’une marque notoire au sein du nom de domaine et l’utilisation d’un service d’anonymisation des informations WhoIs. Finalement, le Requérant met en avant le risque qui pèserait sur le Requérant et ses clients que le nom de domaine litigieux soit utilisé dans un but frauduleux.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le Requérant doit faire la démonstration :
(i) que le nom de domaine litigieux est identique à, ou d’une similitude pouvant prêtée à confusion avec une marque commerciale ou une marque de service sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime au regard du nom de domaine litigieux; et
(iii) que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Pour satisfaire la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le Requérant doit démontrer qu’il détient des droits sur une marque de produit ou service et que le nom de domaine litigieux est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque du Requérant.
La Commission administrative constate que le Requérant a démontré détenir des droits sur la marque CREDIT MUTUEL.
Le nom de domaine reproduit l’intégralité de la marque CREDIT MUTUEL qui est précédée des termes “https-” sous l’extension gTLD “.com”.
La Commission administrative considère que le terme descriptif précédant la marque CREDIT MUTUEL dans le nom de domaine litigieux n’est pas de nature à réduire le risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et la marque CREDIT MUTUEL. De surcroît, le terme “https-” et ce qu’il évoque en termes de sécurité informatique est particulièrement pertinent dans le contexte des activités du Requérant. En ce sens, voir la section 1.8. de la Synthèse de l’OMPI des avis des Commissions administratives sur certaines questions UDRP, version 3.0 ("Synthèse de l’OMPI, version 3.0").
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire à la marque du Requérant au point de prêter à confusion au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
Pour satisfaire la deuxième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le Requérant doit démontrer que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime au regard du nom de domaine litigieux.
Après considération de la plainte et des éléments de preuve fournis par le Requérant et en l’absence de réponse du Défendeur, la Commission administrative considère que le Requérant a, prima facie, fait une démonstration suffisante de l’absence de droit ou intérêt légitime du Défendeur au regard du nom de domaine litigieux.
La Commission administrative observe en particulier les déclarations du Requérant sur l’absence de tout lien, contractuel ou autre, avec le Défendeur et également le fait que le nom de domaine litigieux ne fait pas l’objet d’une utilisation propre à matérialiser une quelconque légitimité.
La Commission administrative estime donc que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Pour satisfaire la troisième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le Requérant doit démontrer que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Sur l’enregistrement de mauvaise foi, l’analyse de la plainte et des éléments de preuve fournis par le Requérant conduit la Commission administrative à considérer que la renommée de la marque CREDIT MUTUEL est établie et que celle-ci est prégnante en France, le lieu de résidence du Défendeur, si bien qu’il parait difficilement concevable que le Défendeur ait enregistré le nom de domaine litigieux dans un but autre que celui de profiter indûment du Requérant, de ses droits et sa renommée.
La Commission administrative considère que le choix du Défendeur de faire précéder, dans le nom de domaine litigieux, la marque CREDIT MUTUEL du terme “https-”, révèle l’intention du Défendeur au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, de donner l’illusion aux Internautes et clients potentiels du Requérant d’une adresse URL légitime et paramétrée selon un protocole de sécurité renforcé. Cette circonstance est de nature à renforcer la position de la Commission administrative sur la mauvaise foi du Défendeur au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
La Commission administrative considère que la notoriété démontrée de la marque CREDIT MUTUEL, a fortiori dans le pays de résidence du Défendeur, renforce la probabilité que la détention passive du nom de domaine litigieux soit un usage de mauvaise foi. Sur ce point, voir la section 3.3 de la Synthèse de l’OMPI, version 3.0. Le choix du Défendeur de faire précéder, dans le nom de domaine litigieux, la marque CREDIT MUTUEL du terme “https-”, renforce le jugement porté par la Commission administrative sur l’usage du nom de domaine litigieux de mauvaise foi et d’une manière potentiellement frauduleuse et trompeuse.
Enfin, l’utilisation d’un service d’anonymisation par le Défendeur ne fait que renforcer les observations qui précèdent.
Il ressort des constatations de la Commission administrative que l’enregistrement et l’usage du nom de domaine litigieux sont de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <https-creditmutuel.com> soit transféré au Requérant.
Vincent Denoyelle
Expert Unique
Date : Le 20 novembre 2020