Le 19 décembre 2023
Vanessa Behrens (OMPI)
Après le boom du capital-risque pendant la pandémie de COVID-19 en 2021, et les signes de faiblesse en 2022, la crainte généralisée était celle d’un grave ralentissement du capital-risque en 2023.
La crainte est que des conditions monétaires plus strictes n’entraînent une baisse significative du capital-risque, en particulier dans les régions les moins bien desservies, telles que l’Amérique latine et l’Afrique. Cela serait regrettable, car une pénurie de fonds de capital-risque pourrait se traduire par un investissement insuffisant dans l’innovation.
Les données préliminaires pour 2023, fournies par notre collaborateur de l’Indice mondial de l’innovation Refinitiv, nous permettent d’observer que le nombre d’opérations de capital-risque conclues continue d’atteindre des sommets historiques. Toutefois, les sommes investies dans le capital-risque diminuent.
Malgré la pandémie de COVID-19, 2021 a été une année exceptionnelle pour le capital-risque, avec un montant record de 611 milliards de dollars É.-U. d’investissements dans le capital-risque. Le nombre d’opérations de capital-risque a continué d’augmenter de 23% en 2022[1], ce qui représente un taux de croissance deux fois plus important que le taux de croissance annuel moyen de 11% observé au cours de la décennie précédente (2012-2022)[2].
Au total, 394 milliards de dollars É.-U. ont été investis dans des opérations de capital-risque dans le monde entier en 2022, soit une baisse de 36% par rapport à 2021. Bien qu’il s’agisse des premiers signes de ralentissement de l’activité de capital-risque, il faut admettre qu’il était difficile de faire aussi bien que l’année 2021, année exceptionnelle de boom du capital-risque (voir la figure 2).
L’Amérique latine et les Caraïbes (+57%, soit le double) et l’Afrique (+53%) ont connu la plus forte croissance du nombre d’opérations entre 2021 et 2022, mais en partant, il est vrai, d’un niveau relativement bas. L’Afrique est la seule région à avoir évité une baisse de la valeur des investissements en capital-risque d’une année sur l’autre (2,7 milliards de dollars É.-U. en 2022). En revanche, les investissements en capital-risque dans toutes les autres régions sont revenus à des niveaux conformes aux tendances précédant le pic de 2021.
Le nombre d’opérations de capital-risque devrait stagner en 2023 et se maintenir à un niveau comparable à l’année record de 2022 (25 000 opérations) (voir la figure 1)[3]. L’augmentation remarquable du nombre d’opérations d’une année sur l’autre, qui s’est manifestée au cours des années 2021 (+48%) et 2022 (+23%), représentées par la ligne rose dans la figure 1, ne se reproduira donc pas en 2023. Au lieu de cela, on s’attend à ce qu’elle s’atténue jusqu’à une croissance approximativement nulle.
Source : OMPI, sur la base des données de Refinitiv Eikon (examen en matière de capital-investissement) consultées en septembre 2023.
En ce qui concerne la valeur du capital-risque, les perspectives pour 2023 sont moins optimistes. Contrairement à la stabilité observée dans le nombre d’opérations de capital-risque, les sommes investies dans le capital-risque devraient connaître une baisse significative en 2023, soit potentiellement un tiers de moins qu’en 2022. L’investissement moyen par opération devrait ainsi passer de 16 millions de dollars É.-U. en 2022 à 10 millions de dollars É.-U. en 2023. Les sources de financement du risque semblent s’amenuiser.
Le premier semestre de 2023 a été marqué par un apport mondial de 124 milliards de dollars É.-U. d’investissements en capital-risque. Toutefois, à mesure que les données complètes pour 2023 se matérialisent, on s’attend à ce que la valeur totale des investissements en capital-risque reste inférieure au pic observé en 2021 (612 milliards de dollars É.-U.). En fonction de l’évolution de l’inflation et du resserrement monétaire, cette situation pourrait entraîner des contraintes financières pour les sociétés de capital-risque au cours des troisième et quatrième trimestres de 2023, pouvant se traduire par une forte baisse par rapport à 2022 (voir la figure 2).
Si l’on s’attend à ce que toutes les régions connaissent une baisse des investissements en capital-risque en 2023 par rapport à 2022, l’Afrique sera la région la moins touchée. En comparant uniquement les données complètes (c’est-à-dire les données du premier semestre de 2022 à celles du premier semestre de 2023), on constate que l’Amérique latine et les Caraïbes ont enregistré la plus forte baisse des investissements en capital-risque, avec une chute de 79%. En revanche, le continent africain a mieux résisté, avec une baisse relativement modeste de 27%. Les autres régions, notamment la région Asie-Pacifique, l’Europe et l’Amérique du Nord, ont toutes enregistré des baisses d’environ 45%.
Source : OMPI, sur la base des données de Refinitiv Eikon (examen en matière de capital-investissement) consultées en septembre 2023.
Il faudra toutefois attendre mars 2023 pour une comparaison complète des données de 2023 et de 2022 et des années précédentes. Ne manquez pas l’évaluation plus complète à ce sujet lors de la publication de l’édition 2024 de l’Indice mondial de l’innovation en septembre 2024.
Contexte : L’édition 2023 de l’Indice mondial de l’innovation utilise trois indicateurs de capital-risque (4.2.2 Investisseurs en capital-risque, opérations/PIB en milliards de dollars É.-U. PPA, 4.2.3 Bénéficiaires de capital-risque, opérations/PIB en milliards de dollars É.-U. PPA et 4.2.4 Capital-risque reçu, valeur, % PIB), fournis dans le cadre de la collaboration entre Refinitiv, une entreprise du London Stock Exchange Group (LSE) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). L’examinateur en matière de capital-investissement de Refinitiv (Eikon) fournit des données de capital-risque sur le volume des opérations, les montants investis, ainsi que des informations sur les investisseurs et les bénéficiaires, remontant au moins à 1995.