3 octobre 2023
Au cœur de la forêt amazonienne brésilienne, une communauté de petits exploitants agricoles vivant le long des rives du fleuve Amazone et de ses affluents fait face à un problème qui pourrait menacer ses moyens de subsistance. Ces agriculteurs dépendent de la culture du guarana (Paullinea cupana), une culture commerciale très prisée. Pourtant, un problème impérieux se profile à l’horizon : la recherche d’eau pour laver les fruits de guarana récoltés, une étape essentielle pour maintenir la qualité de la baie, dont dépendent leurs revenus. WIPO GREEN est intervenu pour aider à répondre aux besoins en eau des agriculteurs en les mettant en rapport avec les fournisseurs de technologie appropriés. Cette initiative permet d’assurer l’approvisionnement en eau pour le lavage des cultures et l’utilisation quotidienne, ce qui améliore la qualité des récoltes et garantit les moyens de subsistance.
Le parcours de la baie de guarana, riche en caféine, de l’usine au marché est long et exigeant. Elle doit passer par une phase de fermentation qui dure trois jours après la récolte. Ensuite, elle doit être lavée afin d’être préparée pour le traitement. Mais, dans la région isolée de Maués en Amazonie, où se trouvent la plupart des petits producteurs de guarana, l’accès à l’eau potable dans les quantités nécessaires au lavage des baies est un luxe. De nombreux agriculteurs n’ont pas un accès fiable à l’électricité nécessaire pour pomper l’eau potable dans des puits. Ils utilisent donc l’eau des rivières, au risque d’exposer les baies à une contamination chimique et biologique.
Les graines de la baie de guarana sont très recherchées pour leurs qualités énergisantes et médicinales, et trouvent des applications dans une large gamme de produits, notamment les boissons énergisantes, les cosmétiques et les médicaments. AMBEV, la plus grande entreprise brésilienne de boissons, est l’un des principaux acheteurs de guarana de cette région, ses achats s’élevant à près de 10 millions de dollars É.-U. par an. Cependant, la contamination de l’eau peut nuire à la qualité des graines, ce qui diminue leur valeur marchande et compromet les possibilités de revenus stables de l’agriculteur. Cette contamination peut également se répercuter sur les chaînes de valeur locales et mondiales. En outre, les risques sanitaires liés à la manipulation d’eau polluée peuvent exposer ces agriculteurs au risque de maladies, aggravant encore leurs difficultés économiques et sociales.
Les études montrent que les activités liées à l’extraction artisanale de l’or, par exemple, émettent de grandes quantités de mercure dans l’écosystème de la région du bassin fluvial. L’utilisation de mercure est une pratique courante dans les méthodes d’extraction minière, car ce métal sert à amalgamer les particules d’or entre elles. Le mercure est également très toxique. Du fait de la proximité des mines d’or avec les rivières ou d’autres masses d’eau, le mercure libéré peut les contaminer.
Depuis son lancement en octobre 2019 en Argentine, au Brésil et au Chili, le projet d’accélération de l’OMPI à l’intention des pays d’Amérique latine, financé par le Fonds fiduciaire mondial du Japon pour la propriété industrielle, vise essentiellement à recenser les besoins et à mettre en rapport les demandeurs et les fournisseurs de solutions. Au Brésil, en collaboration avec l’Institut national de la propriété industrielle, il a permis de mettre en évidence les obstacles auxquels se heurtent plus d’un millier de producteurs locaux de baies de guarana. Agrosuisse, la société de conseil sur le terrain, a travaillé avec les agriculteurs et AMBEV pour évaluer le problème et a reconnu le besoin de solutions de pompage de l’eau hors réseau et respectueuses de l’environnement. Compte tenu de l’absence d’accès à une alimentation électrique constante pendant la journée, les pompes solaires se sont imposées comme la meilleure solution. Ces pompes auraient plusieurs fonctions : l’irrigation des cultures, l’approvisionnement en eau des ménages et une source d’électricité fiable. Une fois ce besoin identifié, l’équipe s’est mise en quête, à l’échelle nationale, de fournisseurs hautement qualifiés afin d’améliorer la productivité agricole d’une manière respectueuse de l’environnement.
Le creusement de puits modèles traditionnels de l’Amazonas à proximité des rives a également été recommandé comme mesure complémentaire dans l’ensemble des solutions technologiques, car il peut minimiser la contamination par les métaux lourds et les agents biologiques pathogènes grâce à la filtration et à la précipitation. “Bien que le résultat ne soit pas toujours garanti, cela est considéré comme une bonne pratique par rapport à l’utilisation de l’eau de la rivière pour les usages domestiques et alimentaires”, déclare Richard Charity, coordinateur technique du projet à l’OMPI.
Les entreprises brésiliennes IRRIGASOL et AMBIENTE-SE ont été sélectionnées. Ces deux entreprises ont proposé leur savoir-faire pour répondre aux besoins des fournisseurs de guarana. Deux grands défis doivent être relevés. Premièrement, l’éloignement des exploitations de guarana rend difficiles la réparation et l’entretien des pompes en temps voulu. WIPO GREEN collabore avec des fournisseurs potentiels afin de trouver des solutions pour apporter un soutien efficace en cas de panne. Deuxièmement, des obstacles financiers entravent l’investissement initial nécessaire à la mise en place de ces stations de pompage essentielles. WIPO GREEN étudie diverses solutions financières qui permettraient aux agriculteurs d’installer les systèmes. Une fois ces défis relevés et les systèmes opérationnels, les exploitations de baies auront accès à l’eau pour les besoins agricoles et domestiques.
La solution de pompage solaire identifiée dans le cadre de ce projet ne permet pas de résoudre le problème de la contamination de l’eau. D’après le GIEC, les secteurs fortement dépendants de l’eau, tels que l’exploitation minière et l’agriculture, devront adopter des stratégies visant à atténuer le stress hydrique et à améliorer l’efficacité. En outre, l’intensification du changement climatique est susceptible d’exacerber les problèmes de pollution de l’eau, en raison notamment des inondations, de l’augmentation de la température de l’eau et de l’élévation du niveau de la mer. Dans ce contexte, l’innovation technologique joue un rôle encore plus crucial pour associer les besoins spécifiques de ces communautés situées le long des cours d’eau à des solutions appropriées. Grâce à sa base de données répertoriant 129 000 technologies (dont 563 portent spécifiquement sur la pollution de l’eau), WIPO GREEN montre comment l’innovation peut être mise à profit pour relever des défis concrets face au changement climatique.
“Grâce à ce projet, nous avons obtenu des résultats extrêmement utiles et la solution identifiée”, affirme Roosevelt Marhl, responsable de l’exploitation d’AMBEV à Maués. “L’application directe de cette solution contribuerait à améliorer la qualité de vie de la population et du produit de grande valeur qu’elle produit : le guarana.”
L’histoire des fournisseurs de guarana en Amazonie brésilienne illustre la possibilité de trouver des solutions pour relever les défis interdépendants de la durabilité, du changement climatique, des moyens de subsistance et de l’innovation. En recensant les besoins, en trouvant les technologies appropriées et en collaborant avec les parties prenantes, il est possible d’établir un cadre qui soit respectueux de l’environnement et avantageux tant pour les petits exploitants agricoles que pour les entreprises. La réussite du déploiement de systèmes de pompage solaire photovoltaïque dans la région de Maués témoignera du pouvoir de la collaboration, de l’innovation et des pratiques responsables pour assurer un avenir durable.