Les négociateurs se préparent à mettre au point un nouveau traité visant à améliorer l’accès des déficients visuels aux livres
Genève,
10 juin 2013
PR/2013/738
Des centaines de négociateurs représentant des pays du monde entier se réuniront dans le courant du mois pour apporter la touche finale à un nouveau traité international visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des autres personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux livres.
Du 18 au 28 juin 2013, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) convoquera la Conférence diplomatique pour la conclusion d’un traité visant à faciliter l’accès des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. Cette conférence sera accueillie par le Royaume du Maroc et se tiendra au Palais des Congrès de Marrakech.
La réunion, qui rassemblera des représentants des 186 États membres de l’OMPI, sera ouverte par le Directeur général de l’OMPI, M. Francis Gurry, et par des fonctionnaires de haut rang du Gouvernement marocain et de la ville de Marrakech. Le ministre marocain de la communication et porte‑parole du gouvernement, M. Mustapha Khalfi, présidera la conférence.
La conférence diplomatique devrait marquer l’aboutissement de plusieurs années de délibérations dont le but était de faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des autres personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés, dont la plupart vivent dans des pays à faible revenu, à des livres dans des formats accessibles comme le braille, les gros caractères ou les enregistrements audionumériques. Les bénéficiaires jouiront d’un accès amélioré à des romans, manuels et autres supports de lecture à visée didactique ou récréative.
Vous trouverez le traité proposé et d’autres documents à l’adresse https://www.wipo.int/meetings/fr/details.jsp?meeting_id=28722
En route pour Marrakech
À la suite de discussions préliminaires, le Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes (SCCR) de l’OMPI examine, depuis 2004, la question de savoir si certaines exceptions au droit d’auteur devraient être harmonisées, au niveau international, en faveur des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture de textes imprimés.
Un élan supplémentaire a été donné aux délibérations de l’OMPI avec l’adoption en 2006 de la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées, qui dispose (à l’article 30) que les lois protégeant les droits de propriété intellectuelle ne doivent pas constituer un obstacle déraisonnable ou discriminatoire à l’accès des personnes handicapées aux produits culturels.
Une proposition de traité a été présentée en mai 2009 par le Brésil, l’Équateur et le Paraguay.
En décembre 2012, les États membres se sont réunis pour une session extraordinaire de l’Assemblée générale et sont convenus que les négociations étaient suffisamment avancées pour permettre la convocation d’une conférence diplomatique. Deux autres réunions de négociation se sont tenues à Genève en février et avril 2013 pour faire avancer les délibérations.
Un accord préliminaire a déjà été atteint sur plusieurs éléments essentiels de la proposition, en particulier ses bénéficiaires, à savoir les déficients visuels, les autres personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés et les personnes qui se trouvent, en raison d’un handicap physique, dans l’incapacité de lire un texte standard.
Les États membres sont également convenus à titre provisoire des définitions essentielles concernant les œuvres visées par le texte et les “entités autorisées” qui mettraient à la disposition des déficients visuels ou des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés des versions accessibles des œuvres publiées.
La proposition prévoit l’obligation pour les pays d’introduire dans leur législation relative au droit d’auteur des exceptions et limitations autorisant la production de livres dans des formats accessibles et autorisant également le partage international de formats accessibles pour les personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés.
Cependant, le projet de texte à la base des négociations de Marrakech contient toujours un certain nombre de questions sur lesquelles il convient de s’entendre. Ces questions seront négociées à la conférence diplomatique.
Qu’est-ce qu'une conférence diplomatique?
La méthode traditionnellement suivie pour la conclusion des traités consiste en la tenue d’une conférence diplomatique de plénipotentiaires spécialement convoquée à cette fin. Des conférences diplomatiques continuent d’être organisées, de temps à autre, pour négocier et adopter des traités multilatéraux qui présentent un intérêt particulier pour la communauté internationale.
Une conférence diplomatique de l’OMPI est généralement convoquée sur la base d’une résolution de l’Assemblée générale de l’OMPI. Cette résolution constitutive de l’Assemblée définit l’objectif de la conférence et les conditions générales de participation. Les conférences diplomatiques sont régies par leur propre règlement intérieur et les dispositions générales du droit international. Par conséquent, c’est la conférence elle‑même qui adopte le traité et un acte final.
Dès son ouverture, la conférence diplomatique de Marrakech s’organisera autour de deux commissions : la Commission principale I et la Commission principale II. Le mandat de la première commission sera de négocier et d’arrêter toutes les dispositions de base et d’en recommander l’adoption en plénière. La deuxième commission est chargée de négocier et d’arrêter toutes les dispositions administratives et les clauses finales, et notamment de déterminer quelles parties pourront adhérer au futur traité et quelles en seront les conditions d’entrée en vigueur. Trois autres commissions ou comités seront également formés : la Commission de vérification des pouvoirs, qui examine les pouvoirs des délégations en vue de leur participation à la conférence et de la signature du traité; le Comité de rédaction, qui s’assure que les six versions linguistiques du traité sont correctement harmonisées; et le Comité directeur, qui comprend les présidents de toutes les commissions ou comités et veille au respect de la procédure.
Dès lors que toutes les commissions et tous les comités ont achevé leurs travaux, le traité est transmis à la session plénière pour adoption. Il est ensuite ouvert à la signature. La signature du traité à la fin d’une conférence diplomatique ne lie pas nécessairement un pays à ses dispositions. Il constitue toutefois une forte indication de l’intention du signataire d’adhérer au traité. L’acte final, un document attestant que la conférence a eu lieu, est également ouvert à la signature après l’adoption.
Rappel
Selon l’Organisation mondiale de la santé, il existe plus de 314 millions d’aveugles et de déficients visuels dans le monde, dont 90% dans les pays en développement. Une enquête de l’OMPI menée en 2006 a fait apparaître que moins d’une soixantaine de pays prévoyaient dans leur législation nationale relative au droit d’auteur des dispositions expresses relatives aux limitations et exceptions en faveur des déficients visuels, par exemple pour les versions en braille, en gros caractères ou audionumériques des œuvres protégées par le droit d’auteur.
En outre, compte tenu de la nature “territoriale” du droit d’auteur, ces exceptions ne s’appliquent généralement pas à l’importation ou à l’exportation d’œuvres converties en formats accessibles, même entre des pays ayant des règles similaires. Dans chaque pays, les organisations compétentes doivent négocier des licences avec les titulaires de droits pour échanger des œuvres en format spécial d’un pays à l’autre, ou produire leurs propres versions accessibles, entreprise coûteuse qui limite gravement l’accès des déficients visuels aux œuvres imprimées de tous ordres.
Selon l’Union mondiale des aveugles, sur le million d’ouvrages qui sortent chaque année dans le monde, moins de 5% sont publiés dans des formats accessibles aux déficients visuels.
Le droit international relatif au droit d’auteur a toujours reconnu la nécessité de concilier les droits des auteurs d’œuvres de création et l’intérêt public, en exemptant certaines utilisations des œuvres protégées de l’obligation d’obtenir l’autorisation du titulaire des droits ou de verser des redevances.
Le traité international sur le droit d’auteur qui est à l’origine du cadre du droit d’auteur international, à savoir la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques de 1886, ainsi que ses révisions ultérieures, prévoient des “limitations et exceptions”. La Convention de Berne mentionne expressément des exceptions en faveur des citations, des comptes rendus d’actualité et les utilisations à titre d’illustration aux fins d’enseignement.
Pour le reste, il appartient aux autorités nationales de définir quelles limitations et exceptions sont autorisées “dans certains cas spéciaux, à condition que la reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur”.
En pratique, les limitations et exceptions prévues dans les législations nationales connaissent de grandes variations. Dans de nombreux pays, la copie pour usage privé est libre, mais quelques pays seulement prévoient des exceptions pour l’enseignement à distance, par exemple. En outre, ces exceptions ne s’appliquent que sur le territoire du pays concerné.
Les journalistes qui souhaitent couvrir la conférence diplomatique sont priés de s’adresser à la Section des relations avec les médias de l’OMPI.
- Tél: (+41 22) 338 81 61 / 338 72 24
- Mél