La Requérante est Confédération Nationale du Crédit Mutuel domiciliée à Paris, France, représentée par MEYER & Partenaires, France.
Le Défendeur est Andrzej Wegrzyn domicilié à La Mure, France.
Le litige concerne le nom de domaine <creditmuuel.fr> enregistré le 17 décembre 2009.
Le prestataire Internet est la société EuroDNS, localisée au Luxembourg.
Une demande déposée par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 8 septembre 2010.
Le 8 septembre 2010, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 8 septembre 2010, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 15 septembre 2010. Conformément à l’article 15 du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 5 octobre 2010. Le Défendeur n’a pas fait parvenir de réponse et le Centre a notifié le défaut du Défendeur le 6 octobre 2010.
Le 14 octobre 2010, le Centre nommait Nathalie Dreyfus comme Expert unique dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
La Requérante est la société Confédération Nationale du Crédit Mutuel, localisée en France.
Elle est notamment titulaire des enregistrements de la marque CREDIT MUTUEL suivants :
CREDIT MUTUEL n° 1475940, marque semi-figurative déposée le 8 juillet 1988 en classes 35 et 36 ;
CREDIT MUTUEL n° 1646012, marque semi-figurative déposée le 20 novembre 1990 en classes 16, 35,
36, 38 et 41.
Elle a réservé, ainsi que sa filiale informatique Euro-Information SAS (ci-après “Euro Information“), divers noms de domaine comprenant la marque CREDIT MUTUEL, dont le nom de domaine <creditmutuel.fr> qui a été réservé le 10 août 1995. Ce dernier pointe vers un site où la Requérante présente ses différents services. Ses clients peuvent aussi accéder à leurs comptes par le biais de ce site.
La Requérante a eu connaissance du nom <creditmuuel.fr> réservé le 17 décembre 2009.
Le Défendeur est Andrzej Wegrzyn. Il est localisé à La Mure, en France.
La Requérante déclare être spécialisée dans les services de banque, d’assurance et de technologie et indique notamment être titulaire des enregistrements de la marque semi-figurative CREDIT MUTUEL n°1475940 et 1646012. Elle indique en outre que la marque CREDIT MUTUEL jouit en France d’une renommée pour les services bancaires et financiers. De surcroit, ces termes constituent son nom commercial et sont compris dans sa dénomination sociale.
La Défenderesse n’a jamais été autorisée à utiliser cette marque par la Requérante.
En outre, toujours selon la Requérante, le site internet exploité à partir du nom de domaine litigieux pointe vers un site de parking composé de liens commerciaux faisant la promotion de services d’opérateurs concurrents.
Elle considère en conséquence que le nom de domaine litigieux constitue une atteinte à la marque de renommée CREDIT MUTUEL en France, au nom commercial Crédit Mutuel, à la dénomination sociale Confédération Nationale du Crédit Mutuel et à ses noms de domaine antérieurs.
La réservation du nom de domaine litigieux par le Défendeur caractérise en outre la volonté de détourner le trafic des internautes commettant une erreur de frappe dans la saisie du nom de domaine <creditmutuel.fr>, ce qui correspond à la pratique courante du typosquatting.
De surcroit, la réservation du nom de domaine litigieux par le Défendeur caractérise selon la Requérante un comportement déloyal et fautif de la part du Défendeur ainsi qu’une dilution de l’image et de la réputation de la marque CREDIT MUTUEL.
La Requérante estime en outre que le nom de domaine litigieux pourrait servir à déclencher des attaques de phishing (hameçonnage) à tout moment, dont la Requérante aurait déjà été victime de la part de tiers.
Enfin, la Requérante a adressé le 26 juillet 2010 une lettre de mise en demeure au Défendeur par courrier postal. Cette lettre n’est jamais parvenue à son destinataire suite à une erreur dans l’adresse figurant sur la fiche WhoIs.
Elle a en conséquence initié la présente procédure afin de demander le transfert du nom <creditmuuel.fr> à son profit.
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre et est en conséquence défaillant.
L’Expert constate que la Requérante invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite le transfert à son profit.
Conformément à l’article 20(c) du Règlement, “[l]’expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.
Il convient en outre de souligner que, conformément aux dispositions de l’article 1 du Règlement, on entend par “[a]tteinte aux droits des tiers, en particulier, lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”.
En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par la Requérante, si l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine litigieux portent atteinte aux droits de tiers. Par ailleurs, l’Expert a aussi examiné si la Requérante, sollicitant le transfert de ce nom de domaine à son profit, a justifié de droits sur ce nom de domaine.
L’Expert retient que le nom de domaine litigieux est l’imitation de la marque CREDIT MUTUEL sur laquelle la Requérante a justifié détenir des droits. La suppression de la lettre “t“, ainsi que l’adjonction du suffixe “.fr“ non appropriable en tant que tel, sont inopérants à faire disparaître l’imitation de marque au sens du droit français (Phildar v. Dominique Bonnet, Litige OMPI No. DFR2007-0056).
L’Expert estime que la Requérante a démontré que la marque CREDIT MUTUEL et que les noms de domaine réservés avec sa filiale informatique Euro Information dont le nom de domaine <creditmutuel.fr>, auquel le nom litigieux est fortement similaire, sont exploités pour présenter les services offerts par la Requérante.
En conséquence, l’Expert accepte le bien fondé de la demande de transmission du nom de domaine <creditmuuel.fr> en conformité avec les dispositions de la Charte et du Règlement.
(a). Enregistrement du nom de domaine litigieux
La Requérante est titulaire d’un droit antérieur sur le signe CREDIT MUTUEL à titre de marque française et communautaire.
L’Expert estime que le nom de domaine litigieux est l’imitation du signe distinctif sur lequel la Requérante a justifié détenir des enregistrements de marque. En effet, comme cela a préalablement été indiqué dans cette décision, la simple suppression de la lettre “t“, ainsi que l’adjonction du suffixe “.fr” sont inopérants à faire disparaître l’imitation de marque au sens du droit français et le risque de confusion qui en découle (Phildar v. Dominique Bonnet,,supra.).
L’Expert relève en outre que la différence entre le nom de domaine <creditmutuel.fr>, exploité par la Requérante, et le nom de domaine <creditmuuel.fr> objet de la présente dispute est quasi insignifiante et entraine un risque de confusion avec ce nom de domaine officiel. Cette différente insignifiante semble révéler la volonté, non contestée par le Défendeur, de détourner le trafic des internautes commettant une erreur de frappe dans la saisie du nom de domaine <creditmutuel.fr>, ce qui correspond à la pratique courante du typosquatting.
Cette volonté d’entrainer la confusion dans l’esprit des internautes est d’autant plus incontestable que la marque CREDIT MUTUEL jouit d’une renommée en France, pays où est localisé le Défendeur, pour les services bancaires et financiers.
Par ailleurs, la Requérante invoque une atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial. L’Expert ne peut pourtant que constater que les documents fournis par la Requérante sont insuffisants pour conclure à une atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial pour lesquelles aucune pièce n’a été annexée à la plainte.
L’Expert considère toutefois que l’enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur est une atteinte à la renommée de marque CREDIT MUTUEL et une violation des droits de la Requérante sur les noms de domaine dont elle est titulaire avec sa filiale et qu’elle exploite.
(b). Utilisation du nom de domaine litigieux
La Requérante a une activité reconnue dans le domaine bancaire et financier.
L’Expert observe, conformément aux pièces fournies par la Requérante, qu’au moment du dépôt de la demande, le nom de domaine litigieux dirigeait les internautes vers un site Internet parking, par lequel le Défendeur est certainement rémunéré au clic, contenant des liens pointant vers des sites présentant et offrant des produits et services liées au domaine bancaire et financier.
L’Expert ne peut donc que constater que le nom de domaine litigieux a effectivement été utilisé par le Défendeur dans le seul but de détourner les internautes qui cherchaient à accéder aux sites exploités par la Requérante et plus particulièrement au site <creditmutuel.fr> sans qu’ils ne puissent trouver aucune information sur les services offerts par la Requérante et ce, afin de générer un trafic vers son site, constituant une source de revenus.
L’Expert estime par conséquent que l’utilisation faite par le Défendeur du nom de domaine litigieux crée un risque de confusion avec la marque CREDIT MUTUEL dans l’esprit des internautes.
En revanche, le simple risque que le Défendeur puisse mettre en œuvre à l’encontre de la Requérante, à partir du nom de domaine litigieux, des pratiques de “phishing” ne peut pas être en soit considéré comme constitutif d’un usage de mauvaise foi en l’absence de preuves tangibles à cet effet.
Toutefois, le comportement du Défendeur qui vise à profiter de manière injustifiée de la renommée de la marque CREDIT MUTUEL, de la confusion créée notamment avec le nom de domaine <creditmutuel.fr> dans le but d’en tirer un profit commercial, est constitutif d’un acte de parasitisme en vertu des articles 1382 et suivants du Code Civil.
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <creditmuuel.fr>.
Nathalie Dreyfus
Expert
Le 26 octobre 2010