Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DECISION DE L'EXPERT

La société Lacoste contre Redouane Aballaoui

Litige No. DMA2016-0001

1. Les parties

Le Requérant est la société Lacoste de Paris, France, représenté par Clairmont Avocats, France.

Le Défendeur est Redouanne Aballaoui de Casablanca, Maroc.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige porte sur le nom de domaine <lacoste.ma>.

Le prestataire du nom de domaine litigieux est la société Arcanes Technologies.

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par la société Lacoste auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 27 avril 2016.

En date du 28 avril 2016, le Centre a adressé une requête à l'Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ci‑après l'"ANRT", le Registre du ".ma") une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations. Le 2 mai 2016, l'ANRT a confirmé l'ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du « .ma » (ci‑après le "Règlement") en conformité avec à la Charte de nommage du « .ma »ˮ adoptée par l'ANRT.

Conformément à l'article 15(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 17 mai 2016. Conformément à l'article 16(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 6 juin 2016. Le Centre a reçu une communication informelle du Défendeur le 18 mai 2016.

En date du 23 juin 2016, le Centre nommait Abderrazak Mazini comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 5 du Règlement.

4. Les faits

Le Requérant est actif dans le monde de la mode. Le Requérant est titulaire de plusieurs marques LACOSTE dont la marque verbale internationale LACOSTE No. 437000, enregistrée le 25 avril 1978, englobant plusieurs pays dont notamment le Maroc.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré par le Défendeur le 28 mai 2015. Le site Internet du nom de domaine litigieux est une page d'accueil qui reproduit les marques verbales et semi-figuratives du Requérant, avec une publicité du Requérant et le slogan "un peu d'air sur terre".

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant a versé au dossier du présent litige un ensemble de justificatifs pour soutenir:

- Que la société Lacoste, société française fondée en 1933, commercialisait au départ le célèbre polo orné de l'image d'un crocodile sur la poitrine. Depuis lors, elle n'a pas cessé de diversifier ses activités. Elle est désormais un des leaders mondiaux dans le secteur du "sportswear" de haute de gamme et commercialise ses produits dans plusieurs pays du monde dont le Maroc où elle dispose de magasins dans plusieurs villes.

- En sus de ses magasins, la société Lacoste commercialise ses produits via son site Internet accessible au "www.lacoste.com" affichant à l'accueil l'appellation LACOSTE avec à droite l'image d'un crocodile.

- Que la Société Lacoste est titulaire de droits exclusifs sur la marque internationale nominative LACOSTE et la marque internationale figurative composée de l'image du crocodile, et ce pour les avoir enregistrées le 2 août 1952 sous le numéro 163199 (classes 24 et 25), le 25 avril 1978 sous le numéro 437000 (classe 1 à 42) et le 25 avril 1978 sous numéro 437001 (classe 1 à 39). Ces enregistrements couvrent plusieurs pays du monde dont le Maroc (Convention de Madrid).

Que la société Lacoste dispose également de droits exclusifs sur les noms de domaine ci-après:

<lacoste.com>, enregistré le 10 juillet 1997;

<lacoste.us>, enregistré le 19 avril 2001;

<lacoste.fr>, enregistré le 9 août 2005;

<lacoste.it>, enregistré le 5 janvier 2000;

<lacoste.uk>, enregistré le 19 juin 2014; et

<lacoste.ly>, enregistré le 21 octobre 2007.

Que le Défendeur a procédé à l'enregistrement du nom de domaine litigieux <lacoste.ma> illégalement et postérieurement aux dates d'enregistrement des marques et noms de domaines du Requérant, dans lequel il a reproduit à l'identique l'élément verbal de la marque (LACOSTE) avec l'élément graphique (image du crocodile). Par cet acte déloyal, le Défendeur trompe les internautes en leur faisant croire qu'ils sont connectés au site du Requérant et leur demander de lui communiquer par courriel leurs données personnelles en remplissant en ligne un formulaire.

- Le Requérant estime que le Défendeur porte atteinte à ses droits exclusifs sur sa marque, en squattant le nom de domaine litigieux <lacoste.ma> pour l'empêcher de l'enregistrer pour son compte au Maroc. En typosquattant le nom de domaine <lacoste.ma> pour exercer ainsi une activité déloyale consistant à collecter les données personnelles des internautes, le Défendeur nuit à l'image de marque de la Société Lacoste.

Considérant les éléments évoqués ci-dessus, le Requérant demande que le nom de domaine <lacoste.ma> lui soit transféré.

B. Défendeur

Informé par le Centre de l'ouverture à son en contre d'une procédure administrative en conformité avec le Règlement, le Défendeur s'est contenté de transmettre en réponse une communication informelle indiquant que le nom de domaine litigieux est expiré et ne répondant pas aux conditions de forme prévues par l'article 16 du Règlement.

6. Discussion

Ne disposant pas d'éléments de défense produite par le Défendeur, et conformément à l'article 20(b) du Règlement, l'Expert se contente de tirer les conclusions qu'il juge appropriées selon les informations fournies par le Requérant.

Conformément à l'article 2(a) du Règlement, l'Expert examine les éléments de ce litige et les pièces justificatifs versées par le Requérant, pour vérifier que les éléments ci-dessous sont réunis:

(i) le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, avec une marque de fabrique, de commerce ou de service sur laquelle le Requérant a des droits protégés au Maroc; et

(ii) le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et

(iii) le nom de domaine a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi.

A. Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de fabrique, de commerce ou de service protégée au Maroc sur laquelle le Requérant a des droits

En vertu des pièces du dossier produites par le Requérant, l'Expert constate que ce dernier a bien enregistré auprès de l'OMPI la marque LACOSTE et le logo associé, et ce pour bénéficier de la protection dans plusieurs pays du monde dont le Maroc, conformément à l'Accord de Madrid relatif au système international des marques.

L'Expert constate que le nom de domaine contesté <lacoste.ma> est composé du mot "lacoste" auquel le Défendeur s'est contenté d'y associer le suffixe (".ma") pour former le nom de domaine litigieux <lacoste.ma> qu'il a enregistré le 28 mail 2015. Or, en vertu d'une jurisprudence constante du Centre, l'adjonction du code de pays ("ccTLD") au nom d'une marque protégée n'enlève en rien au risque de confusion dans les esprits des internautes.

Pour les raisons ci-dessous, l'Expert considère que les conditions de l'article 2(a)(i) du Règlement sont réunies.

B. Le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime s'y attache

L'Expert constate qu'aucun élément du dossier ne démontre que le Défendeur dispose d'une délégation ou de droit de représentation du Requérant pour utiliser la marque LACOSTE pour commercialiser ses produits au Maroc. Il semble plutôt que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux pour collecter les données personnelles des internautes en usurpant la marque notoire du Requérant. Dans ces circonstances, l'Expert conclut que le Défendeur n'a par conséquent aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

C. Le nom de domaine litigieux a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi

Le site Internet du nom de domaine litigieux affiche une page reproduisant à l'identique la marque et le logo du Requérant avec une invitation au visiteur à s'enregistrer en ligne en inscrivant son nom, son prénom et son adresse email avec la fausse promesse de recevoir par courriel le catalogue des produits du Requérant proposés à la vente. Vérification faite sur la base de données des sociétés enregistrées auprès de l'OMPIC (Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale), il s'avère qu'aucune société au nom du Défendeur n'est enregistrée à l'OMPIC et que seule la marque du Requérant est enregistrée au nom de la Société Lacoste. Il est établi par conséquent que le Défendeur a profité de la notoriété du Requérant pour enregistrer le nom de domaine litigieux afin de rediriger vers lui les internautes, collecter et traiter leurs données personnelles, une activité strictement réglementée au Maroc par la loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel.

Il est par conséquent établi que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi, et ce pour exercer une activité déloyale consistant à collecter les données personnelles d'internautes, et ce en infraction à la législation et la réglementation en la matière appliquée au Maroc.

6. Décision

Au vu des pièces justificatives produites par le Requérant, et de recherches opérées sur Internet, et considérant que le Défendeur n'a fourni aucun élément de défense, l'Expert considère que les conditions de l'article 2(a)(iii) sont remplies.

Et conformément aux articles 2(a) et 21 du Règlement, l'Expert ordonne le transfert du nom de domaine litigieux <lacoste.ma> au profit du Requérant.

Abderrazak Mazini
L'Expert
Date: le 12 juillet 2016