La requérante est Cerberus Capital Management L.P. de New York, New York, Etats-Unis d’Amérique (“Etats-Unis”) représentée par Wild Schnyder AG, Suisse.
La partie adverse est Danilo Larini, United Suisse Capital AG de Zürich, Suisse.
Le différend concerne le nom de domaine <cerberus-zug.ch>.
Le registre auprès duquel le nom de domaine litigieux est enregistré est SWITCH, Suisse .
Une demande a été déposée par Cerberus Capital Management L.P. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 23 décembre 2015.
En date du 28 décembre 2015, le Centre a adressé une requête au registre SWITCH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la requérante. En date du 28 décembre 2015, SWITCH a confirmé que la partie adverse est bien le détenteur du nom de domaine litigieux et a transmis ses coordonnées.
La demande a été soumise en français. SWITCH a annoncé par erreur que la langue du contrat d’enregistrement était l’allemand. En date du 31 décembre 2015, la requérante a demandé que la procédure soit en français. Le 4 janvier 2016, SWITCH a confirmé que la langue du contrat d’enregistrement est le français. Au vu des circonstances, le Centre a continué la procédure en français et allemand.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien aux exigences des Dispositions relatives à la procédure de règlement des différends pour les noms de domaine .ch et .li (ci-après les Dispositions) adoptées par SWITCH, registre du .ch et du. li, le 1er mars 2004.
Conformément au paragraphe 14 des Dispositions, le 8 janvier 2016, une transmission de la demande valant ouverture de la présente procédure, a été adressée à la partie adverse. Conformément au paragraphe 15(a) des Dispositions, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 janvier 2016.
La partie adverse n’a déposé aucune réponse à la demande et n’a exprimé d’aucune autre façon sa volonté de prendre part à une audience de conciliation conformément au paragraphe 15(d) des Dispositions.
Le 31 janvier 2016, la requérante a déposé une demande de poursuite de procédure.
En date du 18 février 2016, le Centre nommait Daniel Kraus comme Expert dans le présent différend. L’Expert constate qu’il a été désigné conformément aux Dispositions. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 4 des Dispositions.
Vu le fait que tant l’allemand que le français sont considérés comme langues de la procédure, qu’il a finalement été constaté que la langue du contrat d’enregistrement était le français, que la requérante a rédigé sa requête en français et que la partie adverse n’y a pas répondu, la présente décision est rédigée en français.
La requérante exerce une activité dans le domaine de la gestion de fortune. Elle est titulaire des marques internationales IR 1 031 110 CERBERUS et IR 1 031 111 CERBERUS CAPITAL MANAGEMENT (fig.). Les deux marques sont protégées en Suisse depuis février 2010 pour des services de la classe 36.
La requérante dispose également du nom commercial Cerberus Capital Management L.P, protégé en Suisse par le biais de l’art. 2 al. 1 et art. 8 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, en relation avec l’art. 29 CC.
Le nom de domaine litigieux a pour sa part été enregistré le 28 janvier 2012.
La requérante soutient que l’enregistrement du nom de domaine litigieux constitue une infraction à ses marques selon le droit suisse. Le nom de domaine litigieux déposé par la partie adverse prête en effet à confusion avec les marques CERBERUS et CERBERUS CAPITAL MANAGEMENT détenues par la requérante, ce qui représente une infraction à ses droits découlant de l’article 13 al. 1 et 2 en combinaison avec l’article 3 de la Loi fédérale sur la protection des marques et indications de provenances (LPM).
La partie adverse n’a déposé aucune réponse à la demande.
Il ressort de l’état de fait (point 4 supra) que la réponse à cette question est positive, la requérante disposant des marques internationales CERBERUS et CERBERUS CAPITAL MANAGEMENT avec désignation de la Suisse.
La réponse à cette deuxième question est également positive. L’exclusivité sur un signe distinctif peut être revendiquée par la requérante sur la base de l’article 13 LPM.
Le titulaire d’un signe distinctif peut en revendiquer l’exclusivité dans la mesure où il y a au moins risque de confusion. Selon le Tribunal fédéral suisse, le risque de confusion est identique pour tout le droit des signes distinctifs (ATF 126 III 239, 245 ”berneroberland.ch”; ATF 128 III 401, 403 ”luzern.ch”).
Il convient de déterminer si l’utilisation d’une dénomination identique ou analogue en relation avec un site Internet par une personne ayant des droits moins fondés, crée un risque d’attribution incorrecte du site, soit une possibilité d’erreur d’identification de la personne qui est derrière le site (ATF 128 III 401, 403).
De façon générale, la partie qui ne dispose d’aucune protection particulière au sens du droit des signes distinctifs sur le nom de domaine en cause, se doit de prendre les mesures idoines pour que le nom de domaine qu’il a enregistré se distingue suffisamment du signe distinctif appartenant à la requérante (ATF 128 III 353, 358 ”Montana”), soit d’un signe distinctif protégé de façon absolue (ATF 126 III 239, 244).
En l’espèce, le risque de confusion apparaît comme patent. La partie adverse a enregistré le nom de domaine litigieux <cerberus-zug.ch> le 28 janvier 2012 alors qu’elle devait connaître la marque et l’activité de la requérante, qui jouit d’une notoriété certaine dans son domaine d’activité. La partie adverse n’a pris aucune mesure pour se distinguer du signe appartenant à la requérante, mis à part l’adjonction d’une indication géographique relative à la ville ou au canton de Zug. Or, la reprise intégrale est de nature à fonder un risque de confusion en présence de produits identiques ou similaires, cela d’autant plus que le canton de Zug constitue un endroit privilégié pour l’implantation des sièges de sociétés commerciales et financières.
Au surplus, le nom de domaine litigieux n’a aucun lien avec la raison sociale de la partie adverse, de sorte que cette dernière ne peut invoquer aucun droit préférable.
Pour les raisons énoncées ci-dessus, et conformément au paragraphe 24 des Dispositions, l’Expert ordonne le transfert du nom de domaine <cerberus-zug.ch> au profit de la requérante.
Daniel Kraus
Expert
Le 3 mars 2016