Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

ONEY Bank contre Jean-Philippe Marconnet, (S)Aravis Conseil

Litige No. D2020-3453

1. Les parties

Le Requérant est ONEY Bank, France, représenté par SafeBrands, France.

Le Défendeur est Jean-Philippe Marconnet, (S)Aravis Conseil, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <rachat-credit-oney.com> est enregistré auprès de OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par ONEY Bank auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 17 décembre 2020. En date du 17 décembre 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 18 décembre 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 18 décembre 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte/une plainte amendée. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 22 décembre 2020.

Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée soient conformes aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 23 décembre 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 janvier 2021. Le 5 janvier 2021, le Défendeur a fait parvenir un mél ainsi que le formulaire d’accord exprimant son accord pour débloquer le nom de domaine litigieux. Le même jour, le Centre a transmis les communications au Requérant ainsi qu’une communication laissant la possibilité aux parties de suspendre la procédure pour la mise en œuvre d’un éventuel accord de conciliation. Le Requérant a informé le Centre de sa volonté de poursuivre la procédure en date du 11 janvier 2021. Le Centre a accusé réception de cette communication en rappelant le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 janvier 2021. Le Défendeur n’a pas soumis d’observations supplémentaires.

En date du 25 janvier 2021, le Centre nommait Marie-Emmanuelle Haas comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

Le 29 janvier 2021, la Commission administrative a transmis une Ordonnance auprès des parties conformément aux paragraphes 10 et 12 des Règles UDRP afin d’obtenir des informations supplémentaires. Le Requérant a soumis de nouvelles pièces le 2 février 2021 et le Défendeur n’a soumis aucune observation.

4. Les faits

Le Requérant est la société de droit français Oney Bank, anciennement Banque Accord, établie en 1988, spécialisée dans les crédits à la consommation, les paiements électroniques et la gestion de cartes de paiement.

Au fil des années, le Requérant est devenu l’un des principaux partenaires financiers en France et au sein de l’Union européenne, opérant dans de nombreux pays.

Le Requérant déclare être titulaire de plusieurs marques françaises et internationales composées du terme “Oney”, seul ou combiné à d’autres éléments, dont notamment les marques ONEY suivantes, enregistrées et renouvelées:

- la marque internationale ONEY No. 865742, enregistrée le 11 août 2005 pour des produits et services des classes 9, 36 et 38;
- la marque internationale ONEY No. 947985, enregistrée le 11 juillet 2007 pour des produits et services des classes 9, 36 et 38;
- la marque française ONEY No. 3341580, enregistrée le 16 février 2005 pour des services des classes 36 et 38;
- la marque française ONEY No. 3346084, enregistrée le 10 mars 2005 pour des services des classes 36 et 38;
- la marque française ONEY No. 3356227, enregistrée le 28 avril 2005 pour des produits et services des classes 9, 35, 39, 41 et 42.

Le Requérant déclare également être titulaire de nombreux noms de domaine composés du signe “Oney”, seul ou associé à d’autres termes dont le suivant:

- <oney.com> enregistré depuis le 12 octobre 2003.

Il communique cependant un extrait WhoIs anonymisé ne confirmant pas cette information.

Le Requérant sollicite dans cette procédure le transfert du nom de domaine <rachat-credit-oney.com>, enregistré le 6 mars 2020.

Le Défendeur a été identifié sur la base de données WhoIs de l’Unité d’enregistrement comme étant la société Aravis Conseil.

Le Requérant a informé le Centre que le Défendeur détenait également le nom de domaine <rachat-credit-oney.fr>, pour lequel une procédure SYRELI a été engagée.

Avant d’engager cette procédure, le Requérant a contacté le titulaire du nom de domaine <rachat-credit-oney.fr> par mél à l’adresse renseignée dans la fiche WhoIs dudit nom, à savoir “[…]@aravisconseil.com”, en vue de résoudre amiablement le présent litige.

Il a obtenu un retour depuis l’adresse “[…]@francecreditcourtage.fr”, France Crédit Courtage étant une société concurrente du Requérant.

Cette adresse mél créée à partir du nom de domaine de ce concurrent est attribuée au dirigeant de la société (S)Aravis Conseil, titulaire du nom de domaine litigieux.

Le 31 mars 2020, après plusieurs relances du Requérant en vue d’une résolution amiable, le Défendeur a indiqué avoir procédé à la coupure de la redirection du nom de domaine litigieux <rachat-credit-oney.com> vers le site “www.francecreditcourtage.fr“ et semblait enclin à un transfert amiable.

Cependant, et malgré les relances du Requérant, ce dernier n’a jamais obtenu de la part du Défendeur le transfert du nom de domaine litigieux.

Le Requérant prouve qu’un serveur MX est installé sur le nom de domaine litigieux.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le nom de domaine <rachat-credit-oney.com> résulte de la combinaison des termes français “rachat” et “crédit”, de tirets et de la marque ONEY, qui en est l’élément dominant.

La seule variation est l’ajout de termes descriptifs, ce qui n’est pas de nature à écarter la similitude et le risque de confusion avec la marque ONEY.

Le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine <rachat-credit-oney.com>. Il n’existe aucun lien d’affiliation entre le Requérant et le Défendeur, ni aucune autorisation expresse et préalable d’exploiter les marques ONEY et d’enregistrer le nom de domaine litigieux.

Il appartient au titulaire d’un nom de domaine de rechercher s’il existe des droits antérieurs.

Le nom de domaine litigieux redirigeait vers le site “www.francecreditcourtage.fr”dédié à l’offre de crédits, en particulier de crédits à la consommation, ce qui est l’activité principale du Requérant.

Cet usage ne peut être considéré comme “une offre de bonne foi”.

Le Défendeur a enregistré et exploité le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

Le titulaire du nom de domaine litigieux est le dirigeant de la société Aravis Conseil, il est issu du monde de l’audit financier, activité complémentaire au secteur bancaire.

En répondant au mél notifiant les droits sur les marques, le titulaire mis en cause a utilisé son adresse mél professionnelle, dont il ressort qu’il exerce également son activité au sein de la société France Crédit Courtage, concurrent du Requérant.

Dans ces conditions, le titulaire mis en cause ne pouvait pas ignorer les droits du Requérant.

Il a enregistré le nom de domaine litigieux pour profiter de la notoriété du Requérant et pour s’approprier une partie du trafic généré par la marque ONEY, avec pour effet de perturber les activités du Requérant, ce qui caractérise l’enregistrement de mauvaise foi.

Le nom de domaine litigieux redirigeait vers le site concurrent “www.francecreditcourtage.fr”. Il a été mis fin à cette redirection suite aux mises en demeure et à la proposition de règlement amiable du différend, proposition qui a été acceptée le 31 mars 2020.

Malgré les multiples relances du Requérant, le transfert amiable n’a finalement pas eu lieu.

L’absence d’usage qui a fait suite à l’annulation de la redirection caractérise un usage passif de mauvaise foi.

En outre, l’existence des serveurs MX expose au risque que le titulaire mis en cause poursuive ses activités uniquement par voie de messagerie, en utilisant des adresses intégrant la marque ONEY pour envoyer des méls frauduleux, au détriment du Requérant.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant. Le Défendeur a soumis deux méls informels en date du 5 janvier 2021.

6. Discussion et conclusions

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant justifie de ses droits sur les marques ONEY antérieures au nom de domaine litigieux <rachat-credit-oney.com>.

La marque ONEY est reprise à l’identique dans le nom de domaine litigieux.

L’ajout des termes descriptifs “rachat” et “credit” qui sont des termes du vocabulaire de la finance n’est pas de nature à éviter tout risque de confusion. Voir en ce sens la section 1.8 de la Synthèse de l’OMPI des avis des Commissions administratives sur certaines questions UDRP, version 3.0 (“Synthèse de l’OMPI, version 3.0”).

Il y a donc une similitude prêtant à confusion entre la marque ONEY et le nom de domaine litigieux <rachat-credit-oney.com>.

Compte tenu des faits décrits par le Requérant, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

La preuve des droits sur un nom de domaine ou de l’intérêt légitime qui s’y attache peut-être constituée, en vertu des paragraphes 4(a)(ii) et 4(c) des Principes directeurs, en particulier, par l’une des circonstances ci-après:

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services a été utilisé ou des préparatifs sérieux ont été mis en œuvre à cet effet;

(ii) le défendeur est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Le Défendeur n’est pas affilié du Requérant et n’a pas été autorisé à exploiter la marque ONEY, ou à enregistrer le nom de domaine litigieux.

Il ne fait pas un usage de bonne foi du nom de domaine litigieux <rachat-credit-oney.com> qui redirigeait vers un site concurrent.

L’usage du nom de domaine litigieux <rachat-credit-oney.com> démontre de façon évidente l’intention de tromper les internautes pour détourner les internautes en parfaite connaissance de cause, de façon déloyale.

Compte tenu des faits décrits par le Requérant, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Aux fins du paragraphe (4)(a)(iii) des Principes directeurs, la preuve de ce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la Commission administrative, par les circonstances ci-après (paragraphe 4(b) des Principes directeurs):

(i) les faits montrent que le nom de domaine a été enregistré ou acquis essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais déboursés par le titulaire en rapport direct avec ce nom de domaine;

(ii) le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, le défendeur étant coutumier d’une telle pratique;

(iii) le nom de domaine a été enregistré essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les internautes sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

A défaut de réponse à la plainte, le Défendeur n’a fourni aucune preuve de tout éventuel enregistrement et/ou usage de bonne foi, actuel ou envisagé, du nom de domaine litigieux.

Le Requérant est domicilié en France, de même que le Défendeur. Il est un professionnel de l’audit financier et le dirigeant de la société Aravis Conseil.

Il avait nécessairement connaissance de la marque ONEY lorsqu’il a enregistré le nom de domaine <rachat-credit-oney.com> afin de le rediriger vers un site concurrent “www.francecreditcourtage.fr”.

Dans un mél du 31 mars 2020, le Défendeur a annoncé avoir mis fin à la redirection du nom de domaine litigieux. La Commission administrative estime par conséquent que le Défendeur a reconnu les faits.

Son intention était claire, il s’agissait de détourner les internautes, au préjudice du Requérant.

De plus, l’installation d’un serveur MX démontre que le nom de domaine litigieux a été configuré pour créer des adresses de messagerie électronique et communiquer directement avec les tiers.

Cette pratique est particulièrement dangereuse dans le secteur bancaire, qui est un secteur réglementé, qui doit être protégé, cette pratique caractérise un usage de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs: “en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les internautes sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”

Compte tenu des faits décrits par le Requérant, non contestés en l’absence de toute réponse formelle, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <rachat-credit-oney.com> soit transféré au Requérant.

Marie-Emmanuelle Haas
Expert Unique
Le 8 février 2021