Le Requérant est Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D Lec, France, représenté par Inlex IP Expertise, France.
Le Défendeur est Dickson, Sénégal.
Le nom de domaine litigieux <leclercfrance-fr.com> est enregistré auprès de Kheweul.com SA (Senegal) (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D. Lec auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 27 octobre 2020. En date du 27 octobre 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. En date du 9 novembre 2020, le Centre a adressé un rappel formel concernant la requête aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 12 novembre 2020 et le 13 novembre 2020, suite à une demande de clarification, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées.
L’Unité d’enregistrement a aussi indiqué que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est le français. Le 17 novembre 2020, la plainte ayant été déposée en anglais, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant, l’invitant à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les Parties, la plainte traduite en français, ou une demande afin que l’anglais soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une plainte amendée traduite en français le 20 novembre 2020.
La langue de la procédure est donc le français conformément au paragraphe 11(a) des Règles d’application.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 25 novembre 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 décembre 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 16 décembre 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 29 décembre 2020, le Centre nommait Anne-Virginie La Spada comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est une association française appartenant à la première enseigne de commerçants indépendants, le Mouvement E. Leclerc, qui tient son nom de son fondateur M. Edouard Leclerc.
Le Requérant exploite la marque LECLERC de façon intensive en relation avec des chaines de supermarchés et d’hypermarchés en France ainsi que dans plusieurs pays européens.
Le Requérant est titulaire de plusieurs marques pour ou incluant la dénomination “leclerc” et notamment de la marque de l’Union Européenne “LECLERC” no. 002700656 déposé le 17 mai 2002 et enregistrée le 26 février 2004 pour toutes les classes de produits et services.
Le Requérant exploite notamment le nom de domaine <e-leclerc.com>.
Le nom de domaine litigieux <leclercfrance-fr.com> a été enregistré le 18 juin 2020.
Il ne semble pas que le nom de domaine litigieux ait été connecté à un site Internet actif. Cependant, les informations techniques relatives au nom de domaine litigieux contiennent la désignation d’un serveur de mail.
Selon le Requérant, le nom de domaine litigieux reproduit à l’identique sa marque antérieure LECLERC. Il soutient que l’adjonction du nom de pays “France” et du code du pays “fr” n’est pas de nature à écarter le risque de confusion mais tend au contraire à l’accroître dans la mesure où le Requérant (1) a son siège en France (2) sa chaîne magasins est bien établie sur tout le territoire français (3) la marque et les magasins Leclerc jouissent d’une forte notoriété en France.
Le Requérant allègue que le Défendeur n’est pas communément connu sous le nom Leclerc ou affilié à une société de ce nom et qu’il ne détient aucun droit notamment de marque sur la dénomination LECLERC. Le Requérant n’a aucune relation avec le Défendeur, qui ne l’a pas autorisé à enregistrer ou utiliser le nom de domaine litigieux. Enfin, le nom de domaine litigieux est inactif et le Défendeur ne démontre pas d’utilisation ou de préparation en vue d’utiliser le nom de domaine litigieux avec une offre de produit ou de service de bonne foi. Le Requérant en conclut que le Défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux.
Le Requérant estime que compte tenu de la renommée de sa marque et de l’antériorité de ses enregistrements, le Défendeur en avait connaissance au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux et qu’il a volontairement fait le choix du nom du nom de domaine litigieux afin que les Internautes recherchant des informations sur le Requérant soient dirigés vers le nom de domaine litigieux.
Par ailleurs, le Requérant affirme que le nom de domaine litigieux est utilisé en relation avec un service email, d’après les informations techniques disponibles. Selon lui, le nom de domaine litigieux pourrait être utilisé pour des opérations d’hameçonnage par exemple. Par ailleurs, le renvoi à un site inactif pourrait laisser penser aux Internautes qu’il s’agit d’un site officiel qui dysfonctionne ou a été piraté, ce qui porterait préjudice au Requérant.
Selon le Requérant, au vu de l’ensemble des faits, le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Selon le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, afin d’obtenir gain de cause dans cette procédure et obtenir le transfert du nom de domaine litigieux, le requérant doit prouver que chacun des trois éléments suivants est satisfait :
(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits; et
(ii) Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Requérant détient des droits sur la marque verbale LECLERC.
Le nom de domaine litigieux reproduit intégralement la marque LECLERC, avec l’adjonction des indications géographiques “France” et “fr”.
Selon les décisions UDRP de précédentes commissions administratives, l’adjonction d’un terme descriptif ou géographique à la marque du requérant ne suffit pas à écarter un risque de confusion lorsque la marque est reconnaissable dans le nom de domaine (voir la section 1.8 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux Principes UDRP, troisième édition (“Synthèse, version 3.0”), voir aussi DPD Dynamic Parcel Distribution GmbH & Co.KG. v. Vinod Vinod, Litige OMPI No. D2014-1808).
En l’espèce, la marque LECLERC du Requérant est parfaitement reconnaissable dans le nom de domaine litigieux. L’adjonction des indications géographiques “France” et de l’abréviation commune “fr” ne permet pas d’écarter le risque de confusion.
Enfin, l’extension “.com” n’a pas à être prise en considération dans l’examen de la similitude entre la marque et le nom de domaine (voir la section 1.11 de la Synthèse, version 3.0).
Par conséquent, conformément au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, la Commission administrative retient que le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion à la marque du Requérant.
Le Requérant affirme que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni d’intérêt légitime s’y rapportant.
Le Défendeur, qui a fait défaut, ne s’est pas prononcé.
Il n’existe aucune indication au dossier suggérant que le Défendeur aurait des droits ou des intérêts légitimes l’autorisant à utiliser le nom de domaine litigieux, ou qu’il serait connu sous le nom de domaine litigieux. Par ailleurs, le nom de domaine litigieux n’est pas associé à un site actif.
A teneur du paragraphe 14(b) des Règles d’application, la Commission administrative peut tirer les conséquences qu’elle juge appropriée du défaut du Défendeur. En l’espèce, la Commission administrative estime que le silence du Défendeur corrobore l’affirmation du Requérant selon laquelle le Défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux.
Par conséquent, la Commission administrative retient que le Défendeur n’a pas de droits sur le nom de domaine litigieux, ni d’intérêts légitimes s’y rapportant, conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Compte tenu du caractère notoire de la marque LECLERC en France, et du fait que le nom de domaine litigieux combine cette marque avec les termes “France” et “fr”, la Commission administrative estime hautement probable que le Défendeur avait connaissance de la marque du Requérant au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux. Par conséquent, il se justifie d’admettre que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a apparemment pas utilisé le nom de domaine litigieux en connexion avec une page active. La détention passive d’un nom de domaine n’empêche pas la Commission administrative de conclure à une utilisation de mauvaise foi, selon les circonstances du cas particulier.
Les commissions administratives UDRP examinent l’ensemble des circonstances dans chaque cas, mais les facteurs qui ont été considérés comme pertinents dans l’application de la doctrine de la détention passive comprennent (i) le degré de caractère distinctif ou la réputation de la marque du requérant, (ii) l’absence de réponse du défendeur ou de preuve d’un usage réel ou envisagé de bonne foi, (iii) la dissimulation par le défendeur de son identité ou l’utilisation de fausses coordonnées (en violation de son contrat d’enregistrement), et (iv) l’invraisemblance de tout usage de bonne foi auquel le nom de domaine pourrait être soumis (section 3.3. de la Synthèse, version 3.0).
En l’espèce, la marque du Requérant est connue particulièrement en France, et comme mentionné plus haut, la Commission administrative estime invraisemblable que le Défendeur ait choisi le nom de domaine litigieux par hasard. Au contraire, il est probable que le Défendeur entendait délibérément faire référence à la marque du Requérant. Le Défendeur ne semble pas avoir utilisé le nom de domaine litigieux, et il n’a apporté aucune explication quant à l’usage projeté ou aux raisons de l’enregistrement. La Commission administrative estime plausible, dans ces circonstances, que le Défendeur avait l’intention d’utiliser le nom de domaine litigieux d’une manière propre à créer une confusion avec le Requérant et ses activités, par exemple pour une tentative d’hameçonnage. Ceci est d’autant plus probable que les informations techniques relatives au nom de domaine litigieux font état de la configuration de serveurs de messagerie associés au nom de domaine.
De plus, l’adjonction des éléments géographiques “France” et “fr” tend à accroître le risque de confusion en particulier dans la mesure où la France est le lieu d’origine et d’implantation principale du Requérant mais également celui sur lequel il jouit de la plus forte notoriété.
Les demandes préliminaires adressées par le Requérant à l’adresse email du Défendeur renseignée au registre sont restées sans réponse en dépit de plusieurs rappels.
Enfin les coordonnées communiquées par le Défendeur dans les données WhoIs ne sont pas exactes ou sont manifestement incomplètes et la plainte adressée au Défendeur n’a pas pu lui être remise pour cause de mauvaise adresse, ce qui constitue un indice additionnel de la mauvaise foi du Défendeur.
Selon ce qui précède, la Commission conclut que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi, et que le Requérant a satisfait à la condition énoncée au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <leclercfrance-fr.com> soit transféré au Requérant.
Anne-Virginie La Spada
Expert Unique
Le 12 janvier 2021