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SCCR/1/INF/2
ORIGINAL:
anglais
DATE: 19 mai 1998

COMITÉ PERMANENT DU DROIT D'AUTEUR
ET DES DROITS CONNEXES

Première session

Genève, 2 - 10 novembre 1998

POINT 5 DE L'ORDRE DU JOUR : PROTECTION DES BASES DE DONNÉES

INFORMATION REÇUE DES ÉTATS MEMBRES DE L'OMPI
ET DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

Mémorandum établi par le Bureau international

    1. La réunion d'information sur la propriété intellectuelle en matière de bases de données, qui s'est tenue à Genève du 17 au 19 septembre 1997, a adopté la recommandation suivante (paragraphe 12.ii) et iii) du document DB/IM/6 Rev.) :

      "ii) [...] le Bureau international devra inviter les États membres de l'OMPI et la Communauté européenne, ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales invitées à la réunion d'information, à fournir, d'ici à la fin du mois d'avril 1998, des renseignements sur les questions exposées dans le document susmentionné et sur toute autre question connexe qu'ils pourront juger pertinente;

      "iii) d'ici à la fin du mois de juin 1998, le Bureau international devra communiquer ces renseignements, sous une forme concise, aux États membres de l'OMPI et à la Communauté européenne, de façon à faciliter les consultations sur les questions touchant à la propriété intellectuelle en matière de bases de données, aux niveaux national et régional, ainsi qu'aux organisations visées au point ii), étant entendu que les renseignements reçus d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales seront mis à disposition dans la langue dans laquelle ils ont été fournis;"

    2. En réponse à l'invitation envoyée conformément au point ii) de la décision précitée, le Bureau international a reçu des informations de l'Égypte, de la Communauté européenne et de ses États membres, et du Japon. Ces communications sont annexées au présent document.

    3. D'autres communications ont été envoyées, toutes en anglais, par une organisation intergouvernementale et plusieurs organisations non gouvernementales. Elles sont reproduites dans le document SCCR/1/INF/3, qui n'est diffusé qu'en anglais.

    4. Dans le cadre de la restructuration de l'OMPI qui a été décidée lors des assemblées des États membres de l'Organisation en mars 1998, en liaison avec le programme et budget pour l'exercice biennal 1998-1999, l'activité décrite au sous-programme 10.3 (Protection des bases de données) relève désormais de la compétence du Comité permanent du droit d'auteur et des droits connexes.

                  [L'annexe suit]

ÉGYPTE

    L'Académie de la recherche scientifique a envoyé la réponse suivante :

    - Un traité relatif à un système sui generis de protection des bases de données n'est pas nécessaire, car ces dernières sont protégées par le droit d'auteur.

    - Le système sui generis découragerait les utilisations à valeur ajoutée.

    - Ce système retarderait le progrès économique et technique.

    - Les fabricants de bases de données bénéficient d'une protection pour leur travail en vertu de la législation sur le droit d'auteur.

    - Une protection sui generis aurait pour effet prévisible de restreindre la diffusion de certaines informations non commerciales, dans les domaines de l'éducation, de la culture et de la météorologie.

    - Ce système aurait des répercussions sur la recherche scientifique dans les pays en développement, car les chercheurs ne pourraient se procurer les informations nécessaires que par voie de licence.

COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET SES ÉTATS MEMBRES

LA PROTECTION JURIDIQUE DES BASES DE DONNÉES NON ORIGINALES PAR UN TRAITÉ INTERNATIONAL

    La présente communication de la Communauté européenne et de ses États membres a pour objet de présenter des informations permettant de comprendre pourquoi nous estimons que les bases de données doivent faire l'objet d'une protection internationale distincte, parallèle à toute protection qu'offrent les systèmes du droit d'auteur. Nous précisons également ci-après quelles sortes de bases de données devraient, selon nous, bénéficier de cette protection du type droits voisins.

Qu'est-ce qu'une base de données?

    Une base de données peut être définie comme un recueil d'_uvres, de données ou d'autres éléments indépendants disposés de manière systématique ou méthodique et accessibles individuellement.

    La définition devrait englober les recueils de tout type d'éléments, y compris les _uvres littéraires, artistiques ou musicales ou autres. Il peut s'agir de textes, de sons, d'images, de nombres, de faits ou de données. Cela signifie que les différents enregistrements ou _uvres audiovisuelles, cinématographiques, littéraires ou musicales sont protégés en tant que tels et que les droits octroyés pour la base de données ne modifient en rien cette protection.

    Le recueil étant par nature même une "compilation", la "matière première" ou les éléments individuels qui le constituent ne bénéficient pas en tant que tels de la protection accordée à la base de données. Ainsi, par exemple, des "fichiers" de données recueillies par un satellite ou grâce à des instruments météorologiques de mesure, mais non classées, ne sont pas justiciables en soi d'une protection en tant que bases de données s'ils n'ont pas fait l'objet d'un travail et d'un effort d'organisation des données.

    Les compilations de données structurées qui bénéficieraient de ce nouveau type de protection pourraient prendre la forme, par exemple, de répertoires, de dossiers documentaires, d'une liste exhaustive des _uvres d'un compositeur ou encore d'un fichier manuel des avoirs d'une bibliothèque universitaire ou d'une librairie. En outre, un tableau d'affichage contenant 1000 films constitue également une base de données, même si la protection de celle-ci ne porte pas sur les films eux-mêmes, qui pourront faire l'objet d'une protection dans le cadre du droit d'auteur.

Quels types de bases de données protéger?

    La définition d'une "base de données" devra englober les bases de données sur support électronique, accessibles en ligne ou non, et les bases de données non électroniques. Comme exemples de bases de données se présentant sous forme à la fois analogique et électronique, on peut citer le plan d'une ville (ce sera un livre, un fichier accessible en ligne ou un disque compact ROM) ou un recueil de textes (qui pourra aussi figurer sur le disque dur d'un ordinateur personnel).

    Une définition aussi large est nécessaire car, sinon, l'absence de protection des bases de données non électroniques serait à l'origine d'une différence de traitement, même lorsque l'effort ayant permis l'élaboration de la base de données est très semblable.

    Il est donc important de ne pas faire de différence entre les différents types de bases de données. Bien sûr, pour bénéficier de la protection accordée aux bases de données non originales, il devra être satisfait à deux critères. Tout d'abord, la compilation devra correspondre à la définition de la base de données. Ensuite, l'élaboration de la base de données devra avoir nécessité un travail, un effort ou l'investissement d'autres ressources dans une mesure appréciable.

    Il convient de noter qu'une approche très large de la notion de base de données, au-delà des bases de données électroniques en ligne, permet également de créer un environnement favorable aux petites et moyennes entreprises qui fabriquent des bases de données dans la mesure où celles-ci, quels que soient leur support ou leur forme, satisfont aux critères de protection.

Valeur ajoutée par la protection internationale des bases de données non originales

    Une protection internationale appropriée pour les bases de données non originales constituerait une mesure d'encouragement à l'élaboration et à la commercialisation durables de toutes sortes de bases de données dans différentes parties du monde. Cette protection aurait ainsi des incidences positives sur l'emploi et le commerce international.

    Une meilleure protection juridique des bases de données non originales à l'échelle internationale favoriserait également la diffusion de bases de données présentant un intérêt culturel ou autre. Ces bases de données risquent de ne pas être proposées si le fabricant ne dispose pas d'un niveau minimum de protection contre une exploitation illicite qui réduirait de façon sensible la valeur du résultat obtenu grâce aux efforts consacrés, en termes de temps, de travail ou d'autres ressources, à leur fabrication.

    Une juste récompense des efforts déployés par les fabricants de bases de données est finalement d'une importance cruciale pour un développement favorable du commerce électronique à l'échelle mondiale.

    S'agissant des institutions internationales et des organisations gouvernementales et non gouvernementales qui _uvrent à la promotion de la recherche, de la science et de l'éducation, nombre d'entre elles pourraient elles-mêmes être titulaires de droits, et en disposer librement, puisqu'elles fabriquent des bases de données.

    Il serait bien sûr positif pour les fabricants de bases de données dans le monde de bénéficier d'un niveau minimum de protection pour les bases de données non originales grâce à un instrument international stipulant que les signataires devront accorder aux ressortissants d'autres parties à l'instrument un traitement au moins aussi favorable que celui qu'ils accordent à leurs propres ressortissants.

Protection existant actuellement à l'échelle internationale

    À l'heure actuelle, les conventions internationales sur la propriété intellectuelle ne prévoient pas la protection des recueils qui ne répondent pas aux conditions exigées pour une protection par le droit d'auteur. La Convention de Berne prévoit la protection des recueils d'_uvres littéraires ou artistiques tels que les encyclopédies et anthologies uniquement dans la mesure où, par le choix ou la disposition des matières, elles constituent des créations intellectuelles (article 2.5)). En d'autres termes, le choix ou la disposition des _uvres doit être original.

    L'article 10.2) de l'Accord sur les ADPIC établit clairement que la protection est accordée aux compilations de données ou d'autres éléments, qu'elles soient reproduites sur support exploitable par machine ou sous toute autre forme, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles. Ce niveau de protection est également prévu par le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur (article 5) pour les "compilations de données ou d'autres éléments, sous quelque forme que ce soit, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles". Cette protection ne s'étend toutefois pas aux bases de données non originales, qui ne bénéficient actuellement d'aucune protection internationale.

Quelles sont les conséquences de ces conventions internationales?

    Même si la protection à l'échelle internationale s'étend ainsi aux bases de données comportant un élément de création, la portée de cette protection peut s'avérer limitée. La protection existant actuellement pour les bases de données est tellement restreinte que les États ne sont tenus de l'accorder que si la disposition ou le choix des matières satisfont au critère d'originalité. Ainsi, les compilations pour lesquelles le choix ou la disposition des matières, que ce soit sur support électronique ou non électronique, sont banals, comme les annuaires téléphoniques, les listes d'adresses, de nombreux disques compacts ROM de textes juridiques et autres catalogues ayant une structure encyclopédique, ne sont souvent l'objet d'aucune sorte de protection. Un grand nombre de compilations ne donnent donc pas lieu à des droits patrimoniaux.

    Prenons encore l'exemple d'un recueil exhaustif de tous les textes classiques latins, entrés depuis longtemps dans le domaine public, qui seraient présentés par ordre alphabétique sur un disque compact ROM. Dans le cadre des traités internationaux pertinents, cette forme de base de données, qui est une compilation ou un recueil complet d'_uvres disposées d'une manière non originale, ne bénéficierait d'aucune protection parce qu'il n'y a aucune créativité ni dans le choix ni dans la disposition de la matière. Un tel disque compact ROM ne pourrait pas être protégé au titre du droit d'auteur alors même que sa fabrication aurait exigé beaucoup de travail, de ressources financières et d'efforts. Cela aboutit à une situation dans laquelle le fabricant de bases de données n'est pas encouragé à en fabriquer parce qu'il n'existe aucune protection.

    Les investissements consentis en termes de temps, de travail et d'autres ressources pour l'élaboration de bases de données présentent plusieurs points communs avec d'autres efforts susceptibles de porter sur une matière donnée. Les efforts d'organisation déployés, par exemple, par les organismes de radiodiffusion et les producteurs de phonogrammes bénéficient d'une protection en vertu de droits voisins du droit d'auteur dans le cadre de traités internationaux existants tels que la Convention de Rome et le Traité de l'OMPI sur les représentations et exécutions et les phonogrammes (WPPT). Les fabricants de bases de données devraient donc être traités de manière analogue et bénéficier aussi d'un droit du type droits voisins afin que les investissements substantiels consentis pour l'élaboration des bases de données soient protégés.

Jurisprudence actuelle dans différents pays

    De nombreuses affaires dans le monde ont démontré qu'il est nécessaire d'accorder une protection internationale aux bases de données non originales ayant nécessité un investissement substantiel en termes de travail, de ressources financières et d'efforts. À l'heure actuelle, ces affaires montrent clairement que dans de nombreux États il n'existe de protection ni au titre du droit d'auteur ni au titre de la concurrence déloyale qui puisse en principe s'appliquer aux bases de données non originales. En outre, même dans les cas où une protection au titre du droit d'auteur peut être appliquée, ses effets sont généralement plutôt limités.

    a) Absence d'une protection par le droit d'auteur

    La décision, par exemple, de la Cour suprême des États-Unis d'Amérique dans l'affaire "Feist v. Rural" concernant un annuaire de "pages blanches" stipulait que les bases de données fondées sur un simple travail de compilation ne comportaient aucun élément de créativité dans le choix du contenu et ne pouvaient donc pas prétendre à une protection au titre du droit d'auteur.

    Dans l'affaire "Van Dale v. Romme", la Cour suprême des Pays-Bas devait décider si un simple recueil de mots clés classés dans l'ordre alphabétique, et tirés d'un grand dictionnaire de néerlandais, pouvait être protégé par le droit d'auteur en tant qu'_uvre (la protection au titre du droit d'auteur du dictionnaire complet n'était pas en cause). La cour a décidé qu'une telle compilation de mots néerlandais ne satisfaisait pas au critère de l'originalité, c'est-à-dire qu'elle ne portait pas la marque personnelle de l'auteur. La décision aurait été différente si le recueil avait été le résultat d'un choix exprimant l'individualité de son fabricant.

    En France, aucune protection n'a été accordée au titre du droit d'auteur à une liste chronologique exhaustive des vins français, classés selon la région de production et le millésime, parce qu'il n'y avait ni originalité dans le choix ou la disposition, ni création intellectuelle dans la manière de présenter les vins.

    b) Pas de protection dans le cas de l'extraction de "matière première"

    Dans de nombreuses autres affaires, qui portaient sur une simple reprise de recueils de jurisprudence compilés sur un disque compact ROM, sur l'utilisation des rubriques d'un listage d'avocats et de juges, sur la copie de certaines parties de dossiers documentaires sur les réseaux câblés, ou sur l'établissement de listes d'adresses à partir d'un répertoire comportant les nom, adresse et numéro de téléphone d'entreprises et d'individus travaillant dans l'industrie de la musique, il avait été conclu à l'absence d'atteinte au droit d'auteur au motif que l'extraction de la "matière première" d'une compilation n'avait pas d'incidence sur son choix ou sa disposition dans la base de données.

    Qui plus est, en Belgique, le fait d'extraire des éléments d'un recueil de cartes en vue de les inclure dans une base de données géométriques par vectorisation n'avait pas été jugée constituer une forme de reproduction de ces cartes et donc porter atteinte au droit d'auteur ou être incompatible avec la législation en matière de concurrence déloyale.

Protection juridique actuelle des bases de données à l'échelle nationale

    Les conventions internationales ne prévoient qu'un niveau minimum de protection au titre du droit d'auteur. Néanmoins, seuls quelques États ont à l'heure actuelle adopté une législation prévoyant une protection plus étendue des compilations par le droit d'auteur.

    Tout d'abord, certains pays disposent déjà d'une protection au titre du droit d'auteur pour les bases de données non originales, c'est-à-dire d'une forme de protection au seul titre du travail investi. Cette protection par le droit d'auteur s'applique aux tableaux et compilations de presque toute nature, dès lors que la fabrication a nécessité une somme substantielle de qualifications, de connaissances, de travail, de goût ou de jugement. Une telle approche accorde aussi une protection importante aux bases de données non originales. Cependant, ce n'est pas l'objectif de la protection du droit d'auteur à l'échelle internationale. En outre, selon la pratique juridique de la plupart des autres pays, les bases de données non originales ne bénéficient pas d'une protection au titre du droit d'auteur.

    Le niveau de protection est donc très variable selon les pays. Ces différences pourraient donner lieu à des distorsions du commerce international dans la mesure où les fabricants de bases de données sont peu encouragés à investir dans des bases de données non protégées. De plus, même s'il existe dans certains pays une protection importante par le droit d'auteur à l'échelle nationale, les fabricants de bases de données de ces pays ne disposeront pas de protection dans les pays où elle n'existe pas et seront donc exposés, dans leurs activités commerciales, à une absence de protection de leur investissement.

La concurrence déloyale offre-t-elle une solution?

    Il a été suggéré qu'une protection suffisante des bases de données peut être réalisée par l'application des dispositions concernant la concurrence déloyale. Cependant, il n'existe pas de réglementation uniforme en la matière et, dans le cas de certains pays, même aucune réglementation. Cela signifie que les résultats sont, le cas échéant, limités et qu'il y a un manque de sécurité juridique.

    Des difficultés découlent également du fait que les mesures applicables en matière de concurrence déloyale le sont sur un territoire donné et qu'il est donc nécessaire d'établir un rapport de concurrence non seulement sur le même marché mais également sur le même territoire. Tout d'abord, il n'existe pas de protection si un fabricant de bases de données est présent dans un pays A et qu'une personne exploite abusivement la base de données dans un pays B, parce qu'aucun rapport de concurrence ne peut être invoqué dans le pays A. Ensuite, même sur un territoire donné, les mesures applicables en matière de concurrence déloyale ne protégeront pas le fabricant contre la réutilisation d'éléments extraits de sa base de données sur un marché séparé qui n'est pas en concurrence directe avec celui sur lequel est commercialisée la base de données d'origine. Enfin, il n'existe pas de protection contre des utilisateurs illicites qui ne commercialisent pas la base de données (par exemple, quelqu'un qui copie la base de données et la distribue gratuitement), parce qu'il n'existe pas de rapport de concurrence au sens de la législation sur la concurrence déloyale.

    Tous ces points rendent le contournement des règles concernant la concurrence déloyale très facile parce qu'ils permettent à un tiers d'utiliser abusivement la base de données là où il n'est pas possible d'invoquer la concurrence déloyale, ou là où le fabricant ou l'exploitant de la base de données n'est pas présent sur le marché. En conséquence, les mesures concernant la concurrence déloyale ne sont pas efficaces dans la pratique.

    L'application des règles concernant la concurrence déloyale poserait également d'autres problèmes. Les règlements concernant la concurrence déloyale envisagent uniquement l'application de sanctions sans fixer de durée de protection ni définir l'utilisation abusive. De même, le régime applicable en matière de concurrence déloyale ne prévoit pas de droit patrimonial au sens du droit d'auteur et des droits voisins. Ainsi les droits protégés ne peuvent être ni cédés, ni transférés, ni faire l'objet d'une licence.

Protection contractuelle

    La protection par des moyens contractuels a une portée limitée. Premièrement, et principalement, les effets d'un contrat ne peuvent être étendus aux actes d'un tiers non lié par le contrat.

    Deuxièmement, les clauses d'un contrat conclu entre le vendeur d'une marchandise, ou le fournisseur d'un service, et le consommateur peuvent être soumises à des normes différentes relevant de la législation sur la protection des consommateurs selon le pays où a lieu la vente ou la fourniture.

    Troisièmement, le contrat ne peut pas être source de droits de propriété et il peut même être fait obstacle à son application s'il est contraire aux dispositions législatives d'un pays donné. En tout état de cause, les contrats conclus entre des particuliers ne peuvent pas, du moins pas toujours, déroger à la loi.

    Le recours aux contrats pour la protection des droits des fabricants de bases de données à l'échelle internationale soulève encore un autre problème : du fait de la mondialisation et du caractère transfrontalier des transactions électroniques, il est difficile de déterminer le lieu où l'action doit être intentée. En raison de cette mondialisation, on peut dire qu'un ensemble de solutions nationales différentes pour la protection ne permet pas de résoudre le problème à l'échelle internationale.

Règle de protection des catalogues

    La protection des bases de données non originales au titre de la "règle nordique de protection des catalogues" est appliquée dans les pays nordiques depuis 1960-1961. La protection est accordée lorsque le catalogue comporte un grand nombre d'informations; c'est le cas pour les tableaux arithmétiques, les annuaires téléphoniques, les plans de villes, les dictionnaires, les horaires de train et d'avion, les listes de prix ou de livres et d'autres formes de bases de données. Aucune créativité ni individualité au sens du droit d'auteur n'est requise.

    La protection ne vise que la reproduction de la totalité ou d'une grande partie d'un tel catalogue. En d'autres termes, elle ne couvre pas des actes d'exploitation autres que la reproduction, notamment le fait de mettre à la disposition du public le résultat de la reproduction. La durée de la protection est de 10 ans après la publication et, au maximum, de 15 ans après l'achèvement. Le titulaire du droit est le fabricant, que ce soit une personne physique ou morale. Enfin, sont applicables les mêmes exceptions qu'en droit d'auteur.

    En raison du critère du "grand nombre d'informations" cette protection ne s'applique pas aux bases de données comportant relativement peu d'informations, même si leur fabrication a donné lieu à un investissement substantiel en termes de temps, de qualifications et de capitaux.

Protection des bases de données au sein de la CE

    La directive 96/9/CE portant sur la protection juridique des bases de données s'applique depuis le 31 décembre 1997. Elle prévoit la protection des bases de données tant au titre de droit d'auteur qu'au titre d'un certain nombre de droits sui generis (une nouvelle forme de protection du type droits voisins). Le travail de création intellectuelle consacré par l'auteur au choix et à la disposition de la base de données (la "structure") est protégé par le droit d'auteur. Une base de données qui est le résultat d'un investissement substantiel en termes de travail, d'argent et d'effort est protégée par des droits sui generis.

    Le but du législateur communautaire a été de trouver une solution adéquate qui tienne compte à la fois de la protection traditionnelle par le droit d'auteur dont peuvent bénéficier les bases de données qui constituent des _uvres créatives, et du travail, de l'effort et de l'argent investis dans la fabrication de bases de données non originales.

    La nouvelle protection sui generis du type droits voisins a un précédent dans la règle de protection des catalogues décrite plus haut ou d'autres formes analogues de protection. Elle vise à protéger le résultat de l'investissement fait dans une base de données - en termes de travail, de ressources financières et d'effort fourni - contre toute utilisation abusive (l'extraction ou la réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu de la base de données sans effort personnel). Les moyens techniques existants mettent à la portée de tous les utilisateurs la possibilité d'extraire un nombre considérable de données d'une base de données, ce qui facilite bien sûr les abus. Cette protection n'a cependant aucune incidence sur la possibilité d'accès au même contenu, mais dans d'autres sources que la base de données protégée, ou sur une compilation contenant les mêmes données, dès lors que celle-ci a été fabriquée de manière indépendante.

Ce nouveau droit pour les bases de données établit-il un monopole sur les données utilisées?

    D'aucuns ont soutenu que si les fabricants des bases de données se voyaient octroyer ce nouveau type de droit, cela établirait un monopole sur les données ou autres éléments contenus dans la base de données. Cependant, pour les raisons suivantes, cela n'est pas le cas.

    Le droit concerné vise uniquement à protéger les efforts substantiels. La protection ne s'étend pas aux parties non substantielles d'une base de données et encore moins aux données individuelles elles-mêmes. Les informations auxquelles le public a librement accès resteront d'accès libre. Cela signifie tout d'abord que toute personne peut fabriquer une base de données en recueillant les mêmes éléments à leur source, de manière indépendante et séparée par rapport à la base de données initiale, comme l'a fait le fabricant de cette dernière. Grâce à ses propres choix et à sa propre disposition, le deuxième fabricant pourra ensuite obtenir une protection au titre de ce droit, s'il a lui-même investi, de façon substantielle, travail, ressources financières et efforts dans la fabrication de sa base de données. Ensuite, tout producteur de matière première ou d'informations restera libre de choisir si les éléments ou informations qu'il a produits doivent être librement accessibles pour tous ou seulement pour certains utilisateurs, ou encore uniquement sur paiement et, bien entendu, toujours sous réserve d'une éventuelle obligation de libre accès édictée par les autorités pour des raisons d'intérêt public.

Liberté d'information

    La protection des bases de données au titre d'un nouveau droit du type droits voisins ne porte pas atteinte au droit à la liberté d'information prévu par les lois nationales ou régionales. On peut notamment le constater grâce à l'expérience acquise avec la règle de protection des catalogues : cette règle existe depuis longtemps dans cinq pays nordiques et il n'y a pas eu de problème à cet égard. Il convient de souligner que les informations ou les bases de données générées par les pouvoirs publics peuvent rester libres d'accès en vertu d'exceptions traditionnelles ou d'une législation spécifique.

    Enfin, la liberté d'information sera également sauvegardée aux termes des instruments internationaux existants ou des règles nationales en matière d'intérêt public, qui ne seront en aucun cas touchées par cette proposition de création d'un droit pour les bases de données non originales.

Une durée de protection très longue?

    Il a été avancé que la protection accordée au titre de ce droit peut perdurer sans limitation en raison de la possibilité de prolonger la durée de protection chaque fois que la base de données est modifiée. Or, l'idée qui préside à l'instauration de ce droit est de protéger les investissements substantiels, en termes de travail, d'efforts et de ressources financières affectés à une base de données. Par conséquent, si une base de données est sensiblement modifiée par un nouveau travail substantiel, une nouvelle base de données en résultera. Cette base de données devrait bénéficier d'une durée de protection propre. Par ailleurs, l'ancienne "version" d'une base de données, qui ne sera plus consultable en ligne, ne sera plus protégée lorsque la durée de protection accordée au titre du premier investissement substantiel arrivera à son terme. Une simple mise à jour d'une base de données n'impliquant pas un effort ou un travail substantiel ne suffit pas pour créer une nouvelle base de données. Il n'est donc pas exact d'affirmer qu'un tel système pourrait créer une protection perpétuelle grâce à une suite de "renouvellements".

Exceptions éventuelles à cette protection

    Tout comme pour les autres instruments multilatéraux existant dans le domaine de la propriété intellectuelle, un traité international sur la protection juridique des bases de données non originales doit dûment tenir compte des exceptions appropriées aux droits réservés en vue de garantir un équilibre des droits et des intérêts entre les fabricants de bases de données et les utilisateurs, y compris la communauté scientifique et le monde de l'enseignement. Pour ces exceptions il y a lieu de s'inspirer des dispositions existantes des traités internationaux sur le droit d'auteur ou les droits voisins.

Considérations supplémentaires

    Il convient de souligner qu'un mode de protection du type droits voisins qui comblerait le vide juridique actuel serait sans préjudice de toute protection éventuelle au titre du droit d'auteur déjà prévue par les traités internationaux.

    La forme de protection indépendante qui est proposée serait accordée aux bases de données non originales et les critères servant à déterminer si elle doit l'être ne dépendraient en aucune manière de la protection éventuelle par le droit d'auteur des différents éléments contenus dans la base de données et n'auraient aucune incidence sur cette protection.

    Cette nouvelle protection du type droits voisins qui serait instaurée par un futur traité international serait sans préjudice de l'application des règles nationales, régionales ou internationales en matière de concurrence (antitrust) dans le cas d'un abus de position dominante par le fabricant de la base de données. Il en est de même lorsque d'autres droits de propriété intellectuelle sont concernés, et il n'y a pas plus qu'il n'y aura d'exception pour les bases de données. À cet égard, il convient de garder à l'esprit qu'un droit de propriété intellectuelle qui confère des droits exclusifs à son propriétaire ne conduit pas automatiquement à un abus de position dominante.

Conclusions

    La Communauté et ses États membres estiment que le vide juridique qui existe actuellement dans le contexte international doit être comblé. Une utilisation libre à des fins commerciales ou concurrentielles ne devrait pas être autorisée. De même, les efforts d'un fabricant de bases de données ne devraient pas être indûment compromis par des utilisations illicites. Il est donc d'une grande importance d'accorder une protection à ceux qui consacrent du temps, des efforts et des ressources financières considérables à la fabrication de bases de données ne satisfaisant pas aux critères d'une protection au titre du droit d'auteur.

JAPON

    En ce qui concerne un nouveau système national destiné à protéger "les bases de données, y compris dépourvues de caractère créatif", plusieurs organismes comme le Conseil du droit d'auteur de l'Office des affaires culturelles et le Conseil des structures industrielles du Ministère du commerce extérieur et de l'industrie poursuivent leurs discussions et ils s'attachent actuellement à cerner des thèmes de discussions futures.

On trouvera ci-après un aperçu des délibérations de ces deux organes consultatifs :

1. Nécessité de créer un nouveau système

    1) Il est admis que les utilisations suivantes des bases de données ne relèvent pas de la loi actuelle sur le droit d'auteur :

      i) toute utilisation d'une "base de données dépourvue de caractère créatif",

      ii) toute utilisation d'une partie non créative d'une "base de données ayant un caractère créatif",

      iii) toute utilisation d'une base de données ayant un caractère créatif en raison de sa conception ou de son agencement systématique, qui aurait pour effet de modifier cette conception ou cet agencement.

    Comme il n'y a guère de jurisprudence sur la question au Japon, il est difficile de circonscrire nettement la portée de la protection des bases de données conférée par la loi sur le droit d'auteur.

    2) En ce qui concerne la mise en place éventuelle d'un nouveau système national visant à protéger "les bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de caractère créatif", un examen attentif s'impose pour déterminer si ce nouveau système pourrait décourager les fabricants/fournisseurs de bases de données en limitant le champ des activités permises, et s'il pourrait aboutir à la monopolisation de l'information et nuire aux activités de recherche et d'enseignement.

    À propos de la protection du contenu numérique qui constitue une propriété intellectuelle en général, on a fait valoir la nécessité d'établir un équilibre entre les facteurs suivants lors de la mise en place d'un nouveau système :

      i) protéger les droits/intérêts des créateurs/fournisseurs de contenu numérique,

      ii) garantir aux protagonistes du marché liberté/souplesse pour leurs activités créatrices;

      iii) garantir l'absence de désagréments aux consommateurs et aux utilisateurs finals;

      iv) assurer l'harmonisation avec les systèmes internationaux.

    3) Sur la base de ces arguments, il faudra, dans la suite des discussions sur la nécessité d'une protection nouvelle et équilibrée des "bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de caractère créatif", prendre en considération de nombreux facteurs, et étudier les situations et les problèmes actuellement liés à la protection des bases de données, ainsi que les pratiques contractuelles ou les moyens techniques.

2. Contenu d'un nouveau système de protection possible

    Les paragraphes qui suivent illustrent des thèmes possibles de réflexion, en se référant à certains éléments de la proposition de base de l'OMPI établie pour la conférence diplomatique de décembre 1996, dans l'hypothèse de la création d'un nouveau système visant à protéger les "bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de caractère créatif".

    1) Forme de la protection

    Certains font valoir que la protection devrait consister à accorder des "droits exclusifs" ainsi qu'il est prévu dans la directive pertinente de la CE. D'autres sont partisans au contraire d'un système de "réglementation des actes" qui soit le moins directif possible.

    2) Régime auquel soumettre l'extraction

    Certains sont d'avis que l'"extraction" d'une partie substantielle d'une base de données doit être couverte par le système de protection prévu dans la directive de la CE; pour d'autres, il suffirait de réglementer "l'utilisation", et il ne convient pas d'accorder une nouvelle protection à l'"extraction", pour les raisons suivantes :

      i) l'obligation de demander une autorisation chaque fois que l'on voudrait extraire une partie substantielle d'une base de données serait source de désagréments et gênerait la bonne circulation des bases de données;

      ii) on pourrait contrôler l'extraction d'une partie substantielle d'une base de données par d'autres moyens, par exemple par contrat ou par des moyens techniques tels que le cryptage.

    3) Protection des bases de données non lisibles par ordinateur

    Certains estiment que la nouvelle protection possible devrait être accordée aux bases de données non lisibles par ordinateur, par exemple à celles qui sont fixées sur papier, comme le prévoit la directive de la CE; d'autres sont au contraire fortement partisans de limiter aux bases de données lisibles par ordinateur la nouvelle protection des bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de créativité, pour les raisons suivantes :

      i) un nouveau système de protection applicables aux bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de caractère créatif, fixées sur papier serait une source de confusion, car ces bases ont déjà été largement diffusées;

      ii) étant donné que les discussions actuelles sur un nouveau système national ont été engagées à l'origine en vue de faire face à une situation nouvelle où l'on s'attend à une expansion rapide des investissements consacrés aux bases de données lisibles par ordinateur et où le progrès technique facilite la contrefaçon, la nouvelle protection devrait être limitée en conséquence aux "bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de caractère créatif" lisibles par ordinateur.

    4) Signification de "investissement substantiel" et "partie substantielle"

    On a fait valoir avec force que, pour établir un système transparent et efficace, il faut élucider diverses questions, et notamment les suivantes : que faut-il entendre par "substantialité" s'agissant d'investissement substantiel ou de partie substantielle, à qui incombe-t-il d'apprécier le caractère substantiel, et comment les utilisateurs des bases de données peuvent-ils en avoir connaissance?

    5) Limitations et exceptions

    Les limites de la protection et les exceptions à la protection, par exemple les cas d'utilisation à des fins de recherche sans but lucratif, d'utilisation des bases de données par les organismes gouvernementaux, etc., sont des questions qui appellent un complément d'examen. Il faudrait étudier aussi l'utilisation des bases de données qui sont fabriquées uniquement à partir de données largement publiques. Le rapport que la nouvelle protection devrait avoir avec la question du monopole de l'information demande lui aussi à être étudié.

    6) Personnes à protéger

    En ce qui concerne les personnes qui doivent être protégées par le nouveau système pour les "bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de caractère créatif", un complément d'étude s'impose sur des questions comme celle de savoir si la protection doit être étendue à des personnes autres que le fabricant (par exemple les distributeurs) et, dans l'affirmative, comment identifier ces autres parties intéressées, à qui appartient le pouvoir d'appréciation, et comment les utilisateurs peuvent en avoir connaissance.

    7) Durée de la protection

    Certains estiment que la durée de la protection après la fabrication d'une base de données doit être fixée conformément aux dispositions de la directive de la CE; d'autres sont d'avis que le titulaire de droits ne doit pouvoir agir en justice que pendant un nombre d'années déterminé (par exemple trois ans) après l'atteinte à ses droits.

    3. Établissement d'un système international

    En ce qui concerne l'établissement d'un système international de protection des "bases de données, y compris celles qui sont dépourvues de caractère créatif", des discussions approfondies, notamment sur des questions fondamentales comme la nécessité de ce système international, doivent se poursuivre et tenir compte comme il convient du déroulement des réflexions parallèles dans chaque pays sur son système national. En outre, il faudrait explorer la possibilité de laisser une certaine latitude aux États membres quant à la forme de cette protection, en fonction des différents régimes juridiques existants.

                  [Fin de l'annexe et du document]