Le Requérant est AXA SA, France, représenté par Selarl Candé - Blanchard - Ducamp, France.
Le Défendeur est Cédric Baldic, France.
Le nom de domaine litigieux <axatechviewou-ltd.com> est enregistré auprès de Ligne Web Services SARL (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte en français a été déposée par AXA SA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 9 mars 2021. En date du 9 mars 2021, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 10 mars 2021, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte soit conforme aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 15 mars 2021, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 4 avril 2021. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 8 avril 2021, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 13 avril 2021, le Centre nommait Louis-Bernard Buchman comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est la société de tête d’un des premiers groupes mondiaux d’assurance et de gestion d’actifs, coté à Paris, France et à New York, Etats Unis d’Amérique. Présent dans 57 pays, le groupe compte 108 millions de clients et emploie 160,000 personnes. En 2018, son chiffre d’affaires était de 103 milliards EUR.
Le Requérant est titulaire d’un très important portefeuille de marques enregistrées contenant l’élément distinctif AXA, parmi lesquelles la marque française No. 1270658, enregistrée le 10 janvier 1984, et les marques de l’Union européenne No. 00373894 et No. 008772766, respectivement enregistrées le 29 juillet 1998 et le 7 septembre 2012 (ci-après ensemble désignées : “la Marque”).
En outre, le Requérant est titulaire de nombreux noms de domaine, notamment <axa.com>, enregistré le 23 octobre 1995, renvoyant à son site qui promeut ses activités d’assurance et de gestion d’actifs.
Ces activités sont réglementées pour la protection du public et des investisseurs et nécessitent notamment en France un agrément préalable.
Le Défendeur est Cédric Baldic, dont l’adresse renseignée est située en France.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré en date du 9 juin 2020. Au moment du dépôt de la plainte, le nom de domaine litigieux renvoyait vers un site tiers indiquant que le site a été suspendu "www.suspended.lwspanel.com". Il était également utilisé pour activer des serveurs de messagerie envoyant des messages d’hameçonnage qui proposaient des investissements en cryptomonnaie.
A la date à laquelle la présente décision est rendue, le nom de domaine litigieux ne renvoie pas vers un site actif.
(i) Le Requérant dispose d’un droit sur la Marque.
(ii) Le nom de domaine litigieux contient la Marque.
(iii) Le nom de domaine litigieux porte atteinte aux droits dont est titulaire le Requérant, en ce qu’il imite la Marque, et est susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit des internautes en laissant croire que le nom de domaine litigieux est lié au Requérant.
(iv) Le Défendeur n’a jamais été affilié au Requérant ni autorisé par lui à utiliser la Marque à quelque titre que ce soit. Le Défendeur ne peut justifier d’aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, son utilisation en se faisant passer pour le Requérant pouvant en outre lui permettre de récupérer les informations personnelles des Internautes et manifestant une intention frauduleuse allant à l’encontre de tout droit ou intérêt légitime.
(v) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux et l’utilise de mauvaise foi.
(vi) Le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Il est rappelé que la Commission administrative est tenue d’appliquer le paragraphe 15(a) des Règles d’application qui prévoit que la commission administrative statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.
Le paragraphe 10(a) des Règles d’application donne à la Commission administrative un large pouvoir de conduire la procédure administrative de la manière qu’elle juge appropriée, conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application, et elle doit aussi veiller à ce que la procédure soit conduite avec célérité (paragraphe 10(c) des Règles d’application).
En conséquence, la Commission administrative s’est attachée à vérifier, au vu des seuls arguments et pièces disponibles, si le nom de domaine litigieux était identique ou similaire et prêtant à confusion avec la marque du Requérant, si le Défendeur pouvait justifier d’un droit ou d’un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, et si l’enregistrement et l’utilisation de ce nom de domaine litigieux étaient de mauvaise foi.
Selon le paragraphe 14(b) des Règles d’application, la Commission administrative a le pouvoir de tirer du défaut du Défendeur toutes conclusions qu’elle juge appropriées.
Au cas présent, la Commission administrative constate que le Défendeur n’a réfuté aucun des faits allégués par le Requérant.
En particulier, le Défendeur, par son défaut, n’a fourni à la Commission administrative aucun des éléments prévus par les paragraphes 4(b) et (c) des Principes directeurs qui lui aurait permis de conclure que le Défendeur jouit de droits ou justifie d’intérêts légitimes concernant le nom de domaine litigieux, ou qu’il a agi de bonne foi en enregistrant et utilisant le nom de domaine litigieux.
Dans le cadre de l’analyse de la première condition du paragraphe 4(a), la Commission administrative doit se contenter de constater si le droit de marque du Requérant existe ou non.
Au vu des pièces versées au dossier, la Commission administrative constate que le Requérant justifie de droits exclusifs sur la Marque.
Demeure alors la question de la comparaison entre la Marque d’une part et le nom de domaine litigieux d’autre part. Or, en ce qui concerne l’identité ou la similitude de la Marque par rapport au nom de domaine litigieux, ce dernier reproduit la Marque dans son intégralité, en y accolant les éléments “tech”, et “view”, “ou” et “ltd” (abréviation usuelle en anglais de “limited”, cette dernière précédée d’un tiret) et suivis de l’extension “.com”.
La Commission administrative estime, ainsi qu’il a déjà été décidé dans les affaires AXA SA c. WhoisGuard Protected, WhoisGuard, Inc. / Daniel Blondela, Litige OMPI No. D2020-1557 (relativement aux noms de domaine <axatechviewou.com> et <techviewouaxa.com>) et AXA SA c. Daniel Blondela, Litige OMPI No. D2020-1558 (relativement au nom de domaine <techview-axa.com>), que ces différences ne sauraient conférer un autre sens au nom de domaine litigieux, ni permettre de le distinguer de la Marque.
Il est établi par ailleurs que les extensions de nom de domaine (telles que “.com”), nécessaires pour leur enregistrement, sont généralement sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion, les extensions pouvant donc ne pas être prises en considération pour examiner la similarité entre la Marque du Requérant et le nom de domaine litigieux, conformément à nombre de décisions UDRP déjà rendues (voir section 1.11 de la Synthèse des avis des commissions administratives sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, (“Synthèse OMPI, version 3.0”).
La Commission administrative estime donc que le public en général et les Internautes en particulier pourraient penser que le nom de domaine litigieux renvoie au Requérant, ce nom de domaine litigieux étant similaire à la Marque sur laquelle le Requérant a des droits, au point de prêter à confusion (voir Citibank Privatkunden AG & Co. KGaA c. PrivacyProtect.org / N/A, indishi india mr.ugala, Litige OMPI No. D2010-1147; Credit Industriel et Commercial S.A., Banque Fédérative du Crédit Mutuel c. Headwaters MB, Litige OMPI No. D2008-1892; Banque Saudi Fransi c. ABCIB, Litige OMPI No. D2003-0656; Islamic Bank of Britain Plc c. Ifena Consulting, Charles Shrimpton, Litige OMPI No. D2010-0509; BPCE c. PrivacyProtect.org / Maksym Pastukhov, Litige OMPI No. D2010-1666).
Dans ces conditions, la Commission administrative constate que l’exigence du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est satisfaite.
Il est généralement admis que, s’agissant de la preuve d’un fait négatif, une commission administrative ne saurait se montrer trop exigeante vis-à-vis d’un requérant. Lorsqu’un requérant a allégué le fait que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, il incombe au défendeur d’établir le contraire, puisque lui seul détient les informations nécessaires pour ce faire. S’il n’y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes (voir section 2.1 de la Synthèse OMPI, version 3.0).
Aucun élément du dossier ne révèle qu’avant la naissance du litige, le Défendeur ait utilisé le nom de domaine litigieux, ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux, en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou qu’il ait fait des préparatifs sérieux à cet effet.
Le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la Marque ou à procéder à l’enregistrement d’un nom de domaine incluant la Marque.
Avant la suspension du nom de domaine litigieux, celui-ci avait permis au Défendeur d’activer des serveurs de messagerie envoyant des messages d’hameçonnage qui proposaient des investissements en cryptomonnaie. Cette utilisation du nom de domaine litigieux ne peut être assimilée à une offre de services de bonne foi, au vu du paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs.
Par ailleurs, le mutisme conservé par le Défendeur, qui a choisi de ne pas répondre à la plainte dans la présente procédure, ne permet pas de penser qu’il ferait un usage légitime et non commercial du nom de domaine litigieux.
La Commission administrative note que le nom de domaine litigieux a été utilisé à des fins de fraude au détriment du Requérant, celui-ci ayant apporté la preuve de tentatives d’hameçonnage.
Dans ces conditions, la Commission administrative est d’avis que le Défendeur n’ayant pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache, l’exigence du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
La mauvaise foi doit être prouvée dans l’enregistrement comme dans l’usage.
En ce qui concerne l’enregistrement de mauvaise foi, la bonne foi du Défendeur lors de l’enregistrement ne ressort d’aucun document soumis au dossier.
La Commission administrative estime que le choix comme nom de domaine d’une marque dont le caractère notoire a déjà été reconnu par nombre de décisions rendues sous les Principes UDRP (voir par exemple Finaxa SA c. Spiral Matrix, Litige OMPI No. D2005-1044; AXA SA c. Frank Van, Litige OMPI No. D2014-0863 et AXA SA c. Duffet Orlene, Litige OMPI No. D2020-1102) ne peut être le fruit d’une simple coïncidence.
De surcroît, le Défendeur a effectué cette réservation dans le but manifeste de se faire passer pour le Requérant en utilisant le nom de domaine litigieux à des fins frauduleuses par hameçonnage.
Dans ces circonstances, la Commission administrative estime plus qu’improbable qu’au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux, le Défendeur ait pu ne pas avoir connaissance de la Marque et a par conséquent enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
En outre, l’usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le Défendeur peut aussi résulter, en certaines circonstances, du fait que son usage de bonne foi ne soit d’aucune façon plausible (voir Audi AG c. Hans Wolf, Litige OMPI No. D2001-0148), compte tenu de la spécificité de l’activité du Requérant.
Enfin, certaines commissions administratives UDRP ont même estimé que dans certaines circonstances, les personnes qui réservent des noms de domaine ont l’obligation de s’abstenir d’enregistrer et d’utiliser un nom de domaine qui soit identique ou similaire à une marque détenue par d’autres, et qu’enfreindre notamment les dispositions du paragraphe 2 des Principes UDRP, qui dispose que : “En demandant l’enregistrement d’un nom de domaine ou le maintien en vigueur ou le renouvellement d’un enregistrement de nom de domaine, vous affirmez et nous garantissez que … b) à votre connaissance, l’enregistrement du nom de domaine ne portera en aucune manière atteinte aux droits d’une quelconque tierce partie …”, peut être constitutif de mauvaise foi.
La Commission administrative conclut qu’en détenant et utilisant le nom de domaine litigieux à des fins frauduleuses et en ne se manifestant pas dans la présente procédure administrative, le Défendeur a procédé à un enregistrement et une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
Il en résulte que les trois éléments prévus au paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <axatechviewou-ltd.com> soit transféré au Requérant.
Louis-Bernard Buchman
Expert Unique
Le 19 avril 2021